NETTALI.COM - Malgré la raréfaction des ressources, les multiples dépenses entrainées par la pandémie de la Covid-19, l’Etat du Sénégal vient, selon le site américain therealdeal.com, de casquer 25millions de dollars pour se payer des résidences présidentielles et autres bureaux dans un immeuble à New York.

C’ est une affaire rocambolesque qui dure depuis 2009, avec le règne du président de la République Abdoulaye Wade. En avril dernier, alors que tous les Sénégalais, voire la planète ont l’esprit rivé sur la pandémie de la Covid-19, les représentants du Sénégal à New York, eux, s’occupaient de la signature de contrats immobiliers qui vont coûter 25 millions de dollars aux contribuables. L’info est tombée comme un couperet, publiée par le site américain “therealdeal.com’’, le vendredi 1er mai. “La nation sénégalaise, informe le portail, vient de débourser 25 millions de dollars dans un accord de copropriété en vrac, près du siège des Nations Unies, à Midtown East’’.

L’accord a été paraphé le 17 mars dernier par le représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies, Monsieur Cheikh Niang ; et la vente enregistrée en fin avril. Dans le détail, le site révèle que le gouvernement sénégalais a dû casquer 13 millions de dollars pour une “unité commerciale qui s’étend sur plus de 10 000 pieds carrés, de la cave au 2e étage’’, et 11,6 millions de dollars pour “l’une des deux plus grandes composantes résidentielles de l’immeuble, qui contiennent chacune plusieurs unités individuelles’’.

Selon les plans d’offre du condomium (immeuble en copropriété), le “condo résidentiel’’ du Sénégal comprend 15 unités locatives sur cinq étages. Le deuxième bloc de “condos résidentiels’’ contient 62 appartements en location sur 14 étages de l’immeuble de 19 étages. “Les dossiers publics montrent que le développeur East 44th Developpers LLC, conserve tout son intérêt dans cette partie du bâtiment’’. Pourtant, en août 2014, au moment de la pose de la première pierre par le chef de l’Etat, il était dit que l’Etat a signé un contrat BOT (Build Operate and Transfer) avec un nouvel opérateur, pour justifier le changement de paradigme. “Une nouvelle entreprise a signé un contrat BOT (Build Operate and Transfert) avec le Sénégal et va y construire un immeuble qui va abriter, entre autres, le consulat général, la mission du Sénégal aux Nations Unies, une suite présidentielle haut de gamme et la résidence des chefs de mission diplomatique’’, renseignait “L'As’’.

Des informations qui venaient en rajouter à la confusion déjà béante dans ce dossier plein de zones d’ombre. En effet, un an auparavant - en mai 2013 - “EnQuête’’ traitait d’un contrat portant sur la même propriété, conclu entre le Sénégal “propriétaire’’ et la société immobilière Hotel East Street 44th LLC (dont le nom est très proche de celui de l’actuel développeur, NDLR). Le plus cocasse, selon le journal “EnQuête’’, c’est que cette dernière est la même qui avait vendu le même terrain à l’Etat du Sénégal à un prix nettement plus élevé, en 2009. Le deal, signé le 14 mai 2013 entre le Sénégal la société immobilière Hotel East 44th Street LLC, portait sur environ 12 millions de dollars, alors que l’Etat avait acheté le terrain à 24 millions de dollars.

Mais, apparemment, ce n’était qu’une étape de plus dans le long feuilleton.

En 2014, rapporte “thereal deal.com’’, le Sénégal a transféré une participation de 50 % dans le lot à une société à responsabilité limitée - East 44th Developpers LLC - qui était liée à un autre développeur pour 25 millions de dollars. “Un plan a été élaboré pour construire une tour de 22 étages sur le site. L’accord prévoyait également que le Sénégal rachèterait deux des condos, une fois la construction terminée’’, informe le site américain qui estime que “la propriété de la LLC reste trouble, mais les dossiers montrent que Pride Builders était responsable de la construction du projet’’. En tout cas, selon les dossiers du procureur général de l’Etat parcourus par le site américain, sont cités parmi les promoteurs de la copropriété Adam Gordon (propriétaire de Pride), Isaac Yeffet (ancien chef de la sécurité du ministère israélien des Affaires étrangères, Fodé Seck (ancien représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies).

