NETTALI.COM - C’est l’effervescence politique à l’heure de la recomposition de camps qui se dessine. Macky Sall est pour l'heure sur tous les fronts du débauchage au moment où ce trouble-fête de Sonko qui agitait le landerneau politique ces derniers temps, semble plutôt être dans ses calculs. Abdoul Mbaye, Thierno Alassane Sall, Mamadou Lamine Diallo et compagnie s'organisent aussi.

Le président de l’Alliance pour la république (Apr) cherche désormais à être le maître du jeu et ne ménage plus aucun effort pour attraper du gibier politique. « Je discuterai avec tous ceux qui le souhaitent », a dit le patron de l’Apr, lors de la cérémonie de remise du prix Macky Sall pour le dialogue en Afrique, ce vendredi 11 décembre au Musée des Civilisation noires. Une déclaration et une volonté de discussion sans exclusive qui en disent long sur la détermination du patron de l’Apr. On croyait le dialogue pourtant bien fini !

Une question que l’on peut légitimement se poser, c’est de savoir si le pays peut continuer à vibrer ainsi au rythme de la politique politicienne. Il devrait pourtant être en train d'imprimer un rythme d’une économie performante, de débats politiques fructueux autour de questions de société, de culture, de religion, d’environnement, etc. Mais le résultat est une frénésie médiatique centrée sur des sujets politiques sans consistance, sans intérêt et qui ne font que tirer le pays vers le bas. Si ces questions étaient au moins dédiées à une réforme sincère, sérieuse et efficace des institutions, on aurait pu dire.

La sortie de Souleymane Jules Diop dimanche dernier pour annoncer une rencontre Macky Sall-Khalifa Sall, rentre dans cette logique-là. Elle a d’ailleurs étonné plus d’un. C’était à « Grand Jury » du dimanche 6 décembre. Une annonce perçue par beaucoup comme incompréhensible aux yeux d’une certaine opinion quant à son bien-fondé et son opportunité.

C’est connu que les politiques se voient pour discuter en privé ou en public comme cela a été le cas d’ailleurs avec le dialogue politique et le dialogue national. Les pourparlers de quinze mois durant entre Idrissa Seck et Macky Sall, avaient été gardés secrets jusqu’à leur aboutissement, même si des acteurs politiques avaient alerté. Ils ont fini par accoucher de la nomination d’Idy à la présidence du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Ce qui nous amène à nous poser la question de l’efficacité et de l’utilité de cette institution. A supposer même que cela avait été le cas, pouvons-nous nous permettre dans ce contexte de quasi récession économique avec cette 2ème vague de la pandémie qui ne fait que commencer, de financer le train de vie de recasés politiques et d’ouailles d’Idrissa Seck et autres transhumants venus grossir les rangs de l’alliance ?

Macky Sall a beau parer de vertus le dialogue, lors de cet évènement. Il a beau tenter de nous expliquer que l’objectif du dialogue « n’est pas une question de politique politicienne et que « c’est une question de réalisme », rien n’y fait. Difficile de le croire. Son but ultime reste la phagocytose d’une bonne partie de son opposition. L’objectif politicien est tellement vrai qu’il n’a pu s’empêcher de confirmer cela : « Quel président n’aimerait pas avoir avec lui le deuxième de l’élection présidentielle ? »

Difficile en tout cas de ne pas voir dans l’acte de Souleymane J. Diop, un objectif de discrédit de Khalifa Sall. Cherchent-ils à faire penser que Khalifa Sall est en train de faire comme les autres, en discutant en douceur avec le recruteur en chef Macky Sall ? Une sortie de Jules Diop pas du tout fortuite au moment où est en train de se produire un rapprochement Ousmane Sonko-Khalifa Sall. Il est possible que cette rencontre ait eu lieu. Nous n’en savons rien. Mais à supposer qu’elle ait eu lieu, est-il élégant que deux personnes dont le président  discutent et que l’un de ses proches Jules Diop en l’occurrence, décide tout d’un coup de l’ébruiter ? Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette histoire. L’a-t-on fait parler dans une logique de torpiller une éventuelle alliance avec Ousmane Sonko ? Il y a comme qui dirait un dessein de semer le doute dans l’esprit des Sénégalais. Barth nous a appris que même Jules qu'il connaît bien, ne croit pas à ce qu'il a dit.

De même l’annonce de Mahmoud Saleh, selon laquelle Macky Sall et Abdoulaye Wade ont renoué le contact, évoquant un « contact permanent par des mécanismes qui leurs sont propres », même s’il « ne peut pas indiquer la forme », est à mettre sur le même compte que l’acte de SJD. Saleh  évoquera dans la foulée, une réunification de la famille libérale qui peut concerner Abdoulaye Wade, ajoutant ceci : « Nous y travaillons comme pour toutes les retrouvailles politiques ». Un discours en tout cas bien flou mais qui peut amener à penser que le fil entre Macky et Wade,  est loin d’être rompu.

