NETTALI.COM – Depuis quelques années, on note une déferlante turque au Sénégal. Le président Erdogan visite Dakar pour la quatrième fois en sept ans. Des analystes ne manquent pas de soupçonner Ankara de vouloir faire de Dakar sa vache laitière.

Entre la Turquie et l’Afrique, les relations datent du 16e siècle quand, au lendemain de la prise de Constantinople en 1453, l’Empire ottoman étendit son influence en Afrique du Nord, en conquérant l’Egypte, la Tunisie, l’Algérie et la Libye. Seul le Maroc, au terme d’une longue période de résistance, a échappé à cette colonisation qui ne va se terminer qu’en 1912, lorsque l’Italie viendra chasser les troupes de Mustafa Kemal Atatürk de la zone.

Comme si l’histoire se répétait, la Turquie, qui a décrété « l’année 2005 année de l’Afrique », séduit le continent noir pour opérer son retour, dans le cadre de son plan stratégique « Vision 2023 » (année coïncidant avec le centenaire de cet Etat eurasiatique).

Son économie frappée durement par les contrecoups néfastes de la crise née de la dette grecque, Ankara renforce ses liens commerciaux avec des pays d’Afrique Subsaharienne, pour offrir des débouchés à ses entreprises et combler un vide consécutif à son échec, relativement à son projet d’adhésion à l’Union européenne.

Le Sénégal va jouer un rôle décisif pour concrétiser ce projet. C’est ainsi qu’on assistera à une frénésie de voyages sur l’axe Dakar-Ankara dès 2013 et depuis lors, le président Recep Tayyip Erdoğan a visité quatre fois la capitale sénégalaise. De son côté, entre mai et décembre 2019, le président de la République, Macky Sall, a été, à deux reprises, à Ankara. Cela, dans un contexte où on assiste à un accroissement, sans précédent, du volume des échanges entre les deux pays. Le 21 décembre 2017,  le ministre turc de l’Economie, Nihat Zeybecki, de la Foire internationale de Dakar, avait exprimé le souhait de son pays de faire de la capitale sénégalaise « sa porte d’entrée » pour l’établissement d’une Zone de libre-échange avec l’Afrique de l’Ouest.
Toutefois, d’aucuns pensent que la Turquie veut transformer le Sénégal en vache laitière et relèvent le déséquilibre noté dans les échanges commerciaux qui profitent largement à Ankara. Les exportations turques vers le Sénégal s’établissaient à   244 millions de dollars US en 2017, tandis que celles du Sénégal vers ce pays eurasiatique s’estimaient à 5 millions de dollars.

Mieux, outre la finalisation du chantier de l’aéroport international Blaise Diagne de Diass, les Turcs ont raflé d’autre gros marchés de construction concernant des projets grandioses du PSe comme le Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad), la gare des gros-porteurs, le marché d'intérêt national, le stade multifonctionnel Dakar Arena et l'hôtel Radisson de Diamniadio.

Le 18 décembre 2019, le Conseil des ministres a examiné et adopté le projet de loi autorisant le président de la République à ratifier la Convention entre le Gouvernement de la République du Sénégal et le Gouvernement de la République de Turquie, en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôt sur le revenu, signé à Antalaya le 14 novembre 2015.

Cela peut être une belle opportunité pour les deux Etats, mais, depuis quelques jours, le Maroc dénonce l’accord de libre-échange qu’il avait signé avec la Turquie en 2004, car ne ressentant pas les retombées de ce partenariat. C’est pourquoi l’on craint que le même scénario se produise entre Ankara et Dakar. Car les Turcs sont réputés très forts, quand il s’agit de protéger leur marché.

Au rayon de la diplomatie, la Turquie qui se positionne comme un acteur majeur sur la scène internationale, en s’impliquant dans les dossiers syrien et libyen, pourrait avoir besoin du vote du Sénégal à l’ONU quand ses intérêts géostratégiques sont en jeu. Sauf que l’Arabie Saoudite, son rival régional et non moins partenaire de longue date du pays de la teranga, ne voit pas d’un bon œil ses connexions avec le Qatar et l’Iran.

C’est dire que cet intérêt d’Ankara pour Dakar revêt plusieurs aspects et qu’il s’inaugure une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays.