NETTALI.COM - Candidat de la coalition ‘’Diao 2024’’, membre du collectif Fc25 qui regroupe 16 candidats, Mame Boye Diao fait un round-up de l’actualité. Après avoir déposé au Conseil constitutionnel 2024, une requête aux fins de constater et de remédier à la carence du Président de la République (…), il parle de la date de la Présidentielle, du dialogue et ses conclusions, de la saisine du Conseil constitutionnel par le Président Macky Sall, de la probable période de transition, de la loi d’amnistie, des cas Sonko et Diomaye, de ses contacts avec le Président Sall et du Premier ministre Amadou Bâ… Sans détours, Mame Boye Diao dit tout. 

Vous faites partie de ceux qui réclament la tenue de l’élection présidentielle avant le 02 avril, techniquement pensez-vous que c’est toujours possible ?

Je suis un citoyen sénégalais qui a pu franchir des opérations qui m’ont amené à être éligible au titre de l’élection présidentielle qui était prévue le 25 février 2024. Après, tout le monde sait la responsabilité de l’actuel président de la République dans le sabotage de ce processus parce qu’il y a eu l’invocation de prétexte que je considère comme fallacieux et que tous les Sénégalais ne peuvent pas comprendre, après, avec des pistes de solution qui n’ont rien à voir avec la quintessence même de ce qui avait motivé la prise de décret. Je ne peux pas vous dire très honnêtement puisqu’il y a en face, quelqu’un qui n’est pas prêt à tenir l’élection avant le 02 avril. Nous avons dit au Conseil, vous avez pris une décision, il y a de l’autre côté, une preuve manifeste de refus d’exécuter votre décision, nous vous demandons de reprendre votre rôle de juge des élections et de donner des instructions plus claires par rapport au déroulé du scrutin et par rapport à toutes les conséquences de votre décision sur l’empiétement du scrutin par rapport au 02 avril qui coïncide avec la fin du mandat de Macky Sall.

Apparemment la tenue du scrutin avant le 02 avril n’est pas une exigence chez vous ? 

Elle est une exigence. C’est pourquoi, nous avons demandé au Conseil constitutionnel d’arbitrer. S’il arbitre en disant qu’il faut le faire avant le 02, le Conseil peut donner les mesures pratiques qui nous permettent d’y aller. Si le Conseil décide qu’il faut qu’on y aille après, c’est au Conseil de décider de façon souveraine et nous allons devoir nous plier.

Le Président dit qu’il quittera le pouvoir le 02 avril, comment devra se passer la transition?

Entre son intention de quitter et l’effectivité de cette décision, il y a un fossé. Nous sommes un Etat organisé, il ne peut pas être comptable d’une situation qu’il a créée et laisser notre pays dans une situation d’insécurité juridique. A partir du 02 avril, nous dépassons le cadre de l’illégalité, nous sommes dans le cadre de l’inconnu juridique. Il faut qu’il y ait une prise de conscience sérieuse de la problématique de la sécurité de notre pays à partir de cette date. Sécurité juridique d’abord : est-ce que le Président peut diriger un gouvernement ? Dans quel cadre, il peut le faire ? Est-ce qu’il peut continuer à nommer au pouvoir civil et militaire ? Est-ce que les pouvoirs qui lui étaient d’habitude dévolus vont rester les mêmes ou on va lui appliquer des pouvoirs d’exception ? Nous passons dans une situation d’ «alégalité» que personne ne peut appréhender sérieusement. S’il n’y a aucune décision, Macky Sall va rester à son poste, parce qu’il sait qu’il ne peut pas abandonner la tête de l’Etat du Sénégal dans n’importe quelle condition sinon il sait qu’il sera passible de haute trahison. Il aura lui-même mis le pays en danger parce qu’il aurait dû attendre son successeur. Maintenant, c’est l’exercice du pouvoir dans une situation exceptionnelle qui va compromettre sérieusement la sécurité de notre pays. Quelle sera la valeur de la signature du Sénégal dans le cadre d’un accord international à partir du 03 avril ? Nous sommes dans le flou total et c’est un danger qui guette le pays.

Le président a décidé de saisir aujourd’hui le Conseil constitutionnel, qu’est-ce que les sept sages devraient faire, selon vous ?

Ce que je souhaite, c’est que le Conseil se cantonne dans un délai, ou cantonne la personne qui va être obligée d’assurer cette période de transition à un délai bien connu sans que cela ne remette en cause le processus qui a été déroulé depuis le parrainage jusqu’à la publication de la liste définitive.

Quel commentaire faites-vous des conclusions du dialogue avec la tenue de l’élection le 02 juin, la réouverture partielle du processus électoral?

