NETTALI.COM – Tel un roseau, Wade plie, mais ne rompt jamais. Ce fin tacticien a toujours manié le rameau d’olivier et le fusil de guerre pour obtenir ce qu’il veut.

La stratégie étant «la science des mouvements hors de la portée de l’ennemi», selon une conception anglo-saxonne de l’art de la guerre. Me Abdoulaye Wade aurait assimilé ce code militaire.

De Léopold Sédar Senghor à Abdou Diouf, l’opposant a toujours su, quand les vents et variations de la fortune l’exigent, quitter la peau du lion pour celle du renard. Il sait simuler ce qu’il n’est pas et dissimuler ce qu’il est véritablement, pour endormir l’adversaire et le surprendre. De «parti de contribution», le Parti démocratique sénégalais (Pds) expérimentera l’opposition radicale, moins de quatre après sa création en juillet 1974. Le dialogue politique consécutif au traumatisme post-électoral de 1988 lui servira de tremplin pour négocier les conditions d’élections transparentes, instituées dans le code Kéba Mbaye. C’est ainsi qu’il laissera patiemment le temps travailler au démembrement du Parti socialiste (frondes de Moustapha Niasse et de Djibo Leïty Ka) et pousser la Gauche traditionnelle et les couches populaires à le porter au pouvoir en mars 2000.

Face à Idrissa Seck, au plus fort de ce qu’on appela la «dualité au sommet de l’Etat», il fait miroiter à son ex-numéro 2 un poste de vice-président et son désistement en faveur de ce dernier à la présidentielle de 2012. A la Primature, Souleymane Ndéné Ndiaye ne fut qu’un faux-nez pour masquer le vrai jeu, devant servir les ambitions du «fils biologique». Idy opère son come-back au Pds et se fait hara-kiri sur le mode sur le quel Djibo Kâ perdit de sa superbe le 14 mars 2000. Exit, le roman des années 2000, «Lui et moi» !

Ce réalisme wadien a produit un effet de contagion chez Macky  Sall qui, pendant tout ce temps qu’il a été dans l’opposition, entre 2008 et 2012, a soigneusement évité de  paraître jusqu’au-boutiste. Celui qui sortit politiquement indemne de sa convocation au commissariat central de Dakar accède au plus haut destin. Il réactive la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) et, un chouia vindicatif, isole Karim Wade par ce biais.

Dès lors, tous les actes et paroles du pape du Sopi sont combinés dans la même perspective : obtenir la réhabilitation politique de son fils. Loin de jeter le manche après la cognée, Wade laisse encore le temps faire son œuvre. Plus les réalités de l’exercice du pouvoir érodent l’état de grâce de Macky, plus il pousse ses pions vers la matérialisation de son objectif. Réélu en février 2019 dès le premier tour, le leader de l’Alliance pour la République doit ménager sa monture pour venir à bout d’un environnement économique défavorable, avec l’alourdissement de la dette publique et la flambée du prix du baril de pétrole. On se souvient que durant les années 80-90 le contexte d’ajustement structurel a joué pour Wade contre Diouf, que le Pds est né quelques années avant le début des différents plans de redressement pour fonder son ascension politique sur cette crise.

En définitive, on peut penser que le leader sopiste a eu Macky à l’usure, que ce dernier a été contraint au dialogue, dans une atmosphère polluée par l’affaire PETRO-TIM. Wade, durant la campagne pour la derrière présidentielle, avait promis l’enfer à ses adversaires pour avoir le paradis d’une médiation internationale sous les auspices de Conakry et de certains chefs religieux. Macky ne peut pas fait autre chose qu’honorer sa promesse, en amnistiant Karim.