NETTALI.COM - Que ceux qui nous enquiquinent avec le "génie politique" de Macky Sall ou encore le très flatteur qualificatif de « stratège politique » à lui attribué, nous épargnent leurs déclarations sans consistance ! Avec les acrobaties politiciennes du président Sall, on est certes bien loin des rafistolages qu’on constate dans la sous-région ouest-africaine et qui ont permis d'écarter Soro et Gbagbo de la présidentielle ivoirienne en les retenant contre leur gré à l’étranger.

Et bien sûr, on ne peut évidemment pas mettre Dakar sur le même pied qu’Abidjan et Conakry – du moins, pour l’instant – mais ce qui se donne à lire, n’invite point à l’optimisme, malgré tout le tintamarre sur l’ingéniosité du « coup » du 1er novembre 2020. Au pays des aveugles, on chante facilement l’intelligence, les talents hors-norme et les capacités surhumaines des borgnes. Mais au fond,  où est le coup de génie dans la dernière acrobatie politique propulsant Idrissa Seck à la tête du Conseil économique social et environnement (CESE) et ‘’ressuscitant’’ Oumar Sarr et Cie, si ce n’est celle de vouloir enterrer des collaborateurs qui dérangent.

Quel génie politique peut se nicher dans le fait de détenir un pouvoir de nomination et de limogeage et de l’utiliser pour appâter de l’opposant, neutraliser un empêcheur de tourner en rond ou encore limoger un élément gênant ? Assurément aucun. Macky Sall ne doit pas pouvoir éternellement se jouer de nos institutions en continuant à en créer sans que leur utilité et nécessité ne soient prouvées. L'objectif en le faisant, est pourtant clair. Il n'est simplement que d'y loger la clientèle politique. Beaucoup de leaders d’opinion ou encore de membres de la société civile, y sont aujourd’hui confortablement installés. La preuve par le Conseil économique, social et environnemental. Ces heureux élus en sont d'ailleurs à ce point réduits au silence voire parfois même aux contorsions.

C’est bien dommage qu’il soit aussi facile sous nos cieux, de débaucher de l’opposant éreinté et usé par des années de galère. A la vérité, certains d’entre eux n'ont à proprement parler pas d'occupation, en dehors de la politique politicienne. Ils voudraient retrouver leur train de vie d'antan.

Le fait par exemple d’avoir limogé sans ménagement Aly Ngouille Ndiaye, Aminata Touré, Amadou Bâ et Mouhamadou Makhtar Cissé, quel que soit ce dont on a pu les accuser, procède bien sûr d’une stratégie de libérer la place pour y mettre autre chose même si ceux-ci étaient sur la corde raide depuis que le Président Sall a remporté la dernière présidentielle avec un score (58% au premier tour). L’essentiel n’est pas dans ce qui se donne à voir. L’on cherche tout simplement à construire de nouveaux rapports de force qui rejoindraient les plans du Président Sall dans lesquels ses anciens ministres ne figurent plus. En tout cas pas pour le moment. Car avec le patron de l’Apr, on ne sait jamais. Moustapha Cissé Lô est bien revenu dans ses grâces après avoir été exclu du parti présidentiel. Il serait plus fragile qu’un Moustapha Diakhaté par certains côtés, même s’il est reconnu par ailleurs bien turbulent.

Un président de la République ne devrait pas pouvoir tout se permettre. Il doit être au-dessus de la mêlée et arbitrer le jeu avec sagesse et laisser les institutions jouer leur rôle. L'éthique n'est pas une règle écrite, mais elle devrait gouverner tous les actes que l'on pose en république, même si elle doit permettre d'enfreindre la constitution dans un sen profitable au pays. A ce titre, même des flous décelés dans la Constitution, ne devraient pas être des brèches dans lesquelles un homme politique si puissant soit-il,  devrait pouvoir s’engouffrer pour s’octroyer des possibilités moralement inacceptables. Surtout lorsqu'on a donné sa parole. Les institutions de l’Etat ne peuvent en tout cas pas à ce point servir de bras armé politique.

