NETTALI.COM - Comment faut-il décrypter le spectacle qui se joue sous nos yeux ? Sinon qu’il est tout simplement abracadabrantesque. Le bien-fondé de la non limitation des mandats a été posé par Abdallah Dionne qui a tenté une explication selon laquelle, la plupart des démocraties ne sont pas régies par la limitation des mandats. Eh bien d’autres voix fouineuses sont venues lui rappeler que ce qu’il a affirmé, est totalement inexact.

Mais quelle que soit l’explication tentée ça et là, il existe un principe simple qui justifie la limitation des mandats et qui est le souci d’éviter l’usure du pouvoir et les tentations autoritaires. Ces virus qui s’emparent du tenant du pouvoir qui peut finir par être enfermé dans ses certitudes et convictions, à force d’y durer. Même la conscience d’avoir abattu un excellent travail au pouvoir, ne doit pas empêcher l’alternance et la respiration démocratique. Il est donc nécessaire de connaître le nombre et la durée du mandat, de manière précise et non équivoque. Cela permet aussi à tous ceux qui cherchent à conquérir le pouvoir de se préparer sereinement et de créer les conditions de l’égalité des candidats dans les starting-block.

L’usure du pouvoir est inévitable, c’est pourquoi la plupart des pays plaident, contrairement aux affirmations de Dionne, en faveur de la limitation des mandats.  Obama a bien quitté le pouvoir aux Etats Unis, après deux mandats ; Trump l’y a remplacé. Y a-t-il eu mort d’homme ?

La limitation des mandats a déjà été appliquée

L’histoire politique est là pour nous prouver qu’au Sénégal, Senghor a fait 20 ans au pouvoir, Abdou Diouf aussi ; Wade 12 ans et Macky Sall fera normalement 12 ans. Sous ce rapport, nous devons à la vérité, de rappeler que la clause limitative du nombre de mandats à deux, a été pour la première fois instituée en 1970, avant d’être remise en cause plusieurs fois, comme ce fut le cas en 1998, quelques années après son rétablissement à travers le Code consensuel de 1992. Cependant, avec la réforme de 2001, le peuple sénégalais, en décidant que cette clause ne pouvait être révisée que par la voie référendaire, a voulu lui conférer un caractère intangible. D’ailleurs, en battant campagne pour le triomphe du Oui au référendum de 2016, l’actuel régime justifiait le bien-fondé de sa démarche par la volonté de « verrouiller » cette clause.

Macky Sall, voici un président qui, après avoir entamé un 2ème mandat, veut jouer la carte de la ruse et avoir les sénégalais à l'usure. Le débat tel qu’il est en tout cas engagé, n'augure rien de bon. Si le sujet soulevé un temps par Sory Kaba et Moustapha Diakhaté n’a pas beaucoup souri à ces deux-là, il a pourtant bien réussi à un Mbaye Ndiaye et Abdallah Dionne. Ces derniers n'ont pas du tout été inquiétés par Macky Sall. Ce qui veut dire que le président n’est pas contre tout débat qui lui est favorable. Ce d’autant plus qu’il ne les a pas sanctionnés. Cela fait en réalité ses affaires puisqu’il voit à travers cette brèche, l’opportunité de tâter le pouls du peuple, le ressenti de la classe politique, de la société civile et des activistes du moment.

Les sorties de Mambaye Niang, Mbaye Ndiaye, Bara Ndiaye et de Boun Abdallah nous prouvent aussi que les choses ne peuvent pas être aussi fortuites qu’on peut le penser malgré cette offensive des cadres républicains pour critiquer ces sorties. De la diversion dans le jeu ? Qui peut réussir à nous faire croire que Macky Sall n’était pas au courant de ces sorties ? Son silence assourdissant laisse même penser qu’il est en parfait accord avec leurs auteurs.  Comment également ne pas penser qu’il ait activé les cadres pour s’insurger contre ces snipers ? Au royaume des jeux clairs-obscurs, rien ne se produit par hasard. Les militants et ceux qui sont détenteurs de postes gouvernementaux ou de directions générales, craignent tellement de se voir limogés qu’ils n’osent pas s’aventurer sur ces terrains ô combien glissants, sans l’onction préalable du grand manitou.

