NETTALI.COM - Le dossier judiciaire du député-maire des Agnam, Mouhamadou Ngom dit Farba, prend une tournure délicate après la publication d’une contre-expertise médico-légale accablante. Réalisée par trois figures de la médecine sénégalaise – Dr Ousmane Dièye, Pr Papa Saliou Mbaye et Pr Serigne Magueye Gueye – l’évaluation conclut que l’état de santé du parlementaire est incompatible avec toute détention carcérale. Un constat qui dépasse la simple dimension médicale et ouvre désormais un champ de débats politiques et judiciaires.
Selon le rapport, Farba Ngom souffre d’un syndrome d’apnée obstructive du sommeil sévère, jusque-là non diagnostiqué, associé à une cardiopathie débutante, un diabète ancien et d’autres comorbidités lourdes (obésité, antécédents cardiovasculaires). Les experts évoquent même le risque d’une « mort subite nocturne » en cas d’absence de traitement urgent.
L’échoDoppler cardiaque révèle une dilatation modérée de l’oreillette gauche et de l’aorte thoracique ascendante, accentuant le risque de complications graves. Ajoutons à cela une suspicion de BPCO débutante (broncho-pneumopathie chronique obstructive) liée à ses antécédents tabagiques et à son obésité. Autant de signaux d’alerte qui, cumulés, dessinent un patient extrêmement vulnérable.
Prison et santé : un dilemme humanitaire et judiciaire
Incarcéré depuis le 27 février 2025, Farba Ngom vit désormais une situation où la prison pourrait se transformer en condamnation à mort avant jugement. La contre-expertise soulève une question majeure : jusqu’où la justice peut-elle aller dans l’application de la détention préventive, lorsque la vie d’un individu est menacée ?
Pour ses avocats, le rapport constitue une arme juridique puissante. Ils devraient rapidement introduire une demande de liberté provisoire pour raison médicale, s’appuyant sur le principe constitutionnel du respect de la dignité humaine et sur les conventions internationales ratifiées par le Sénégal.
La décision du juge, à venir dans les prochaines semaines, sera scrutée à la loupe. S’il accorde une liberté provisoire, elle sera perçue par certains comme un traitement de faveur réservé à un homme politique influent. Mais s’il la refuse, la justice assumera la responsabilité d’exposer un détenu à un risque vital documenté par des sommités médicales. Dans les deux cas, le débat sur l’équité et l’humanité du système carcéral sénégalais sera relancé.
Les répercussions politiques
Farba Ngom n’est pas un justiciable ordinaire. Proche d’anciens cercles de pouvoir, figure locale incontournable dans le Fouta, son sort dépasse la sphère judiciaire. Sa possible libération pour raisons médicales alimentera sans doute des lectures politiques, entre soupçons de manipulation et considérations humanitaires.
L’affaire met en lumière une réalité souvent occultée : la santé des détenus dans les prisons sénégalaises. Les établissements pénitentiaires souffrent d’un manque criant de moyens médicaux, rendant quasi impossible la prise en charge de pathologies lourdes comme celles diagnostiquées chez Farba Ngom.
Dans tous les cas, la contre-expertise sur la santé de Farba Ngom bouleverse le cours de la procédure. Plus qu’un simple avis médical, elle constitue une bombe à retardement judiciaire et politique. La balle est désormais dans le camp du juge : privilégier la rigueur de la détention préventive ou faire primer l’impératif humanitaire. Quelle que soit la décision du juge, cette affaire pourrait devenir un précédent majeur dans l’histoire récente de la justice sénégalaise.