Comment comprendre par exemple qu’un Karim Wade ne puisse plus librement revenir au Sénégal ? Quel que soit ce dont on l'accuse par ailleurs. A l’hémicycle où il défendait le budget 2021 de son département, Oumar Sarr a tenté de nous faire comprendre que « la première fois que je suis allé voir Macky Sall en tant que président, c’était pour la libération de Karim». Ajoutant ceci face aux députés : «quand je suis allé plaider pour Karim au dialogue, un mois plus tard il a été libéré. Et personne ne m’avait mandaté. Même Abdoulaye Wade ne le savait pas. Seul Karim était au courant. Et Karim m’avait dit de ne pas l’ébruiter et que son papa ne l’apprît pas». Un aveu qui amène à se poser la question de la crédibilité de nos institutions. Quand la politique se se confond à la justice, où va-t-on  ? De même l’on peut raisonnablement se demander ce qu’il serait advenu de Khalifa Sall, s’il avait joué le jeu ? S’il n’avait pas bravé feu Ousmane Tanor Dieng, ex-fidèle allié de Macky Sall au sein du Parti socialiste,  ?

L’actualité politique laisse entrevoir l’idée d’une amnistie que l’on agite de plus en plus. Avec Macky Sall, c’est le tout politique qui prend toujours le dessus.

L’information révélée par E-media.sn annonçant une mission de vérification de l’inspection générale d’État qui se penche justement sur la gestion d’Aminata Touré et celle d’Aminata Tall qui l’a précédée au CESE, a de quoi inquiéter. Dans le journal « Le Quotidien » de ce samedi 19 décembre, Aminata Touré affiche une sérénité olympienne. « Je n’ai pas encore été au courant d’une telle mission mais, de toute façon on l’attend avec sérénité », a déclaré l’ancienne ministre de la Justice qui dans les faits, affiche une volonté d’en découdre. L’ex-Premier ministre a même tenu à préciser : « les choses seront claires et on passera à autre chose. J’ai moi-même procédé à un audit d’entrée par un cabinet habilité, suite à la consultation de prestataires. Je demande mieux, un audit par les organes habilités de l’Etat du CESE depuis 2013, date de sa création au jour de mon départ ».

Une situation qui laisse bien perplexe sur les tendances dangereuses de la politique politicienne. Pourquoi choisir un tel moment pour auditer une institution qui ne l’a jamais été. Mettre Aminata Tall dans le lot, ne procède-t-il pas que d’une volonté de crédibiliser l’audit. Ce qui est d’autant plus sidérant, c’est la flagrance avec laquelle, les institutions sont utilisées. C’est une posture sans gêne qui laisse songeuse sur l’état même de notre démocratie. Aminata Touré a juste eu le tort de donner son sentiment sur le 3ème mandat, soulignant au passage que c’est Macky Sall qui avait lui-même déclaré devoir en faire deux.

Comment un président qui n’est pas si intéressé par un 3ème mandat, peut-il autant s'inquiéter du débat sur le sujet ? Qu’est ce qui pourrait bien le faire courir si ce n’est de conquérir à nouveau le pouvoir. Les effets d’annonce sur les 85% qu’il a déclaré détenir, le pourcentage d’Idrissa Seck y compris, rentrent tout simplement dans cette logique de prévenir quant à sa victoire future. L’effet psychologique est manifeste. Ce que le président Sall oublie sans doute, c’est qu’il a remporté la dernière présidentielle avec un score (58% au premier tour). Il avait gagné avec Benno Book Yaakaar au tout début, en ayant seulement 25% pour lui. Des scores dans le temps qui doivent d’ailleurs inviter à la prudence , surtout avec un Idrissa Seck dont le pourcentage ne doit pas avoir évolué, talonné par Ousmane Sonko à la dernière présidentielle (20,50 % contre (15,67%). N’oublions pas que ce cher Idy n’a pas entre temps, engrangé de nouvelles forces. S'il ne n'en pas d'ailleurs beaucoup perdues. Barthélémy Dias mis Macky Sall au défi de s’assurer de l’impopularité de l’ancien maire de Thies en faisant un tour en voiture dans la ville de Dakar. L’effet répulsif que l’ex-maire de Thiès susciterait, serait à son avis, notable.

Le 3ème mandat, un débat continu et fluctuant

La question du 3ème mandat fonctionne finalement comme le dollar qui ne cesse de fluctuer. Entre pros et contre, c’est une polémique et des déclarations sans fin. Il y a d’abord eu un débat de juristes sur le sujet. De 5 ans, le mandat était finalement passé à 7 ans. L’effet déclencheur de cette polémique a sans doute été cette déclaration de la conférence de fin d'année passée. Répondant à la question des journalistes, le président avait balancé un « ni oui, ni non », estimant que personne ne travaillerait s’il venait à se prononcer clairement sur le sujet. La volonté de fuir le débat et de gagner du temps, est manifeste. Depuis lors ce sont des débats infinis qui s'en sont suivis jusqu’à ce que Macky Sall interdise que la question soit abordée dans ses rangs. Moustapha Diakhaté, Sory Kaba et Me Moussa Diop furent ses premières victimes.

