NETTALI.COM - Ousmane Sonko aime bousculer les codes, et c’est sans doute ce qui le rend singulier sur la scène politique africaine. Mais à vouloir trop surprendre, le Premier ministre sénégalais prend parfois le risque d’envoyer des signaux contradictoires. Son discours récent devant un parterre d’investisseurs étrangers en est une illustration : d’un côté, une volonté affichée d’attirer des capitaux pour soutenir la relance économique ; de l’autre, une relance du débat explosif sur la réforme du franc CFA. Un paradoxe qui interroge.

Certes, la question monétaire mérite d’être posée. Le FCFA, symbole d’une tutelle postcoloniale pour certains, incarne la dépendance économique d’une partie de l’Afrique francophone. Ousmane Sonko, fidèle à ses convictions souverainistes, n’a jamais caché son désir de repenser cette relation monétaire. Mais le moment et le lieu choisis pour aborder le sujet soulèvent des doutes.
Face à des investisseurs venus chercher la stabilité, la prévisibilité et la confiance, évoquer une réforme monétaire — sans calendrier clair ni garanties institutionnelles — peut apparaître comme un mauvais calcul stratégique.

Le chef du gouvernement joue ici sur deux tableaux : séduire les marchés tout en galvanisant l’opinion nationale. C’est une ligne de crête délicate. Dans un contexte économique mondial incertain, où la prudence guide les flux d’investissement, le moindre signal d’instabilité peut suffire à détourner les capitaux vers des horizons plus sûrs. L’ambition souverainiste d’Ousmane Sonko est légitime, mais la communication politique qui l’accompagne doit être calibrée avec finesse pour éviter de transformer un message d’émancipation en motif d’inquiétude.

Le défi du Sénégal — et de l’Afrique plus largement — est là : affirmer sa souveraineté sans fragiliser son attractivité.  Encore faut-il trouver le juste équilibre entre le temps du politique et le temps des marchés. À trop vouloir parler d’indépendance, on risque parfois de compromettre la confiance — ce capital immatériel sans lequel aucun développement durable n’est possible.