NETTALI.COM - Réouverture des frontières ou restriction aux ressortissants Sénégalais, suite au déconfinement dans beaucoup d’Etats ? Entre suspense et interrogations, la question a occupé le débat médiatique au Sénégal depuis deux semaines. Le résultat, c’est une grosse déception qui n’est pas sans conséquences. Pendant ce temps, la question foncière qui préoccupe les populations de Déngueler est venue enfler l’équation de la gouvernance qui pose de plus en plus problème.

Le sujet a été longuement évoqué, depuis le moment où le Président Sall avait été confiné jusqu’à la fin de la semaine dernière. Il a été dans un premier temps beaucoup question de négociations entre l’Union européenne via son ambassadrice Mme Mingasson et le Sénégal. Et dans un second temps, cette négociation qui pouvait susciter enthousiasme et optimisme, se révéla être une déception. Le Sénégal fait désormais partie des pays blacklistés quant à l’entrée de ses ressortissants dans l’espace Schenghen. Ce qui veut dire en d’autres termes que les vols commerciaux vers les pays de l’Union européenne sont suspendus jusqu’à nouvel ordre, car il s’agit pour les Européens d’opérer un examen des pays admissibles, suivant une certaine périodicité. Et ce sont les binationaux, qui ont le malheur de ne disposer que de papiers français, qui en font les frais. Jeudi dernier, dans le vol de rapatriement, ils ont été des dizaines à avoir été éconduits au seuil de l’embarquement. Une situation qui ne risque pas non plus faire les affaires de Sénégalais qui devaient venir assister à la fête de la Tabaski.

Certains journaux ont ainsi évoqué l’application de la réciprocité, suite à la surprise et à l’émotion qu’a suscité cette nouvelle, dans un contexte  où des pays tels que l’Algérie et le Maroc sont admis alors qu’ils comptent plus de cas de Covid que le pays de Macky Sall. Comble du paradoxe, la plupart de ces pays de l’Union européenne dépassent de très loin le Sénégal en termes de nombre de cas et de décès. Et l’on ne manque de s’interroger sur les critères de confection de la liste des pays admis, même si on a pu avancer celui de 16 contaminations pour 100 000 habitants, soit ces pays qui ont une situation épidémiologique semblable à celle de l’Union européenne. Fait-on face à de la stigmatisation pure et simple ? A-t-on affaire à de la discrimination ? L’Union européenne, aurait-elle des intérêts plus importants du côté de l’Algérie et du Maroc ?  La décision des autorités sénégalaises de laisser les Sénégalais vivre avec le virus, aurait-elle à voir avec des craintes de l’Union de voir son espace envahi par des voyageurs potentiellement à risques ? Autant de questions que l’on peut raisonnablement se poser.

Mais que les Sénégalais n’aient pas la mémoire courte. Aux forts moments de l’épidémie d’Ebola, Macky Sall avait vite fait de fermer ses frontières. Une posture qui avait suscité l’ire de Guinéens, ce pays voisin si proche du Sénégal. Une situation qui avait fortement déplu à Alpha Condé, qui sans langue de bois, n’avait pas manqué de la décrier. Mais avouons quand même que le pays de la Téranga a même eu à fermer ses frontières à des Sénégalais de Chine et d’ailleurs, malgré la vive émotion de parents d’étudiants et proches de ceux-là. Macky Sall avait d’ailleurs été fortement critiqué avant d’être félicité.

Mais, au-delà, c’est la question de la souveraineté des Etats qui se jouent en toile de fond. Et n’importe lequel pourrait arguer du droit de se protéger. Encore faudrait-il que les raisons soient valables et soutenables car, au fond, les Etats n’ont que des intérêts à défendre et selon les circonstances qui les gouvernent.

Une atmosphère qui n’a en tout cas pas plu. Beaucoup sont d’ailleurs pour l’application de la réciprocité, malgré notre statut de nain économique, surtout en ces périodes de Covid où des pans entiers de l’économie ont connu un temps d’arrêt catastrophique pour le pays. Booster l’économie, n’est-ce pas une des raisons pour lesquelles Macky Sall avait préféré ouvrir les vannes pour que le port, l’aéroport, le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, etc recommencent à fonctionner ?

Entre une épidémie qui galope et une insouciance sénégalaise !

