NETTALI.COM - La plateforme «Aar Li Nu Bokk» peine à mobiliser depuis quelque temps. Les personnes qui répondaient à leur appel diminuent à chaque manifestation. Pourquoi les Sénégalais se sont subitement détournés de cette plateforme ? Nettali.com tente de répondre à la question.

Les renseignements généraux ont vite fait de donner la bonne information aux autorités administratives pour les aider à prendre les meilleures décisions. Les «barbouzes» de la police, qui infiltrent toutes les manifestations, ont, en effet, dans leurs bulletins de renseignement, fait part de l’engouement des populations qui s’effrite de jour en jour. Suffisant pour recommander aux autorités, notamment le préfet de Dakar, de ne pas interdire les manifestations de la plateforme «Aar Li Nu Bokk » au risque de voir leurs dirigeants s’ériger en victimes et se donner une consistance qu’ils n’ont pas. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, toutes les derniers manifestations de cette plateforme ont été autorisées. Et au finish, la mobilisation n’a pas été au rendez-vous.

Depuis son premier rassemblement  (interdit) du 14 juin dernier, sur les Allées du Centenaire  (Dakar), qui avait fini en guérilla de rue entre policiers et manifestants et puis, celui du 21 juin qui avait enregistré une foule monstre réclamant le départ de Aliou Sall-accusé par la BBC d’avoir reçu des pots-de-vin de Timis Corporation-de la tête de la Caisse des dépôts et consignations et sa présentation devant la Justice, le mouvement ne fait plus le plein.

La troisième manifestation tenue le 06 juillet dernier à la même place et celle organisée hier, à Guédiawaye (Dakar) ont été des flops retentissants

Ibou Sané, professeur en sociologie politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, croit savoir que les gens ont autre chose à faire que de se retrouver tous les vendredis. «Nous sommes un pays pauvre où les gens tirent le diable par la queue. Ils n’ont pas le temps de manifester chaque semaine. Des mobilisations comme celles des Gilets jaunes ne peuvent prospérer au Sénégal. Il y a aussi le traumatisme des manifestations préélectorales de 2011 (pour que le Président Wade ne brigue pas un troisième mandat, Ndlr) qui s’étaient soldées par beaucoup de morts d’hommes», analyse-t-il

Guy Marius Sagna, membre du mouvement «Aar Li Nu Bokk», lui, indexe le côté émotionnel des Sénégalais. «La première manifestation s’est déroulée dans un contexte où les Sénégalais étaient choqués, scandalisés par les éléments nouveaux qui venaient corroborer un ensemble de déclarations, de documentations, que des citoyens sénégalais, depuis 2014, avaient mis en exergue pour montrer comment la gestion des ressources naturelles du pays est anti-démocratique. Notre défi, aujourd’hui, devant une partie des citoyens qui sont émotifs, c’est de voir comment maintenir le niveau d’indignation.»

Il y a aussi l’impact de la démission de Aliou Sall, maire de Guédiawaye et frère du président de la République.

Membre de la plateforme, Babacar Mbaye Ngaraf, auditionné à deux reprises par les policiers de la Dic suite à l’enquête ouverte par le procureur de la République, pense que «les Sénégalais ne mènent pas des combats de longue haleine. Ils s’essoufflent trop vite ».

Ce que confirme le professeur Ibou Sané. «Il y a une lassitude parce que les gens ne savent pas ce que «Aar li Nu Bokk veut concrètement. Ils disent qu’ils parlent au nom du peuple, mais quel peuple ? Y a-t-il une corrélation entre ce qu’ils disent et ce que le peuple veut ? Les gens ne suivent plus parce que c’est un mouvement d’intellectuels, d’activistes. Le mouvement s’effrite. On a l’impression que le peuple veut tourner la page, parce que depuis lors, il n’y a aucune preuve qui a été apportée. Les gens spéculent, sans rien. Il n’y a rien de concret. Ils se fient beaucoup plus aux déclarations des médias et activistes occidentaux, alors que depuis très longtemps, ils combattent les Européens. C’est une contradiction. Ce sont les mêmes activistes qu’on retrouve partout, qui se disent membres de la société civile, mais qui participent aux élections. Il y a un glissement vers la politique et c’est cela qui explique l’effritement du mouvement. Plus ils vont manifester, plus ils vont créer des contre-feux, ce qui n’a pas de sens.  Les gens veulent du concret. Depuis, ce sont des paroles en l’air. Personne n’a exhibé une seule preuve», note le professeur.