NETTALI.COM – Après avoir fondé son ascension politique sur un discours, de type sankariste, qui emprunte son lexique à la vulgate anti-systémique, Ousmane Sonko se rapproche avec Me Abdoulaye Wade, qui a incarné pendant 12 ans le système que dénonce Pastef. D’aucuns pensent que cette alliance est une forme de reniement imputables à l’ex-inspecteur des impôts et domaines. Pour une appréhension rationnelle du sujet, EnQuête a interrogé Maurice Soudieck Dione, dr en science politique.

L’alliance tactique entre Ousmane Sonko et le pape du Sopi, formant l’aile dure de l’opposition à Macky Sall est étudiée par Maurice Soudieck Dione, dr en science politique. « Concernant Pastef de Sonko, la manière dont son leader dit vouloir faire de la politique, c’est de s’inscrire dans une dynamique antisystématique, dans la perspective d’un changement radical de paradigmes, d’idées, de projets et de pratiques, pour rompre avec les méthodes de gouvernance qui ont plombé les efforts de développement du pays depuis 1960, précisément la corruption, le népotisme, le clientélisme, la manipulation des institutions et des règles de la compétition électorale. Le régime d’Abdoulaye Wade a incarné ce mode de gestion du pouvoir au plus haut point, dans ce qu’il avait de plus néfaste et de manière manifeste et flagrante. Dans ces conditions, une alliance Sonko-Wade est-elle crédible ? », s’interroge l’universitaire.

Ainsi, le spécialiste trouve qu’ « au demeurant, lors de la Présidentielle du 24 février 2019, Me Wade aurait pu choisir un camp dans l’opposition pour affaiblir le régime du président Sall et travailler à ce qu’il y ait un second tour pour mieux négocier le cas Karim Wade, en cas de changement de régime ». « Il a opté pour une autre stratégie, celle du boycott, qui n’a pas été payante, car il s’est exclu lui-même du jeu et a donc perdu tout moyen de pression politique pour négocier à son avantage. Les manœuvres qu’il déploie ne traduisent pas l’expression d’un rapport de force susceptible de lui être favorable, en raison de la cohérence interne du pôle de l’opposition qu’il structure autour de lui, avec des théoriciens de l’antisystémisme alliés à de purs produits du système et surtout en raison de la représentativité politique de ce pôle se voulant radical ou radicalisé », pense-t-il.

Pour Dione, Wade est tombé dans son propre jeu. « Il semble que le régime du président Sall a finalement su tirer son épingle du jeu, dans cette affaire. Par ailleurs, en s’obstinant à maintenir Karim Wade pour porter les couleurs du Pds pour la Présidentielle de 2019, sans penser à une solution de rechange, malgré la grosse hypothèque qui pesait sur la candidature de Karim, il me semble également qu’il y a eu là une erreur stratégique », déduit-il.

« Dans la foulée, après l’invalidation de la candidature de Karim Wade, Me Abdoulaye Wade a choisi de ne soutenir personne, alors que s’il s’était pleinement impliqué dans la campagne à côté d’un candidat de l’opposition, cela aurait pu changer la donne. À part les élections locales qui en principe ont été renvoyées à juin 2020, les prochaines échéances électorales sont prévues pour 2022 (Législatives) et 2024 (Présidentielle) ! Donc, aujourd’hui, le Pds ne semble pas avoir de moyens de pression sur le régime du président Sall », ajoute l’enseignant, qui a abordé plusieurs autres aspects de la question, dans cet entretien avec EnQuête.