La réouverture du processus électoral est impossible du point de vue juridique parce que les décisions du Conseil ne sont susceptibles d’aucun recours. Je ne vois pas dans quelle condition, cette réouverture va concerner deux ou trois candidats. Le Président savait que les conclusions du dialogue seraient soumis au Conseil, il aurait dû laisser au Conseil la possibilité de statuer tout de suite sur ces sujets en lui proposant des dates parce que le plus important, c’était d’avoir des dates qui étaient conformes à la décision du Conseil, à défaut dire au Conseil de prendre des décisions sur l’impossibilité de tenir le scrutin avant la période passation de service qui était prévu le 02 avril et en conséquence comme cette période transitoire pouvait être organisée.

Et la date du 2 juin ?

Je pense qu’il est possible de tenir la Présidentielle avant le 02 avril, avant le 02 juin. Il est juste question de bonne foi et de bonne volonté de la part de l’autorité qui a arrêté le processus. Macky Sall est le seul responsable de cette situation et il est le seul capable de sortir une décision qui convienne aux Sénégalais. Ce qui est grave, c’est de créer des pistes de conflits supplémentaires en pensant à réintroduire d'autres personnes dans un processus déjà acté ou en pensant à des mécanismes qui peuvent amener de nouveaux troubles dans le jeu électoral.

Ne pensez-vous pas que c’est juste pour intégrer Karim Wade?

Que ce soit pour intégrer Karim Wade ou quelqu’un d’autre, ce n’est pas légal. C’est le Conseil qui le dit. Tout ce qui peut être fait, ce sont des jeux politiques dont les conséquences seront de monter un politique contre un autre. Quelle que soit notre volonté, quels que soient les subterfuges qu’on trouvera, il n’y a qu’un seul juge des élections et ce juge n’est pas capable de se dédire.

Le ministre de l’Intérieur a parlé d’une possible reprise de tout le processus, ce qui suppose la suppression de la liste des 19 candidats dont vous faites partie, accepteriez-vous cela?

Je ne me projette même pas sur cela. Je me projette sur la sécurité de mon pays à partir du 02 avril. J’ai envie que les Sénégalais soient rassurés par le Conseil qui dira que la sécurité dans nos frontières sera garantie, que la mission de service publique va continuer. Il y a des questions qui remettent en cause la survie de notre entité en tant qu’Etat. Nous ne mesurons pas la gravité de la situation de notre pays à partir du 02 avril.

Le Président Macky Sall insiste beaucoup sur une réconciliation nationale, cela passe par une loi d’amnistie, qu’en pensez-vous ?

Effectivement, une loi d'amnistie est une mesure légale qui vise à accorder un pardon officiel à des individus ou à des groupes pour des actes spécifiques commis dans le passé. Elle est souvent utilisée dans le but de favoriser la réconciliation nationale, de tourner la page sur des conflits passés ou de promouvoir la paix sociale. La philosophie de pardon signifie la prise de conscience par le fautif de sa faute. Il faudrait que les responsables de ces faits soient identifiés, qu’ils acceptent qu’ils ont commis ces faits et qu’ils acceptent humblement de demander pardon. Comment expliquer à un jeune sénégalais qui a été torturé, qu’on va passer pour pertes et profits ce qui lui est arrivé au nom d’une prétendue réconciliation nationale ? Comment expliquer à un Sénégalais qui a vu sa maison brûlée ou ses biens saccagés sans qu’il n’y ait de justice qu’il va falloir passer pour pertes et profits au nom de la réconciliation. Il est crucial que l'amnistie soit mise en œuvre de manière juste et équitable, en veillant à ce qu'elle ne soit pas utilisée à des fins politiques ou pour protéger des personnes responsables de violations graves des droits de l'homme. Une loi d'amnistie ne doit pas servir à garantir l'impunité à ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre ou d'autres violations graves du droit international. Il est donc essentiel que toute décision d'amnistie soit prise avec prudence, transparence et dans le respect des principes de justice et de responsabilité. Une utilisation inappropriée de la loi d'amnistie pourrait compromettre la justice, la vérité et la réparation pour les victimes, et affaiblir la confiance du public dans l'État de droit. Le prochain Président est plus habilité à parler de réconciliation. Le Président actuel ne peut pas réussir cela tout au plus ce qu’il peut avoir, c’est un dégel de la tension. S’il y a eu des tentatives de discussion de différents camps qui étaient en conflit, il faudrait qu’il y ait une posture d’humilité de la part de l’Etat du Sénégal de rendre compte aux Sénégalais.

A qui profite celle loi d’amnistie, selon vous ?

Je ne sais pas. Je pense qu’il va profiter à des gens qui sont en train de discuter et qui ne nous disent pas qu’ils sont en train de discuter.

