NETTALI.COM - Dans les coulisses de la politique, chaque élection est un chapitre crucial dans le livre de carrière de tout politicien. La défaite de l’ex-Premier ministre Amadou Ba, battu au premier tour de l’élection présidentielle du 24 mars 2024, laisse derrière lui une question brûlante sur son avenir politique. Bien qu’elle soit un revers douloureux, elle n’en ouvre pas moins une nouvelle voie d'opportunités et de défis pour l’homme politique.

Dans certains cas de figure, après une défaite électorale, certains politiciens préfèrent se retirer temporairement de la vie politique pour se consacrer à des projets personnels ou à des causes qui leur tiennent à cœur. En ce qui concerne Amadou Ba, le candidat malheureux de la coalition BBY à l’élection présidentielle du 24 mars 2024, il est dans une dynamique de renforcer ses alliances politiques et d’élargir sa base de soutiens en travaillant avec d'autres figures influentes au sein de son parti ou même en collaborant avec des partis d'opposition sur des questions clés.

Depuis la ville sainte de La Mecque, Amadou Ba est prêt à enfiler le manteau de l'opposition et de se frayer son propre chemin. Reste à savoir s'il va poursuivre l'aventure avec l'APR ou suivre sa propre voie, c'est-à-dire créer son parti politique pour se démarquer du legs de Macky Sall, après plus de 10 ans de compagnonnage en dents de scie.

Dans une longue lettre, l’ancien Premier ministre lance un appel à ses électeurs pour "une opposition républicaine, respectueuse des institutions, pour préparer les conquêtes prochaines sur la voie du Sénégal réconcilié, prospère et juste qui demeure l’horizon de son engagement".

Ce positionnement en tant qu'opposant soulève certains questionnements. En affirmant la volonté d'agir dans une "nouvelle posture d'opposition démocratique et républicaine, respectueuse des institutions", Amadou Ba s'engage à jouer un rôle constructif et respectueux dans le paysage politique. Ceci est crucial pour maintenir la confiance des électeurs et pour souligner que, malgré la défaite, l'engagement envers la démocratie et le bien-être du pays reste inébranlable.

"Il est très discret et flegmatique, sa posture colle mal avec celle d'un opposant qui fera face à un régime jeune et bouillant"

Le ton positif est tourné vers l’avenir. En effet, il termine sur une note d'espoir et de détermination (“ensemble, nous le ferons”). Cela montre qu’il reste motivé et concentré sur l'avenir, prêt à continuer à lutter pour ses idéaux et à travailler pour le pays.

"Il est très discret et flegmatique, sa posture colle mal avec celle d'un opposant qui fera face à un régime jeune et bouillant. Il est également avare en paroles et diplomatique. Il devra être plus présent dans les médias, s'il souhaite jouer ce rôle d'alternatif", confie Ahmet Ndiaye, militant de l'APR à Jaxaay.

Réputé pour sa maitrise des dossiers, mais aussi pour son carnet d’adresses et son réseau très dense, l’ancien Premier ministre a tissé des relations avec presque tous les cercles d’influence du pays, des chefs religieux aux patrons de presse, en passant par les hommes d’affaires et même des leaders de l’opposition.

Mais le hic, c’est que l’ancien Premier ministre a du mal à avoir un ancrage politique. Il n’a jamais conquis une partie du territoire national, là où d’autres caciques s’enorgueillissent de leurs fiefs politiques comme Abdoulaye Daouda Diallo au Fouta, Oumar Sarr à Dagana ou Macky Sall à Fatick. Battu dans son bureau de vote à la Présidentielle, Amadou Ba devra batailler pour char- mer une opinion électorale conquise par un nouveau régime dans les centres urbains y compris à Dakar.

Selon les résultats officiels, il a obtenu 35,79 % des voix à l’échelle nationale.

Très critiqué par ses camarades de parti qui ont souhaité le report du scrutin de peur qu’il perde, Amadou Ba n’a jamais fait l’unanimité. Il a rejoint l’APR au lendemain de la victoire à la Présidentielle de 20212 et est perçu comme un transhumant.

Son choix à la tête de la coalition a exacerbé les tensions au sein de la mouvance présidentielle. Ses bisbilles avec le président restent encore floues. Ce dernier ne lui a jamais publiquement affiché son soutien.

L’homme a du mal à s’imposer au sein de l’APR. Il n’a jamais été adopté par sa famille politique, eu égard aux différents scrutins. Même s’ilaétélatêtedelistedeBBYà Dakar, lors des Législatives de 2017, l’ancien directeur de la DGID s’est vu voler la vedette, lors des Locales de 2022, par Abdoulaye Diouf Sarr.

En effet, le maire de Yoff avait été le seul à gagner sa commune d’arrondissement de Dakar, lors des élections locales de 2014. Ce choix de Macky Sall pour la capitale, combiné à sa défenestration du gouvernement, a été fatal à l’ascension politique d’Amadou Ba.

En effet, le patron de l'APR avait également motivé son choix par le fait que, depuis l'éviction d'Amadou Ba du gouvernement, il s'était quasiment inscrit aux abonnés absents, en termes d’activités de terrain à la base dans le département de Dakar.

Pour rappel, il a été tour à tour directeur général des Impôts et des Domaines, ministre de l’Économie et des Finances de 2013 à 2019, puis ministre des Affaires étrangères jusqu’en 2020. Nommé à la tête du gouvernement en septembre 2022, Amadou Ba a été le 4e Premier ministre du président Macky Sall, après Abdoul Mbaye (2012-2013), Aminata Touré (2013-2014) et Mouhammad Boun Abdallah Dionne (2014-2019).

Son avenir politique dépendra de sa capacité à tirer les leçons de sa défaite, à s'adapter aux nouvelles réalités politiques et à saisir les opportunités qui se présenteront à lui.

Bien que la route puisse être semée d'embûches, il est clair que cet homme politique chevronné n'a pas dit son dernier mot et que son influence sur la scène politique pourrait bien se révéler plus forte que prévu.

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