NETTALI.COM – Théoricien de la non-limitation des mandats du président de la République, Abdoulaye Makhtar Diop est rattrapé par la publication d’une vidéo où il soutient le contraire.

Depuis la réélection de Macky Sall en 2019, le débat sur la limitation des mandats du président de la République jouit d’une grande surface rédactionnelle dans les médias. Outre Serigne Mbacké Ndiaye et l’ancien Premier ministre Boun Abdallah Dionne, une autre personnalité de la mouvance présidentielle, en l’occurrence Abdoulaye Makhtar Diop, plaide pour que saute le verrou.

En clair, dans un entretien avec Dakaractu, celui qui est, par ailleurs, Grand Serigne de Dakar, croit savoir que l’on doit donner au chef de l’Etat assez de temps pour parachever sa mission.

Le cinquième vice-président à l’Assemblée nationale pense que tout homme d’Etat doit s'ériger contre la limitation des mandats du président de la République. A cet égard, il préconise la tenue d’un référendum afin de recueillir l'avis du peuple sénégalais. « Et si le Oui l'emporte sur le Non, dans ce sens on pourra limiter le mandat du président de la République », proposera-t-il.
En tenant ces propos, Abdoulaye Makhtar Diop ignorait peut-être qu’il avait défendu le contraire, dans une vidéo, devenue virale dans les réseaux sociaux. Dans cet élément, le Grand Serigne de Dakar, interrogé sur la question du 3e mandat, se montre intransigeant. « Non non, ça vraiment, moi je pense que ça doit être le consensus fort du Sénégal, si nous voulons être un exemple en Afrique.  Tout président qui exerce deux mandats successifs doit se retirer. Il ne faut pas toucher la constitution sur ce plan. En tout cas moi Abdoulaye Makhtar, qui touche à la constitution, tu m’auras en face », déclare l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, sous le magistère de Abdou Diouf.

Ce dernier a suscité une vive réaction des internautes, qui fouillent dans son passé de ponte du Parti socialiste, à l’époque du quasi monolithisme d’Etat, pour soutenir qu’il n’a jamais été un démocrate. Même l’histoire des Tontons Macoutes, ces nervis du Ps, est exhumée pour descendre en flammes Abdoulaye Makhtar Diop, dont on ne peut comprendre le rétropédalage subit sur cette question aussi sensible.

Comme le ridicule ne tue point, il dit que la constitution française ne limite pas le nombre de mandats du président de la République, au pays de Marianne. De quelle constitution française parle Abdoulaye Makhtar?

A travers cette sortie, l’ancien ministre de Abdoulaye Wade donne raison à ceux qui pensent qu’il avait rejoint le régime libéral, au lendemain de la chute du Ps, uniquement pour les lambris dorés du pouvoir. Abdoulaye Makhtar Diop, qui est témoin des scènes de violence notées avant la présidentielle de 2012, ne doit-il pas adopter la posture du sage colombe ? Après tout, il est un commis de l’Etat, en plus d’être le Chef Supérieur de la Collectivité léboue. A cet égard, la situation qui prévaut en Guinée Conakry et en Côte d’Ivoire ne devrait-elle pas l’amener à jouer un rôle de veille et d’alerte pour prévenir les dangers qui guettent la sous-région ouest-africaine ?

De plus, comment engager les deniers publics dans la tenue d’un référendum dispendieux, alors que l’économie sénégalaise souffre des contrecoups néfastes de la hausse du prix du baril de pétrole, de certains choix du gouvernement, du coronavirus et des inondations ?

Des observateurs de la scène politique sénégalaise, qui ne sont pas nés de la dernière pluie, relient la proposition du Grand Serigne à une stratégie bien élaborée par le pouvoir pour préparer psychologiquement les Sénégalais à la perspective d’un revirement spectaculaire, comme ce fut le cas au référendum de 2016, quand Macky Sall n’honora pas sa promesse  de réduire son premier mandat de sept à cinq ans.

Il convient de rappeler que le jour de la Korité, en 2015, ce fut l’imam ratib de la Grande mosquée de Dakar, qui lança le ballon de sonde, en conseillant au chef de l’Etat de faire un mandat de sept ans. L’Histoire est-elle en train de se répéter ?