NETTALI.COM - Le Sénégal vit une situation inédite : trois anciens Présidents encore en vie — Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall — représentant ensemble 44 années de pouvoir présidentiel. S’ajoute à eux Moustapha Niasse, témoin privilégié de toutes les républiques sénégalaises et compagnon de route de leaders africains et internationaux. Pourtant, cette richesse politique et diplomatique demeure superbement ignorée.
Dans bien des pays, de telles figures servent de recours discret lors des crises, de relais diplomatiques dans les négociations régionales, ou de mentors pour les générations politiques montantes. Le Sénégal, lui, préfère enterrer ses anciens dirigeants dans un silence pesant, comme si le simple fait de solliciter leur avis menaçait l’autorité du régime en place.
C’est un gâchis politique et historique. Ces hommes détiennent une connaissance précieuse des rouages de l’État, des équilibres sous-régionaux et des non-dits des grands dossiers internationaux. En les laissant de côté, le pays se prive de repères et de conseils utiles dans un contexte sous-régional marqué par les tensions et les repositionnements géopolitiques.
Ce désintérêt révèle aussi un mal sénégalais : cette manie de rompre brutalement avec ses prédécesseurs au lieu de bâtir sur l’expérience et la mémoire collective. Aucun cadre officiel n’existe pour valoriser cet héritage politique, et les tentatives de rapprochement sont souvent perçues comme des signes de faiblesse ou de compromission.
Il serait pourtant sage de leur tendre la main. Non pour les réhabiliter politiquement, mais pour écouter, apprendre et transmettre. Car un pays qui refuse d’interroger sa mémoire condamne son avenir à l’improvisation.