CONTRIBUTION - Le Conseil constitutionnel vient d’infliger un nouveau revers au régime en place en rejetant la tentative de modification du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Une tentative jugée contraire à la séparation des pouvoirs, et donc incompatible avec l’esprit républicain qui régit notre démocratie.
Derrière cet acte, se cache, peut-être, un objectif non éclairé. Alors, y a-t-il quelque chose derrière? Difficile de répondre, de manière précise, à cette question. En tout cas, la démarche soulève des interrogations profondes sur la conception du pouvoir, des institutions et des règles démocratiques au sein de l’actuelle majorité.
C’est le deuxième camouflet institutionnel en l’espace de deux mois pour la mouvance présidentielle. Une sanction juridique qui souligne, si besoin en était, que l’État ne saurait être géré à coups d’improvisations politiques, de revanches personnelles ou de lectures opportunistes de la Constitution.
Le Sénégal est une République. Elle repose sur des fondements solides: la séparation des pouvoirs, le respect des institutions, l’équilibre entre exécutif, législatif et judiciaire. La tentative de modifier unilatéralement le Règlement intérieur du Parlement est non seulement maladroite, mais révélatrice d’un malaise plus profond: 2une difficulté manifeste à faire la différence entre gouverner et militer.
Depuis l’alternance survenue en mars 2024, les Sénégalais assistent à un enchaînement de décisions hâtives, de discours clivants, de gestes symboliques sans ancrage dans les réalités sociales et économiques du pays. Pendant ce temps, les défis prioritaires (vie chère, emploi des jeunes, réforme de la justice, redressement économique) restent en suspens.
Il est temps de recadrer le cap. Gouverner, c’est prévoir. Gouverner, c’est protéger les institutions. Gouverner, ce n’est pas dérégler les mécanismes républicains pour les adapter à une stratégie de reconquête politique ou à des considérations personnelles.
La démocratie sénégalaise n’est pas une coquille vide à remplir selon les intérêts du moment. C’est une construction patiente, nourrie de luttes, de sacrifices, de dialogues. Elle mérite respect, rigueur et hauteur de vue.
Le peuple sénégalais n’a pas voté pour des coups d’éclat, mais, pour un changement concret, structurant et responsable. Il est donc urgent que les dirigeants actuels se concentrent sur les vraies priorités du pays: restaurer la confiance, relancer l’économie, pacifier le climat politique et garantir les libertés.
À vouloir tout bouleverser trop vite, on finit par perdre l’essentiel. Et le Sénégal, plus que jamais, a besoin de sérénité et de stabilité, non de confrontation et d’instabilité juridique. Et puis, il faut aussi le rappeler pour que nul n'en ignore: le respect de la légalité constitutionnelle ne souffre d'aucune dérogation, même au nom du consensus.
Babou Birame Faye