Quand l’IGE était lâchée aux trousses de Wade et Cie

L’affaire a commencé en 2009, lorsque le Sénégal a acheté un terrain nu au 227-235 East 44th Street, pour 23,9 millions de dollars. Il prévoyait de s’associer à Glacier Global Partners pour construire un bureau à usage mixte et “une tour de condos’’ sur le site. L’affaire avait soulevé d’énormes vagues aussi bien à New York qu’à Dakar. Comment un pays aussi pauvre que le Sénégal peut se permettre ce que d’aucuns considéraient comme une pure folie à l’époque. Au banc des accusés, il y avait principalement Abdoulaye Wade, son “très fidèle’’ le ministre Samuel Sarr ainsi que “son architecte’’ Pierre Goudiaby Atépa.

D’ailleurs, ce dernier, qui a été présenté comme un des initiateurs de ce projet jugé sulfureux, dans une interview à l’époque avec le journal “Le Quotidien’’, se défendait en ces termes : “L’une des très rares bonnes choses qu’ait faites Idi Amin Dada, c’est d’avoir construit la Maison de l’Ouganda à New York. Bien longtemps après que ce pays est entré en crise, ce sont les revenus tirés de cette maison qui ont servi à payer les diplomates à l’étranger et de prendre en charge une partie de la communauté ougandaise, notamment les étudiants, sur le sol américain. J’ai suggéré au président (Abdoulaye Wade) de trouver un terrain à New York, qu’on devrait valoriser sur ce modèle et qu’on appellerait la Maison du Sénégal.’’

Tout se passait donc si bien. Mais avec le changement de régime en 2012, l’affaire revenait en surface, présentée comme un des symboles de la mal gouvernance sous le règne du président Wade. Dans la foulée, l’Inspection générale d’Etat est lâchée aux trousses de Wade et ses ouailles pour faire la lumière sur cette affaire. “Les premières investigations menées par le nouveau régime renseignent que le terrain que l’ancien président Abdoulaye Wade déclinait comme “la Maison du Sénégal’’, ne devrait pas excéder 700 millions de F CFA’’, faisait remarquer “l’Obs’’ repris par “Pressafrik’’ le jeudi 2 août 2012. “Alors pourquoi ce gap supposé d’un peu plus de 13 milliards de F CFA ?’’, s’interrogeaient les nouveaux arrivants au pouvoir dans le journal du Groupe futurs médias.

Dans la même veine, “Libération’’, dans sa livraison du 21 juin 2013, reprochaient à Samuel Sarr d’être coupable d’une surfacturation de 2 milliards de francs CFA. “A la réception du rapport provisoire de l’IGE, la même source indique que Samuel Sarr a immédiatement adressé “une violente’’ réponse à l’Inspection générale d’Etat, avant de se dire prêt à dégainer 33 millions de dollars, soit 16,5 milliards de F CFA, pour racheter le terrain en question...’’, reprenait “Dakaractu’’. N’en pouvant plus de toutes ces tergiversations, le partenaire choisi par le régime sortant, Glacier Global Partners, décide de traduire l’Etat du Sénégal en justice. Il lui reprochait, rapporte “therealdeal.com’’, “de faire le tour du dos pour obtenir de meilleures conditions financières avec un autre partenaire, GSR Concrete, contrôlé par Ron Yeffet’’.

Il en résulte donc qu’après avoir renié avec véhémence ce projet “Senegal House’’ à New York, mobilisé tous les enquêteurs contre ses anciens défenseurs membres de l’ancien régime, l’actuel régime a finalisé le même projet qu’il avait banni.

EnQuête