Qui par exemple ? 

Je ne sais pas. J’ai toujours prôné la libération des détenus politiques. S’il y a des conflits politiques qui ont abouti à la détention de responsables politiques, il faut qu’on les libère.

Vous parlez de la libération de Sonko et de Diomaye ?

Naturellement. Bassirou Diomaye comme candidat doit avoir les mêmes chances que les autres candidats. Il a une offre politique à soumettre aux Sénégalais, naturellement on peut lui accorder la liberté de pouvoir mener campagne.

Des heurts ont éclaté entre pro Sonko et pro Khalifa lors de votre manifestation d’hier, ne pensez-vous pas que cette division risque de perdre l’opposition? 

C’est un événement malheureux, si nous nous trompons de combat ou d’adversaires, nous n’aurons que nos yeux pour pleurer. La démobilisation ou les conflits politiques qu’on va intégrer dans un combat pour le Sénégal vont entraîner une illisibilité des mots d’ordre et conséquemment une démobilisation des Sénégalais. Si on y arrive, Macky Sall sera libre dé dérouler comme il l’entend. Les deux parties doivent pouvoir discuter et nous allons entamer des médiations pour qu’on ne se trompe pas d’objectifs.

Qu’est-ce qui explique la mue de Mame Boye Diao, subitement devenu virulent contre le régime?

Tous les citoyens sénégalais ont été choqués qu’on soit à 10 heures du début de la campagne électorale et qu’on nous dise, c’est arrêté. C’est une insulte qui a été faite à mon pays et qui nous a valu d’être dépeint comme une République bananière par les médias internationaux, qui nous vaut des critiques de gens qui ne devaient pas avoir une position de donneur de leçon envers nous. Nous devons nous battre pour récupérer notre image qui a été écornée par le Président Macky Sall. C’est ce qui fait que les mots peuvent être très durs. Le problème est beaucoup plus grave que nous ne le vivons. Cette situation est très sérieuse et je le dis avec la fermeté qui sied. Il y a des dérives qu’on ne peut pas accepter.

N’est-ce pas gênant pour quelqu’un qui était très proche du Président?

Je n’étais pas avec lui dans un processus comme celui-là. Comme il y en a dans son camp actuellement, si j’étais encore avec lui, je me serais démarqué. Cette insulte à la démocratie que le Président a fait en reportant l’élection est venue consacrer définitivement un bilan immatériel mauvais.

Etes-vous toujours en contact avec le Président Macky Sall?

Oui, il arrive qu’on se parle.

A quand remonte votre dernier entretien ?

Nous nous sommes parlé dans les deux ou trois semaines.

Les discussions ont tourné autour de quoi ?

Vous savez que je ne peux pas parler de ça. Il ne s’agissait pas de discussions politiques. J’ai refusé d’aller au dialogue de façon très véhémente parce que j’ai considéré que si le Président voulait dialoguer, il aurait dû le faire avec les 19 candidats qui avaient été retenus, mais humainement, personne n’a la possibilité de me priver d’une rencontre avec le Président Macky Sall. J’ai été un homme du camp du pouvoir qui a osé clamer publiquement une amitié avec quelqu’un qui était considéré comme l’opposant le plus virulent contre le pouvoir que je défendais. Si je suis capable d’assumer des relations personnelles avec Ousmane Sonko, je ne vois pas qui va m’empêcher d’assumer mes relations personnelles avec le Président Macky Sall. S’il veut me voir en tant que Mame Boye Diao, il me verra avec plaisir, ce soir, chez lui. Mais, sur le processus électoral, il ne pourra me voir que sur la base d’une démarche acceptée par les autres candidats avec qui je partage des fronts.

Qu’en est-il des discussions annoncées avec Amadou Ba?

On se parle. Nous avons partagé une administration et un camp politique et il arrive qu’on se parle. Comme je parle à beaucoup d’autres personnes à l’Alliance pour la république (Apr).

En cas de second tour, pourrait-on s’attendre à votre retour dans le camp de la majorité où le divorce est définitivement acté ? 

Vous pensez que je ne vais pas à ces élections pour gagner. Je pense que je vais être un des deux qui passeront au second tour. Mais, il faut accepter que le Président sortant a un électorat fort, Sonko a un électorat fort, Karim Wade aussi. Naturellement, ces trois-là, leur électorat réuni fait 70 à 80%. Si on va à une élection où ils ne sont pas présents, il peut y avoir un émiettement de l’électorat de sorte que la logique voudrait qu’on aille vers un scrutin à deux tours. Ce qui nous importera, c’est de discuter programme avec les deux qui seront au deuxième tour pour voir où nous pourrions nous orienter pour la défense des intérêts des Sénégalais.

L'Observateur