Moustapha Diakhaté a en tout cas, plus que la certitude que c’est Mahmout Saleh qui a envoyé ces jeunes qui passent leurs temps à l’insulter. Aussi, croit-il savoir que si cela chagrinait autant le Président Sall, il y aurait certainement mis fin. De la même façon, il ne peut se résoudre à croire que ces sorties et théories ne soient pas commanditées.

Pour un ballon de sonde en tout cas, ce sont des gifles retentissantes que Mbaye Ndiaye et Dionne ont reçues sur la joue droite. Tendront-ils la joue gauche ? Mbaye Ndiaye s’est même aventuré sur le terrain du droit, se lançant à l’émission « Jakaarloo » de la TFM de ce vendredi 28 février, dans des explications dignes d'un cours magistral de droit constitutionnel. Il évoquait ainsi le principe de la non-rétroactivité de la loi. Autrement dit, selon son interprétation, le premier mandat de sept ans du président Macky Sall, ne fait pas partie du décompte des deux mandats prévus par l’article 27 de la Constitution. En clair, selon lui, Macky Sall peut briguer un autre mandat en 2024.  Selon la conclusion de son analyse, Macky Sall n’a effectué qu’un seul mandat de 5 ans suivant les dispositions de la Constitution révisée en 2016.

Il justifiera au passage que Pape Ngagne Ndiaye lui a posé une question et qu’il se devait de répondre. Sauf que Daouda Mine d'Igfm bien au fait des questions juridiques, lui a rétorqué que le principe de la non-rétroactivité de la loi ne s’applique qu’en droit pénal. Ce principe voudrait qu’une loi nouvelle ne touche pas aux situations antérieures sauf dans le cas où la loi en dispose expressément (une loi expressément rétroactive) ou lorsque les nouvelles dispositions sont plus favorables aux condamnés (lois pénales plus douces). En droit constitutionnel, rectifie le journaliste, c’est plutôt le « principe de l'effet immédiat » qui s’applique.

Il est vrai que pour se maintenir au pouvoir, certains sont prêts à tout. Mbaye Ndiaye en s'aventurant sur ce terrain bien glissant croyait pouvoir si facilement rectifier sa bourde. Tiens tiens Mbaye Ndiaye, voici un militant certes de la 1ère heure de l'Alliance pour la république (Apr) qui a été limogé du ministère de l’Intérieur qu’il exerçait cumulativement avec cet inutile poste de directeur des structures. Si les structures de ce parti fonctionnaient, ça se serait su. Le président Sall ne se serait certainement pas retrouvé dans sa posture actuelle. Le parti serait tellement bien organisé qu'émergerait un ou des leader forts, à même de porter sa candidature. Mais ce qu’assimile à un bon fonctionnement des structures de son parti, Macky Sall nous l’a fait comprendre lors de son discours de fin d'année. Puisqu’il gagne des élections, le Président pense par conséquent que c’est le signe d'un parti dynamique.

Abdallah Dionne, l’autre sniper de Macky Sall, lui est prêt à toutes les compromissions possibles et imaginables pour devenir un potentiel dauphin. Il aurait eu un peu de jugeotte, il ne se serait peut-être pas lancé dans cette incursion planifiée sur les plateaux-télé. C’est à croire que le ridicule ne tue point. Lui dont le poste de premier ministre a été supprimé après avoir été présenté par Macky Sall comme un goulot à la bonne marche de l'action gouvernementale.

Le début de la purge ?

Dans cette affaire, tout semble converger vers l’idée que Macky Sall cherche un 3ème mandat et qu’à ce titre, tel Icare, il ne veut que personne brille à ses côtés. C’est en tout  cas l’enseignement qu’il faut tirer de l’analyse de Me Abdou Dialy Kane à l’émission « Diine ak jamono » du jeudi 27 février. L'avocat pense en effet que celui-ci "ne souhaite qu'aucune tête ne déborde". Il en veut pour preuve la suppression du poste de 1er ministre même s'il a essayé de nous expliquer le goulot qu'était ce poste dans la bonne marche de l'action gouvernementale ; le dépeçage du ministère d'Amadou Ba en trois (3) entités, était tout aussi justifié par les mêmes raisons, selon lui.