Des interventions de Jules Diop et de Mahmoud Saleh concomitantes et cette phrase de Macky Sall à la cérémonie de remise de prix pour le dialogue en Afrique (« Il y a des anciens candidats avec lesquels je suis en discussion. En tout cas, pour l’essentiel, ce n’est pas un secret ») laissent paraître une communication coordonnée et planifiée, tant elle tombe à un moment où le président se lance dans une autoglorification du fait de son trophée de chasse , et où il met en place, une task force pour envahir l’espace médiatique. Sans oublier cette nouvelle trouvaille « le gouvernement face à la presse ».

Frénésie de la communication ou ressaisissement, le leader de l’Alliance pour la République s’est félicité du consensus sur 25  sur un total de  27 points de discussion au dialogue national. Un fait que Birame Faye de la task force républicaine a confirmé, nous apprenant que ces désaccords portent sur deux points : le statut de chef de parti-président de la République et celui du statut de chef de l’opposition.

Deux points qui montrent à certains égards que les questions politiques sont les seuls objets de frictions. Le reste intéresse-t-il vraiment les politiciens ? Macky Sall nous a expliqué les vertus du dialogue qui ont mené à l’enrôlement d’Idrissa Seck, Oumar Sarr, Aïssata Tall Sall, etc. Deux sujets qui ne sont pas sans rappeler des points des Assises nationales dans le cadre  des recommandations qui en étaient issues. Ce qui veut dire que cette problématique revient souvent et est une demande sans cesse renouvelée qui ne trouvera solution que peut-être quand Macky Sall aura quitté le pouvoir.

A en croire le président de la République, l’audit du fichier électoral devrait démarrer incessamment, avec la participation de toutes les composantes politiques, de même que l’évaluation du processus électoral et des accords nés de ce dialogue. L’audit du fichier électoral, cet éternel recommencement ! Que faut-il en penser finalement ? Ailleurs on n’en parle jamais.

Mais dans ce discours, c’est certainement une phrase riche en enseignements qui devrait attirer l’attention. Macky Sall nous a appris que « cela fait plus de 85 % de l’électorat qui se retrouvent dans la majorité’’. Sauf qu’on ne sait pas d’où sont sortis ces chiffres qu’Idrissa Seck avait lui-même brandis. Des effets d’annonces qui semblent sortis du rêve purement et simplement ! Emanent-ils des scores de la présidentielle passée ? Ce qu’ils semblent certainement oublier, c’est que le poids électoral est volatile et n’est pas aussi intact que peut le penser le président Sall. Qu’il n’oublie pas qu’Idrissa Seck était dans le cadre d’une alliance et avait cumulé les voix de ses alliés. Tout comme Macky Sall d’ailleurs. De plus, d’un point de vue empirique, l’image de l’ancien Premier ministre ne doit pas être aussi intact qu’il peut le penser au regard des critiques qu’il a dû subir et les perceptions qui semblent se dégager de l’opinion. Où alors Macky Sall ne cherchait juste qu'à créer un impact psychologique en annonçant ce gros pourcentage ?

Mais au-delà, c’est aussi la question de cette  « majorité confortable pour gouverner, une majorité confortable à l’Assemblée nationale » dont parle Macky Sall qui amène à se poser la question de savoir sa motivation profonde. Cela sent indubitablement le 3ème mandat. Macky détient une majorité confortable à l’Assemblée nationale, de quoi devrait-il avoir besoin d’autre pour gouverner ? Et ces sorties sur la possibilité pour le président de faire un 3ème mandat, ne semblent guère fortuites. Après Cheikh Oumar Hanne, Madiambal Diagne, Me Babou et bien d’autres avant qui ont déclaré la possibilité d’une 3ème candidature pour Macky Sall, l’interdiction de dire le contraire dans les rangs marron-beige, est toujours de mise. Y compris certainement dans les rangs des alliés. Barthélémy Dias a en tout cas prévenu les Sénégalais à l’émission « Grand Jury » de ce dimanche 13 décembre. «  Je le dis ici, et je vous invite à bien enregistrer mes propos. Le président Macky Sall fera le 3e mandat et gagnera, car il n'est pas battable sur le terrain électoral, piégé à travers le parrainage qui lui permettra de choisir ses candidats et sa pseudo justice avec laquelle il élimine d'autres candidats », a laissé entendre Barthélemy Dias.

