NETTALI.COM - Alea jacta est ! Les ministères de l’Intérieur et de la Justice tombent dans la besace d’Ousmane Sonko. Le Général Jean- Baptiste Tine et Ousmane Diagne, présentés à tort ou à raison comme des empêcheurs de tourner en rond, sont éjectés de leurs fauteuils, remplacés respectivement par Me Bamba Cissé et Yacine Fall, des fidèles du Premier ministre. Faut-il en rire ou en pleurer ?
Interdit d’en rire car la matière concernée n’est pas banale. Il s’agit de l’Etat et de deux ministères clefs dans l’architecture gouvernementale. La Sécurité et la Justice sont effectivement deux mamelles essentielles de l’état de droit sans lesquelles la vie en société est impossible. Il ne s’agit pas non plus de s’émouvoir sur le fait que des ministres libèrent leur fauteuil au profit d’autres citoyens. Le Général Jean-Baptiste Tine est incontestablement un homme d’honneur et de devoir et jamais l’idée de croire qu’un portefeuille ministériel, pour prestigieux qu’il soit, lui est prédestiné ad vitam eternam, ne lui traverserait l’esprit. Ousmane Diagne, homme expérimenté, lucide et à ne pas se laisser dicter sa conduite au point de faire pression sur des magistrats, était dans les dispositions de démissionner de son poste depuis belle lurette.
En vérité, d’un point de vue principiel, il n’y aurait pas de problème majeur à relever, si le contexte dans lequel ces départs sont intervenus, n’est pas aussi lourd de sens et bavard en signaux. Ils interviennent dans une séquence historique faite d’arrestations tous azimuts de journalistes, chroniqueurs et influenceurs. Des voix se font entendre pour s’inquiéter de sérieuse menaces sur les libertés. L’ambiance du moment garde encore les stigmates du bras de fer entre les pouvoirs judiciaire et législatif à la suite de la modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, précisément dans le cadre de la loi organique N°09/2025 adoptée le 27 juin dernier.
Le Conseil constitutionnel qu’on avait relativement oublié depuis la dernière élection présidentielle, de revenir fortement à la charge pour juger anti constitutionnels plusieurs articles, dont l’alinéa 2 de l’article 56 qui autorisait le Président de l’Assemblée nationale à requérir la force publique pour contraindre toute personne, y compris les magistrats à comparaître devant une commission d’enquête.
Comment ne pas convoquer sur la place, le rejet de la requête en rabat d’arrêt le 1Er juillet dernier, qui a retenti comme un vrai coup de tonnerre sur la place judiciaro-politique. Une décision qui confirme de façon définitive la condamnation initiale dans l’affaire qui l’oppose à Mame Mbaye Niang et surtout qui hypothèquerait l’éligibilité d’Ousmane Sonko.
Imprévisible Justice qui, malgré tout le mal qu’on dit d’elle, a assez de cran pour casser les plans de l’ancien Président Macky Sall et qui refuse de plier devant le très spécial et super Premier ministre Ousmane Sonko. Ce dernier a beau se prévaloir d’une légitimité populaire sanctifiée par l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la tête de l’Etat, d’une écrasante majorité à l’Assemblée nationale, il reste encore impuissant face à une justice qui tient à ses pouvoirs.
Surtout que l’on attend toujours de l’exécutif qu’elle passe à la vitesse supérieure quant à l’application des recommandations issues des Assises de la justice. Cette bien vieille doléance qu’est l’introduction d’un juge des libertés et de la détention, attend toujours d’être satisfaite pour enfin nous débarrasser de ce poids qu’est la tout puissance du procureur de la république qui ne doit plus être juge et partie aux procès. I
Il ne serait pas tout aussi inutile de revisiter beaucoup d’aspects liés à la justice, notamment la procédure pénale, la restitution de leur pouvoir de nomination et disciplinaire sur leurs pairs, aux magistrats.
Comme est attendue la révision des textes (code pénal, code de procédure pénale, statut des magistrats, loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, loi sur la Cour suprême, loi sur le Conseil constitutionnel, code de la famille…).
Mais comment ne pas scruter à la loupe, ces dispositions liberticides (article 56 à 100 du Code pénal et l’article 139 du Code de procédure pénal) ainsi que l’article 254 (offense au chef de l’Etat) qui ne semblent être guidées que par une seule volonté, celle de protéger le président de la république ou son gouvernement. Des lois d’une autre époque ! Surtout que les poursuites récentes du parquet vont de plus en plus dans le sens de viser des délits d’offense à “des personnes délégataires de pouvoirs du président de la république” prévus à l’alinéa 2 de l’article 254 du Code pénal. De quoi se poser davantage de questions sur l’opportunité de telles poursuites, cette dernière disposition devant être subordonnée à l’existence d’un décret présidentiel confiant tout ou partie des prérogatives du chef de l’Etat au Premier ministre ou à certains ministres. Décret que personne n’a jusqu'ici vu !!!
Mais au-delà, l’on peut par la même occasion soulever l’équation de la détention préventive et des mandats de dépôts systématiques qui engorgent les tribunaux et amplifient la surpopulation carcérale ? Un vaste chantier qui attend toujours d’être entrepris.
C’est dire que le ciel sénégalais est bien lourd de nuages qui sans doute explique toutes les crispations que nous constatons. Les pressions réelles qui sont aujourd’hui exercées sur la Justice et sur le ministère de l’Intérieur, découlent de cette situation particulière. Situation davantage complexifiée par l’agenda politique d’Ousmane Sonko qui ne peut pas être insensible qui temps qui s’envole... vers 2029. La question se pose donc de savoir si l’appareil d’Etat peut ne pas être utilisé pour servir de passerelle à une remontada politique.
L’inquiétude réelle procède du fait que la nouvelle machine mise en place, pourrait politiquement être utilisée pour neutraliser des adversaires politiques gênants, exercer des pressions sur les acteurs de la société civile qui ne considèrent pas la “Pastefamania” comme l’alpha et l’omega de toutes choses, brider et engager le regard dans la direction voulue. Ce serait en toute beauté, pour parler comme l’autre, le début de la dictature. Dieu nous en préserve !
Le Sénégal a toujours su dompter les démons de la servitude. Mais le premier d’entre nous qui a cette responsabilité n’est autre que le Président de la République ou Chef de l’Etat. Son nom : Bassirou Diomaye Faye. Qui a juré en ces termes : “Devant Dieu et devant la nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer et de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du Territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine”.
On peut bien comprendre les considérations morales liées à la parole donnée, les discussions de salon réelles ou fictives, les combinazione d’avant présidentielle et le poids du passé, le souci du pays doit être la priorité en toutes circonstances. Tous les Présidents qui se sont succédé, ont bénéficié d’un coup de pouce du destin. Diouf avec la démission Senghor (donc sans passage aux urnes), Me Wade et ses Cocos, Macky avec Wade.
Bien malin qui saura ce que Diomaye fera !