Elle est bien fraîche dans les mémoires, cette sortie d’Amadou Ba sur I-TV, au cours de laquelle celui-ci s’était livré à une véritable séance d'exorcisme, se défendant contre tout ce dont on l’accusait : financement du parti de Sonko, connexion avec Sory Kaba, amitié avec Moustapha Cissé Lô, nomination au poste de ministre des Affaires étrangères comme une sorte de désaveu, etc. Qui l'avait accusé de tous ses pêchés ? Une bonne partie de l'opinion n'était pourtant pas au courant des ces faits dont il se défendait ! La suite vient de se jouer sous nos yeux. Comme un coup de massue l'ouragan s'est si subitement abattu sur lui, ce dimanche 1er mars. Les responsables et militants apéristes des Parcelles Assainies ont, au cours d’une assemblée générale tenue en présence du ministre d’Etat Mbaye Ndiaye, décidé de retirer au ministre des Affaires étrangères, Amadou Ba, la coordination des activités de leur parti dans cette commune. Non sans demander son exclusion des rangs de l’Apr. La guerre ne fait commencer. Mbaye Ndiaye, le théoricien du 3ème mandat est à la manœuvre. Sychronisation des actions ou pas, l'affaire semble avoir suivi une suite logique.

A l’émission « Sen Jotaay » de la Sen TV, Mambaye Niang a mis en garde le ministre des Affaires étrangères : « S’il ne reste pas à sa place, il aura des problèmes » Et M. Niang de se faire plus précis : " en 2012, Macky Sall a gagné à Dakar sans eux (Amadou Ba et Mimi Touré) ». Mieux, a t-il rappelé, l’actuel ministre des Affaires étrangères avait été battu dans son propre bureau de vote aux législatives de 2017 avant de poursuivre : « aux législatives de 2017, certes il était tête de liste, mais de nombreuses personnalités qui n’étaient pas investies,  avaient mouillé le maillot, dont les anciens ministres Pape Abdoulaye Seck et Maïmouna Ndoye Seck. La première dame Marième Faye Sall, Adama Faye, Seydou Gueye, Abdoulaye Diouf Sarr, moi-même qui vous parle. Vous vous rappelez bien, on était restés une semaine à faire du porte-à-porte, parce que Barthélemy Dias menaçait de saboter les meetings de Benno Bokk Yakaar. J’ai été le premier à relever son défi, lors d’une caravane tenue à Grand-Yoff ». Une manière de relativiser le mérite attribué à Amadou Ba.

De l’avis de Mame Mbaye Niang, le responsable du parti présidentiel aux Parcelles Assainies  doit une fière chandelle au fait que le chef de l’Etat fit appel à lui, pour remplacer Amadou Kane, au ministère de l’Economie et des Finances.  Précision de taille, l’ancien ministre de la Jeunesse a laissé entendre que Macky Sall est au courant de « toutes les manœuvres souterraines ». « Ce qui est la priorité chez nous, c’est le parachèvement du programme que le président de la République a soumis aux Sénégalais ; quiconque ne travaille pas à la réalisation de ce programme et cherche à saper le moral des troupes, on va être obligé « de se séparer de lui », a-til prévenu.

Rebondissement dans l'affaire de l'exclusion d'Amadou Ba de la coordination des activités de l'Apr des Parcelles assainies, la résolution a été suivie, quelques heures plus tard, d’un démenti signé par le député Alioune Badara Diouf avec en bas de page les noms des principaux responsables aperistes des Parcelles Assainies. Une démarche loin de faire l’unanimité. «Badou Diouf a fait le texte à 1 heure du matin. Il a mis mon nom alors que je n’étais même pas au courant», rouspète un membre de la coordination Apr des Parcelles Assainies. Ce dernier jure que la destitution d’Amadou Ba a bien été décidée par l’assemblée générale de la coordination en présence de Mbaye Ndiaye.