La Covid 19 est en tout cas toujours là. Et il n’y a en tout cas pas un jour qui passe sans que les médias alertent sur l’aggravation de la pandémie. Le nombre de morts se compte désormais en centaines et la transmission communautaire prend l’ascenseur. Déjà trois nouveaux décès ont été annoncés ce samedi 18 juillet, puis 4, ce dimanche 19 par le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr. Aussi, le nombre de cas de Covid-19 continue d’augmenter. Durant ces deux derniers jours, 266 nouvelles contaminations ont été enregistrées sur 1 502 tests réalisés, soit une positivité de plus de 35,6 %. Le cumul des bilans de ces deux derniers jours, fait également état de 172 cas contacts et 94 issus de la transmission communautaire. En outre, ce dimanche, 35 cas graves ont été notés et pris en charge. Il est ainsi à noter qu’à ce dimanche, 8 810 cas ont été déclarés positifs dont 5 948 guéris, 167 décédés, et donc 2 694 sous traitement.

Et pourtant au tout début de l’épidémie, une certaine partie de la population bombait le torse en brandissant une sorte d’immunité face aux occidentaux qui seraient moins résistants à la maladie. Mais désormais, c’est l’inquiétude qui règne chez certains spécialistes ou personnes mieux informées qui se rendent compte du danger qui guette les Sénégalais. Dans le grand public, le constat est moins alarmiste, tant l’insouciance est manifeste. Les jeunes s’agglutinent désormais sur les plages, les lieux publics depuis que la fin de l’état d’urgence est décrétée. Ils se croient toujours invulnérables et la majorité d’entre eux ne porte même plus de masques. Il suffit, pour s’en rendre compte, de faire un tour sur la corniche, en fin de journée.

Le hic est que les plus jeunes-là n’ont certainement pas conscience, pour beaucoup d’entre eux, qu’ils peuvent être dangereux pour les personnes âgées et les personnes en situation de comorbidité, c’est-à-dire ces malades du diabète, de l’hypertension, de l’asthme, etc qui ne s’accommodent pas bien du virus. En laissant les Sénégalais vivre avec la maladie, sans un certain respect des mesures barrières et des règles de distanciation sociale, ce sont ces personnes du 3ème âge qu’on expose plus fortement. A tel point qu’on ne peut pas ne pas se demander s’il n’y aurait pas une sorte de discrimination qui ne dit pas son nom. Ils ont droit à la vie bon sang. Si en Europe, il y a une certaine pratique qui vise à loger le 3ème âge dans les maisons de retraite, il existe une réelle capacité de les isoler.  Sous nos cieux, ce n’est point le cas, elles vivent dans les familles.

La gestion de la Covid, même si au début, elle a valu des satisfactions, elle est partie à la dérive dans une sorte de laisser aller qui ne dit pas son nom. La gestion des vivres a été une nébuleuse et a soulevé beaucoup de vagues. Elle a occupé inutilement l’espace avec ses suspicions et ses polémiques et éloigné les autorités de l’essentiel, c’est-à-dire la maîtrise de l’épidémie. Une gestion qui a semblé avoir été faite à l’envers dans un contexte où les associations, les relais communautaires et de proximité des quartiers, n’ont pas été fortement mis à contribution dans la lutte. L’immixtion de la politique n’a pas non plus beaucoup arrangé les choses avec l’ostracisme dont certains soignants tels que le professeur Seydi et compagnie, considérés aux yeux de bon nombre de Sénégalais comme des héros, ont fait l’objet par la suite. Ils ont au fur et à mesure été isolés et exclus des cercles de décisions, ainsi qu’ont eu à le souligner certains journaux.

Toujours est-il que l’épidémie se propage à la vitesse grand V et le point quotidien, même s’il continue à avoir lieu, n’est plus aussi suivi. La lassitude a fini par gagner les esprits. L’on s’est d’ailleurs interrogé un moment sur l’opportunité de l’intervention du ministre ou de son directeur de cabinet dans un point, qui du point de vue de la communication, ne relevait nullement de leur compétence et surtout de leur statut. De même les spots et live de comédiens, journalistes, de personnages médiatiques et de leaders d’opinion dans la communication, même s’ils ont été réalisés dans un esprit patriotique et généreux, n’auront pas eu l’impact recherché. La publicité est en effet un métier et n’est point une affaire d’improvisation ou de talent spontané. Il suffit pour s’en convaincre de faire un flash-back des spots ou live qui ont été faits à cette occasion. Ni originale, ni bien inspirée, avec souvent des messages similaires, longs en plus comme un fleuve et difficiles à mémoriser, la communication a fini par lasser et créer un brouhaha indescriptible entraînant de fait, une dissonance sans précédent. Des messages qui interpellent les populations et touchent leurs fibres sensibles. Voilà ce qu’il aurait fallu créer.