Apres ce fut l'épisode du dialogue national et politique aussi. C’est en réalité mal connaître le président Sall que de ne pas se rendre compte qu'avec lui, tout est finalement une question de couverture pour ses subterfuges. Il fallait aussi trouver un moyen d'y enrober le report des locales, en le présentant comme une décision à prendre par les partis politiques. Comme si les administrés comptaient pour du beurre. Il fallait également habiller l’entrisme de tous ceux qui n'avaient pas reconnu en lui, le président sorti vainqueur de la dernière présidentielle. Mais avant, il a fallu limoger ceux à qui, sans jamais que cela ne soit prouvé, était prêtées des ambitions présidentielles. Idrissa Seck pouvait dès lors être troqué contre une Aminata Toure, avec en plus dans son baluchon, deux ministres dans le gouvernement. Il  y a eu aussi le club de ceux qui sont présentés comme les anciennes taupes de Macky dans le Pds, parmi lesquelles le chef de file Oumar Sarr, Me Amadou Sall et Babacar Gaye, pouvaient aussi dès lors rejoindre le maquis.

Ce fut par la suite le moment choisi pour voir une cascade d'approbation du 3ème mandat du président Sall. Cheikh Oumar Hann est le 1er à se jeter à l’eau. Il y a eu Madiambal qui a cru pouvoir tromper son monde en parant de vertus, la non limitation des mandats. Me Babou est allé dans le même sens, sauf que les deux derniers ont fait du « wax waxeet » (ils se sont dédits). Nouvelle époque, nouvelles positions.

Macky n’a pas cru bon de s'arrêter en si bon chemin alors que Barth a déjà prévenu contre toute  velléité de supprimer la ville de Dakar. Les faits lui ont donné raison. Oumar Guèye, le ministre des Collectivités nous a récemment servi un argument tiré par les cheveux, évoquant le fait qu'une ville ne puisse pas porter aussi celui d’un département. Le débat s’est installé dans le landerneau politique et ça sent le dessein de supprimer la ville de Dakar, celles de Pikine, Guédiawaye, Rufisque  et Thiès. Les locales sont en ligne de mire. Et Macky n’attend que cela pour parachever une éventuelle réforme et peut-être enfin fixer la date des locales mise sur le dos du dialogue.

Seulement alors que les pros 3ème mandat étaient en train de tisser leur toile, Barthélemy Dias a vivement alerté sur l'intention claire et manifeste de Macky Sall d’être à nouveau candidat. Après tout, nous a-t-il fait savoir, cela a bien réussi à ses pairs Ouattara et Alpha Condé. Pourquoi en serait autrement de lui, se demande l’enfant terrible de la politique sénégalaise. Barth a dit à qui veut le savoir que Macky est imbattable car il a son parrainage et sa justice pour se maintenir au pouvoir. Il est suivi en cela par « Y en a marre » qui, par la voix d'Aliou Sané a dit que le chef de l’Etat devra marcher sur leurs cadavres pour faire un 3ème mandat.

Avec Macky Sall, la politique politicienne est toujours au rendez-vous. On a beau nous présenter des réformes avec un papier cadeau bien emballé, il y a toujours un coup fourré derrière. Le référendum est passé par là et ne laissait pas beaucoup de choix à ceux qui devaient dire oui ou non. Le parrainage se révéla être un grand fiasco, au grand dam de beaucoup qui se sont faits flouer. Le dialogue vient à peine de révéler ses fruits. Et aujourd’hui, ce sont les villes qui sont dans le collimateur de Macky. Il use sans arrêt de subterfuges et cherche toujours habiller ses coups politiques dans le but de leur donner une certaine crédibilité.

Mais il manque à l'opposition sénégalaise qui a compris le jeu de Macky Sall et qui s'organise, ce coup de génie, du même acabit que celui des initiateurs des Assises nationales qui avaient réussi à anesthésier le cerveau pourtant puissant d’un Me Abdoulaye Wade et permis par une alchimie politique complexe au sein de Benno, alors que Dansokho était en vie, son arrivée au pouvoir. Le dialogue national s’est révélé au grand jour n’être qu’un deal politique et est finalement apparu comme un subterfuge de plus aux yeux beaucoup de ces naïfs qui y avaient cru.

La politique a en tout cas cette qualité, celle d’aimer les rapports de force. Il n y a finalement de génie dans l'exercice du pouvoir, qu'avec l'usage de la vertu qui suppose évidemment le respect des institutions et de la constitution.