Dans le cas de Mimi Touré, une affaire d'achat de véhicules avec les deniers de l'Etat, pour le compte Conseil économique, social et environnemental, est brandie dans un contexte de gel d'achats de véhicules ordonné par Macky Sall. Mimi Touré a vite fait de pondre un communiqué de presse pour expliquer qu’il s’agit de prêts personnels consentis auprès de La Banque Agricole. L'affaire en restera-t-elle là ?

Dans ce débat relatif au 3ème mandat, beaucoup d’analystes dans la plupart des médias, ne sont pas loin de penser qu’on a affaire à un ballon de sonde pour non seulement débusquer les ambitieux mais encore pour voir comment l’opinion va apprécier la question. Mais pour l’heure Maître Kane nous a appris que Macky Sall va écouter ses proches, notamment les visiteurs nocturnes, sa famille, les membres de son parti, et les puissances occidentales pour savoir sur quel pied danser. D’autres analystes nous apprennent également que l'issue de la question du 3ème mandat en côte d'ivoire et en Guinée seront déterminantes dans la décision de Macky Sall.

Me El Hadji et sa VAR en direct 

Quoi qu’il en soit du point de vue de ses sorties Macky Sall a suffisamment déclaré que ce mandat en cours était son dernier, utilisant à l'occasion la métaphore des rakas (étapes dans la prière) en terminant par 1 assalamou alaykoum (l'expression qu’on invoque pour dire que la prière est terminée chez les musulmans). La VAR est suffisamment éloquente à ce sujet et a fini de polluer les réseaux sociaux. Le très comique avocat Me El Hadji a d’ailleurs fait écouter en direct, vendredi 28 février, aux téléspectateurs de la TFM, un discours amplifié de Macky Sall sur le sujet grâce à son micro-cravate. Le président Sall y abordait la question du mandat qui finit en 2024.

Une bonne question est toutefois de savoir si la parole donnée suffira à le croire après qu’il nous a promis un mandat de 5 ans avant de se raviser pour en faire 7. En démocratie, la parole seule ne devrait point suffire. Macky Sall ne devrait pas non plus être l'arbitre de la possibilité ou non d'un 3ème mandat. La constitution a été instituée pour régenter cette possibilité ou non.

Moustapha Diakhaté, lui n’en démord pas de sa volonté de stopper ce qu’il considère comme de la dictature. Aussi, continue-t-il à prendre son bâton de pèlerin pour exhorter « les sénégalais, marabouts, militants de l’Apr à qui il reste un peu de dignité, Benno Book Yaakar et les responsables des forces de sécurité que cela soit la gendarmerie, la police et l’armée, à prendre leurs responsabilités et à ne pas être complices d’un 3ème mandat de Macky Sall ».  C’était au cours de l’émission « face to face » de la TFM de ce dimanche 1er mars. Moustapha Diakhaté est même allé plus loin puisqu’il estime que ce 3ème mandat n’est pas une affaire du Conseil constitutionnel mais bien du peuple sénégalais. Il a aussi exhorté à ce que le débat soit engagé et que le problème soit combattu dès maintenant. « Je vais m’employer à dénoncer et à combattre ce projet partout où ce sera possible, chez les marabouts, les chefs religieux, chefs coutumiers…» précisant au passage qu’il n’est « pas chaud pour les combats faciles. » Diakhaté a toutefois conseillé à ceux qui sont accusés de « traîtres », notamment Amadou Ba et Mimi Touré, de ne pas s’adresser à ces jeunes mais à Macky Sall, ajoutant que « le débat à l’Alliance pour la république est nulle et de bas niveau »

« Quand je venais à l’Alliance pour la république, il ne pouvait nommer un planton. C’est nous qui l’avons fabriqué. Ce que j’ai fait pour lui, il ne l’a pas fait pour moi », a-t-il conclu.

Ce qu’on ne dit certainement pas assez, c’est qu’entre autres enjeux de ce troisième mandat, il y a aussi ce souci de couvrir ses arrières car ce phénomène est le lot de beaucoup de nos chefs d’état africains. Un paramètre très important à prendre en compte.