Pourquoi pas une conception et une création confiées à des professionnels dignes de ce nom qui auraient coordonné et encadré tout cela ? Beaucoup de Sénégalais sont en effet convaincus que la maladie existe en Europe parce qu’ils ont pu voir des images de personnes hospitalisées, en réanimation et surtout des personnes mortes par milliers suivant la succession des images des JT dans lesquels ces sujets étaient montrés et évoqués. Sous le ciel Sénégal, la pudeur a certainement incité à ne pas explorer ce terrain-là. Et d’aucuns qui attestent de l’inexistence de la maladie, n’hésitent d’ailleurs pas à réclamer des preuves de personnes victimes de la maladie. On croit rêver.

Déclaration de patrimoine : le panier à crabes

La semaine dernière, il a été aussi beaucoup question dans la presse, de commentaires liés à la question de la déclaration de patrimoine. Un dossier qui a soulevé pas mal de polémiques. Et l’on se demande d’ailleurs à quoi elle sert encore cette déclaration si des ministres peuvent avoir le choix de s’en acquitter ou pas, selon leur bon vouloir. Comment peut-on encore rester ministre si on peut impunément violer la loi et sans conséquence ? Si certains d’entre eux hésitent encore à sacrifier à cette règle, c’est qu’ils ont des choses à se reprocher et sont tout simplement suspects. Peut-être que certains ne voudraient pas voir les oryx apparaître dans leur patrimoine ; leurs domaines privés également ! Sacré Sénégal, le Président n’avait visiblement d’autre choix que de rappeler les obligations des ministres, ainsi que le montre toutes les semaines, la teneur du communiqué du conseil des ministres. Ils ont en tout cas jusqu’en Août pour servir quelque chose.

A l’émission «Jakarloo» de vendredi dernier 17 juillet, le député Seydou Diouf, président de la Commission Finances, a tenté de faire avaler aux téléspectateurs, évoquant la question déclaration de patrimoine du Président de la République, que ce dernier n’est pas tenu de la refaire parce qu’il avait déjà rempli l’acte en 2012, lors de son entrée en fonction. Une manière de nous dire que le fait que le Président ne soit pas encore être totalement sorti de la fonction présidentielle, le dédouane de fait. Il s’exprimait à la suite de Daouda Mine qui soutenait le contraire. De la même manière que Macky Sall a prêté serment à nouveau après sa réélection en 2019, avançait le journaliste sur le plateau, de la même manière, il devrait faire une nouvelle déclaration de patrimoine, pour être conforme avec les textes.

Pour le député, tout est finalement une question d’interprétation, convoquant au passage l’article 37 de la Constitution pour étayer ses propos. Or, lorsqu’on lit cet article, on se rend bien compte qu’il ne peut y avoir d’équivoque sur la question, autant dans sa lettre que son esprit.

L’article 37 dispose, en effet, que «le Président de la République est installé dans ses fonctions après avoir prêté serment devant le Conseil constitutionnel en séance publique. Le serment est prêté dans les termes suivants : "Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager enfin aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine". 

Le Président de la République nouvellement élu fait une déclaration écrite de patrimoine déposée au Conseil constitutionnel qui la rend publique».

Lorsqu’on lit cet article, on se rend compte que le président, nouvellement élu, a deux obligations constitutionnelles à respecter : prêter serment et faire sa déclaration de patrimoine. Or, Macky Sall a prêté serment en 2012 et a déclaré son patrimoine. Réélu en 2019, il a prêté serment, mais n’a pas déclaré de patrimoine. En le faisant, il a violé l’alinéa 2 de l’article 37 de la constitution. La logique du député allait dans le sens de dire que Macky n’étant pas sorti de la fonction présidentielle depuis 2012, il ne devait dès lors pas prêter serment à nouveau. Dans ce cas, on comprendrait qu’il ne fasse pas à nouveau une déclaration de patrimoine.

En prêtant serment à nouveau en 2019 après sa réélection, il a l’obligation de faire une nouvelle déclaration de patrimoine pour respecter justement l’article 37 invoqué par le député. Il ne peut en aucun cas appliquer le premier alinéa du même article et laisser l’autre qui prévoit la déclaration écrite de patrimoine à déposer au Conseil constitutionnel.

Ainsi va le Sénégal. Avec les politiques tout finit par se défendre. Il suffit d’avoir simplement la langue bien pendue. Mais une constante est toutefois de noter que tout ce qui relève de la Constitution, est souvent l’objet de polémiques. A quand des textes clairs et moins équivoques ? Si le droit était juste de la littérature, ça se saurait bon sang.