Et puis, il y a la suspicion d’autant plus légitime de Barthélémy Dias quant à la suppression de la ville de Dakar par le régime, alors qu’on ne sait toujours pas quand seront organisées les élections locales. Selon le maire de Mermoz-Sacré-Cœur, la supposée manœuvre vise à faire croire que conformément à l’acte 3 de la Décentralisation, il ne doit exister que des communes de plein exercice, ajoutant que le gouvernement cherchera à faire miroiter les 50 milliards constituant le budget de la ville, aux 19 communes de Dakar. "La situation de Dakar est hybride. Logiquement, si on s’en tient au Code général des collectivités territoriales, il y aura un département : Dakar et ses 19 communes. La ville n’a pas sa raison d’être. On ne peut être en même temps département et commune. Aujourd’hui, nous devons nous conformer au code, c’est-à-dire l’existence de deux entités que sont le département et la commune’’, a dit ce dimanche le ministre des collectivités territoriales, Oumar Guèye.  Il a dans la foulée évoqué le statut de la ville de Dakar. indiquant que cette dernière, tout
comme Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès, n’ont pas leur raison d’être. Encore des subterfuges pour contrôler Dakar et d'autres grandes villes ! Après seulement, les élections locales pourront être organisées. Gagner du temps. Toujours gagner du temps pour être prêt au bon moment. Cela semble être le crédo.

Que Macky Sall ne prenne pas les Sénégalais pour des demeurés en leur parlant de stabilité du pays et de pays de dialogue. Il n’y a pas de conflit digne de ce nom qui menacerait la stabilité du pays. Encore moins sa gouvernance. Il y a juste des politiques sénégalais qui refusent de rentrer dans son schéma, alors qu'il cherche à tous les mettre dans sa besace et se retrouver face à une opposition affaiblie. Le dialogue était juste un moyen de gagner du temps et d'endormir ses adversaires du moment en donnant à l'entrisme, une sorte de couverture un peu plus acceptable.

Dans le cas d’Idrissa Seck, l’expérience nous a montré qu’il avait refusé de reconnaître la victoire de Macky Sall. Aphone depuis ce défilé au palais au cours duquel un consensus s’était dégagé dans ce contexte de crise de Covid 19, les Sénégalais découvrirent avec stupeur, la surprise de sa nomination à la tête du Conseil économique… Un fait qui renseigne que les politiques ont agi dans le cadre de leurs intérêts personnels. Le résultat que la gestion des vivres par Mansour Faye a donné, c’était une polémique sans fin et des doutes sur la transparence d’une telle opération.

L’hypothèse d’un deal avec Idrissa Seck - que Macky Sall qualifie de positif en anglais- afin que ce dernier lui succède, relève à notre avis, d’un enfantillage politique. Dans le meilleur des cas, Idy ne peut être que le plan B. Et à son avantage, parce qu’on ne voit pas du tout ce qu’il aurait à perdre après être revenu dans le jeu avec privilèges à l’appui. Il était déjà d’ailleurs bien talonné par Ousmane Sonko à la dernière présidentielle (20,50 % contre (15,67%) et n’a pas que l’on sache, récupéré de nouvelles force ; s’il n’en pas perdues d’ailleurs. Avec le coup qu’il vient de réussir, il peut toujours traquer sa chance, si sa Majesté se casse les dents dans ses manœuvres. C’est tout le bien qu’il devrait en secret lui souhaiter… Mahmoud Saleh, le ministre d’Etat, directeur de cabinet du président de la République, considère qu’aucun accord ne lui interdit d’ailleurs de se présenter en 2024. Il fait rire celui-là !

Le peuple observe en tout cas, décortique et analyse. Il y a une sorte de puérilité des politiques, surtout lorsqu’ils sont au pouvoir qui consiste à croire que les citoyens ne sont jamais assez éveillés pour comprendre. Me Abdoulaye Wade lui-même pensait qu’il était le plus fort et le plus intelligent (au point de s’autoriser un “wax waxeet” magistral) alors que la force le désertait à cet instant. Il avait aussi tenté ce fameux ticket. On sait tous ce qu'il en est advenu. Barthélémy Dia a prévenu les Sénégalais, ce dimanche 13 décembre à « Grand Jury »  de la RFM sur le dessein de 3ème mandat de Macky Sall, expliquant qu’il est imbattable dans le cadre d’une élection avec tous ces artifices liés au parrainage et à sa justice.

Ce peuple-là qui n’est pas si dupe que cela. Il est bien conscient que c’est avec ses deniers que Macky Sall débauche du politicien avec postes et avantages. Des deniers constitués avec les recettes douanières, les impôts des braves travailleurs et ces licences de pêche et autres bijoux de la République, vendus. Mais attention à force de manœuvrer, l’on risque de se retrouver dans son propre piège.