NETTALI.COM - Les députés ont étalé, mercredi, leurs divergences au sujet du projet de loi portant amnistie générale des faits de violences en lien avec la politique, survenus entre février 2021 et février 2024.

Ils ont notamment marqué leurs désaccords quant au bien fondé de ce projet de loi soumis à leur examen après que la commission des Lois de l’Assemblée nationale l’a adopté.

Le projet de loi adopté par en Conseil des ministres le 28 février avait été agité par le chef de l’Etat à l’ouverture du dialogue national organisé les 26 et février au Centre international de conférences Abdou Diouf de Diamniadio.

De nombreuses personnes ont perdu la vie ou blessées lors de manifestations violentes ayant secoué le Sénégal depuis le déclenchement de procédures judiciaires à l’encontre de l’opposant, Ousmane Sonko, accusé de "viols répétitifs et menaces de mort” par Adji Sarr, une employée d’un salon de massage à Dakar.

Dans l’exposé des motifs, le chef de l’Etat évoque un besoin d’apaiser le "climat politique et social” de renforcer "la cohésion nationale” et de consolider "le dialogue national” et permettre à "certaines personnes qui ont eu maille à partir avec la justice de participer pleinement à la vie démocratique”.

"Le projet de loi intervient pour amnistier les infractions commises tant au Sénégal qu’à l’étranger et couvrant une période allant de 2021 à 2024. (…) Il permettra à des personnes privées de leurs droits civiques et politiques d’être rétablies dans leurs droits’’, lit-on dans le document soumis aux députés.

Il y est mentionné que sont amnistiés, de plein droit, tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques y compris celles faites par tous les supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non.

"L’amnistie entraine, sans qu’elle ne puisse jamais donner lieu à restitution, la remise totale de toutes les peines principales, accessoires et complémentaires, ainsi que la disparition de toutes les déchéances, exclusions, incapacités et privations de droits attachés à la peine’’, lit-on dans le document.

Des députés prenant part à l’examen du projet de loi d’amnistie général des faits politiques survenus au Sénégal entre mars 2021 et février 2024, ont magnifié, ledit projet loi estimant qu’il permettra de renforcer la cohésion sociale et le vivre ensemble des Sénégalais.

Abdoulaye Wilane, un député de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY, mouvance présidentielle) a souligné le caractère historique d’une telle initiative en ce qu’elle ‘’permettra aux Sénégalais de se retrouver autour d’un même objectif’’.

"L’instant est solennel, le moment historique. Je voudrais vous inviter à vous éloigner des considérations personnelles. Je demande aux parlementaires de travailler à l’optimisme des grands peuples en adoptant ce projet de loi d’amnistie général”, a-t-il déclaré en s’adressant à ses collègues.

Ibrahima Baba Sall, un autre député de la mouvance présidentielle, vice-président de l’assemblée nationale, a salué l’intention de pacification et de réconciliation ayant fondé le projet de loi, ‘’des facteurs importants pour la vivre ensemble’’.

"Nous allons voter ce projet pour accompagner la volonté du président de la République de pacifier l’espace public’’ a-t-il soutenu.

Le jeune parlementaire, Abdoulaye Diagne, un autre membre de cette coalition, a souligné la nécessité pour ses collègues de voter le projet de loi, ‘’au nom de la réconciliation et de la cohésion nationale’’.

"On doit sortir Ousmane Sonko, en abandonnant les charges’’

Il a, en même temps, plaidé pour une indemnisation des personnes décédées ou ayant perdu des biens matériels lors des manifestations.

"Ce projet vise uniquement à réconcilier les Sénégalais. Le président de la République Macky Sall veut que nous soyons tous d’accord. C’est la seule chose qui motive cette loi’’, a renchéri Farba Ngom, un parlementaire de la majorité.

Un avis que ne partage pas des parlementaires de l’opposition à l’image de de Guy Marius Sagna, membre du groupe Yewwi Askan-wi.

"Dire que cette loi est faite pour Ousmane Sonko est faux. Je ne voterai pas cette loi qui vise à mépriser toutes les pertes en vies humaines. Oui il faut sortir Ousmane Sonko de prison, mais il faut le faire en abandonnant les charges’’, a-t-il réagi.

Modou Bara Gueye, un député du Parti de l’unité et du rassemblement (PUR) s’est élevé contre le projet de loi, en estimant qu’aucun contexte ne permet le vote d’une telle loi.

"Dites-nous d’abord qui sont les responsables. Expliquez- nous d’abord ce qui s’est passé entre 2021 et 2024. Dites-nous ce qui a motivé ce pardon national. Je pense qu’il faut d’abord situer les responsabilités’’, a pour sa part dit Marietou Dieng, une députée du parti Rewmi.

Thierno Diop, un parlementaire de Taxawu Sénégal a insisté sur le fait que la justice était rendue au nom du peuple et qu’elle devait jouer son rôle son rôle après les événements violent ayant secoué le pays.

"Je ne peux pas comprendre qu’on nous demande de passer sous silence tout ce qui s’est passé ces dernières années et sans raison valable’’, a-t-il expliqué.

"La justice doit être dite. Elle doit jouer pleinement son rôle parce que le peuple sénégalais restera debout pour que justice soit faite même si cette loi passe’’, a-t-il estimé.

Pour Thierno Alassane Sall, un député non inscrit, ce projet de loi illustre l’incapacité de l’Etat du Sénégal à assumer sa mission régalienne.