NETTALI.COM - Rebondissement dans l’affaire de la saisie record de 800 Kg de cocaïne en Guinée-Bissau au mois de mars 2019, impliquant trois Sénégalais. Le cerveau de cette mafia, le Malien Ould Mouhamed,  vient d’être arrêté à Bamako. Enquête sur une affaire qui a été montée à Dakar.

Le dimanche 10 mars 2019, la police Bissau-guinéenne opère une saisie historique de 800 Kg de cocaïne. La nouvelle intéresse au premier chef, Dakar. La raison, la drogue a été convoyée à bord d’un camion-frigorifique immatriculé à Thiès (Sénégal). Et trois des personnes interpellées (le chauffeur et ses deux accompagnants) sont tous des Sénégalais. Ils ont été conduits à Bissau (capitale de la Guinée) par la police judiciaire locale, pour poursuite de l'enquête, en même temps que la camionnette et la drogue mise sous scellé.

Après audition, recueillement d’indices, la traque au cerveau de l’opération est lancée. Cerveau qui sera identifié comme étant Ould Mouhamed, un Touareg connu par les services d’Interpol (organisation de la police internationale). Après six mois de traque, Ould Mouhamed est cueilli par la police judiciaire malienne.

L’immeuble Kébé utilisé comme Quartier général

L’enquête a permis de savoir que l’homme appartient à l’ethnie Touareg du Mali et est connu comme un véritable baron de la drogue. Il avait minutieusement planifié son coup. L’objectif était de convoyer la cocaïne qui provenait d’Amérique latine, de la Guinée-Bissau, au Mali, via le Sénégal.

Sachant que l’opération est complexe, celui-ci a pensé installer son centre d’opération au Sénégal. Fin février début mars, il débarque dans la capitale sénégalaise et pose discrètement ses baluchons à l’immeuble Kébé. Pour ne pas éveiller de soupçons, il voyage avec épouse et quelques-uns de ses enfants. A l’aide de ses hommes de confiance maliens, il acquiert deux camions frigorifiques,  trouvés à Pikine, non loin de l’Arène nationale, dans un parking de vente d'automobiles. La mutation des deux camionnettes est faite à Thiès. Il recrute ainsi deux chauffeurs gracieusement rémunérés, à qui il fait croire qu’ils convoieront des chargements de poissons surgelés en Guinée-Bissau. Le plan de voyage et certains autres détails sont planifiés par Ould lui-même depuis l’immeuble Kébé.

Après avoir coordonné l’opération, Ould laisse sa petite famille à Dakar et débarque à Bissau. L’opération se passe sans anicroche et le chargement de la cocaïne qui avait pour destination finale, le désert libyen, via le Sénégal et le Mali, est embarqué comme convenu dans une camionnette. Ce qu’ils ignoraient, c’est que la mafia était infiltrée par des agents d’Interpol et les services de renseignement Bissau-guinéens, du Sénégal et du Mali, étaient au courant.  Il était ainsi convenu de procéder à l’interpellation loin de la capitale, Bissau Guinéenne. Ce qui fut effectif le 10 mars dernier. La camionnette immatriculée à Thiès est immobilisée et le chargement de 800 Kg de cocaïne, dissimulé dans un compartiment aménagé à l’arrière, est saisi. Les trois occupants sénégalais sont alors mis aux arrêts.

L’épouse du cerveau exfiltrée avant l’arrivée des agents de l’Ocrtis

Mis au courant de l’interception de la drogue, Ould qui se trouvait à Bissau, sachant les carottes cuites, joint son épouse qui se trouvait encore à l’immeuble Kébé et lui demande de plier bagages et d’embarquer dare-dare dans un véhicule 4x4 qui l’attendait en bas de l’immeuble. Celle-ci s’exécute et quitte incognito les lieux. A peine a-t-elle quitté que des agents de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) du Sénégal débarquent à l’immeuble Kébé. Mais la dame avait déjà disparu, en évitant les points de passages officiels sur recommandation de son époux.

Sa famille sauvée, Ould quitte à son tour Bissau et rentre au Mali.

Plusieurs hauts gradés qui auraient agi en intelligence avec les narcotrafiquants, sont mis aux arrêts. Dans le même temps, selon nos confrères du Niger, la police judiciaire Bissau-guinéenne procédait, le 13 mars suivant, à l’arrestation du Conseiller spécial du président de l’Assemblée nationale du Niger, Mohamed Sidy Ahmed, présenté au Procureur de Bissau.

La chute du dealer en chef

Ould se terre loin de la capitale malienne,  mais six mois plus tard, l’homme d’affaires est contraint de revenir à Bamako, ses affaires ayant connu un coup de frein durant sa cavale. Malheureusement pour lui, dès qu’il est sorti de son antre, il est filé. Le 3 octobre dernier, il est localisé à Bamako et mis aux arrêts. Il sera présenté devant le Procureur de la République, avant que le dossier n’atterrisse sur la table du juge d’instruction qui ouvre une information judiciaire.

Ould Mohamed est inculpé de trafic international de cocaïne, financement du terrorisme et blanchiment de capitaux avant d’être placé sous mandat de dépôt.

Au Sénégal, l’affaire est encore d’actualité au sein de l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis), qui s’atèle à essayer d’identifier d’éventuels suspects, dans la chaîne de complicité, ayant un lien avec les trois Sénégalais toujours retenus en prison, à Bissau.