NETTALI.COM - Le Doyen des juges a ordonné, jeudi 5 août dernier, la mise en liberté provisoire des quatre Européens impliqués dans la saisie des 1036 kilogrammes de cocaïne au Port. Au-delà des efforts de leurs avocats, une forte pression a été exercée pour que cette mesure soit prise. En atteste la lettre incendiaire du Cosmar adressée  au ministre italien des Affaires étrangères.

En fin depuis la semaine dernière, «L’Observateur» faisait état de cette lutte acharnée des avocats sénégalais pour faire profiter aux Européens impliqués dans l’affaire de la saisie des 1 036 kilogrammes de cocaïne, d'une mise en liberté provisoire. Une liberté accordée après le consentement du parquet de Dakar. Seulement, des faits nouveaux sont venus prouver que cette mise en liberté provisoire a aussi été plaidée loin des juridictions sénégalaises. Sur le plan diplomatique surtout. Elle a été le fruit d’une lutte acharnée de Cosmar (Comité pour la sauvegarde de la dignité des marins). En atteste la dernière lettre du patron de Cosmar, Giorgio Blandina, adressée au ministre italien des Affaires étrangères Luigi Di Maio. Une lettre qui a aussi été envoyée à la presse italienne et dans laquelle Cosmar exige la libération de tous les Européens impliqués dans cette affaire, en particulier le Commandant Biagio Pasquale Mattera et son second Paolo Amalfitano. Tous deux Italiens.

Dans la lettre révélée avant-hier samedi dans son entièreté par la presse italienne, Cosmar explique au chef de la Diplomatie italienne que le 4 juillet 2019, les Douanes du Port de Dakar ont saisi le navire «Grande Nigeria» qui était amarré pour effectuer des opérations de déchargement de cargaisons en provenance d'un port du Brésil avec des voitures Renault à son bord. Il a été trouvé dans le coffre de quinze voitures Renault neuves, plus de 798 kilogrammes de cocaïne au total. Il poursuivait que les wagons chargés étaient destinés au Congo et à l'Angola. Giorgio Blandina renseigne que c’est suite à cette découverte que les douanes ont arrêté et emprisonné le commandant du navire Biagio Pasquale Mattera et son second Paolo Amalfitano. Le patron de Cosmar qui trouve ces «arrestations aberrantes», juge que les deux marins italiens ont été alpagués sur la base d’une prétendue responsabilité objective, c’est-à-dire du simple fait d’être le commandant et le premier officier de pont du navire. Sans aucune preuve de leur implication dans les faits.

«Nous pensons qu'il suffisait de demander l'intervention des organes responsables de la protection des droits fondamentaux de l'homme. Monsieur le ministre, nos compatriotes, après 2 mois, sont toujours en prison (avant la mise en liberté provisoire des Italiens : Ndlr), à Dakar. Au cours de ces deux mois, nos compatriotes ont perdu du poids. Le Commandant Mattera a exprimé, à plusieurs reprises, son inconfort et son évanouissement en prison», écrit Giorgio Blandina dans la lettre. Il n’a pas hésité à demander au ministre italien des Affaires étrangères de convoquer l’ambassadeur du Sénégal pour une séance d’explications sur la motivation de cette injustice flagrante qui, en plus de pénaliser physiquement et moralement les deux marins, place la nation italienne dans une position subordonnée au Sénégal en humiliant tous les citoyens italiens. Cosmar tranche même qu’il est évident que les deux marins ne sont ni plus ni moins des otages.

Le gouvernement accusé d’extorsion de fonds 

Estimant que les deux marins étaient victimes d’injustice au Sénégal, Cosmar dit n’avoir aucun doute sur le fait que la Justice sénégalaise commet un véritable abus, absolument intolérable et face auquel, il faut une intervention sérieuse. Une attitude déjà exprimée par Cosmar qui avait qualifié l’attitude du gouvernement sénégalais d’extorsion de fonds. Dans une lettre datée du 29 août et largement repris par la presse nationale, Cosmar écrivait : «Nous considérons qu'il est inacceptable que deux Italiens soient emprisonnés sans titre et jetés dans une prison d'un pays du tiers-monde, sans garanties minimales et sans l'assistance adéquate de nos représentants consulaires, sous l’indifférence du gouvernement. Les Allemands exercent une pression énorme sur la libération de leurs deux citoyens, emprisonnés de la même manière absurde. L’armateur négocie avec les autorités sénégalaises et en particulier avec les autorités douanières, le paiement d'amendes. Ce qui doit revenir au magistrat (En charge du dossier : ndlr) qui procède à la mainlevée et à la saisie. Fondamentalement, c'est une attitude similaire à une extorsion de fonds.»

Giorgio Blandina explique à Luigi Di Maio qu’au cours de ces deux mois, les détenus italiens ont considérablement maigri. Le Commandant Biagio Pasquale Mattera a subi plusieurs examens médicaux. «Nous invitons les autorités responsables à agir de la même manière et au même moment que l’Allemagne. Nous demandons aux institutions adjointes la raison pour laquelle l’ambassadeur du Sénégal n’a pas encore été appelé. Il n'y a pas de négociations officielles entre les gouvernements italien et sénégalais. À haute voix et sans ambiguïté, nous demandons que cette histoire malheureuse soit mise en lumière et que nos ouvriers de la mer, injustement emprisonnés, soient immédiatement libérés», exige Cosmar. Un nouveau pan qui justifie un peu plus cette mise en liberté provisoire.