NETTALI.COM - La question du report ou non de la Présidentielle risque de fracturer l’unité de l’opposition qui peine à avoir une position commune sur cette question. En outre, les partisans du report mettent en avant l'absence d’inclusivité de l'élection, tandis que ses opposants ne veulent d’aucune entorse au calendrier républicain.

La petite musique entonnée depuis quelques mois, invoquant un possible report de laPrésidentielle du 25 février 2024 (Boubacar Camara, leader du Parti pour la construction et la solidarité - PCS/Jengu Tabax et Souleymane Jules Diop) commence à faire des émules dans les rangs de l’opposition. Certains opposants comme Aminata Touré qui, en juin dernier, était opposée à toute forme de report de la présidentielle, semblent avoir changé d’avis, prétextant une volonté de préserver le caractère inclusif de l’élection présidentielle dont le processus de parrainage a révélé de nombreux dysfonctionnements.

Membre du collectif des recalés, l'ancienne Première ministre est l’une des signataires de la lettre adressée au président Macky Sall pour une révision du processus de parrainage. Une initiative qui, de facto, devrait entraîner le report de la Présidentielle. Cette situation a déclenché une crise au sein de l’opposition.

Depuis sa cellule de la prison du Cap Manuel, Ousmane Sonko décide de se démarquer de la liste des candidats recalés qui avaient saisi le président de la République pour lui demander d’intervenir dans le processus en tant que clé de voute des institutions. Le candidat de la coalition Sonko Président réfute toute implication et indique au passage que Macky Sall ne dis- pose d'aucune prérogative, à cette étape de la procédure, le Conseil constitutionnel étant seul maître du déroulement des opérations.

Une affirmation qui ne semble pas passer du côté du Collectif des recalés du parrainage. Ces derniers ont aussi indiqué avoir informé les membres de l’ex-Pastef et que même le directeur de l’école du parti, Moustapha Sarré, a apposé sa signature au bas de cette lettre adressée au chef de l’État.

Report de la Présidentielle, l’arme secrète de Sonko

Selon certains analystes, cette posture du maire de Ziguinchor pourrait avant tout s’agir d’un moyen de pression pour obtenir des garanties concernant la levée des poursuites judiciaires à son encontre et la libération des principaux cadres de son parti dissous.

L’ouverture d’un dialogue inclusif réclamé par une partie de la société civile, notamment Alioune Tine d'Afrikajom Center, pourrait ainsi relancer la candidature de Sonko et lui permettre aussi de recouvrer la plénitude de ses droits civiques et politiques.

Ousmane Sonko ambitionne toujours de se remettre en selle, d’autant plus que la dissolution de son parti a fortement impacté la dynamique de l’ex-Pastef qui possède toujours une force de frappe.

L’opposition est scindée en deux camps : celui des partisans du report et celui de ceux qui prônent le maintien de la date de l’élection. Les premiers mettent en avant un processus électoral biaisé qui ne garantit pas des élections libres et inclusives, surtout après l’introduction des nombreux recours.

En outre, la possible élimination de Karim Wade et des candidats issus de la galaxie de l’ex-Pastef, dont Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye et Cheikh Tidiane Dièye. Tandis que de leur côté, beaucoup d’opposants craignent que le non-respect du calendrier républicain ouvre la voie à une sorte de transition indéfinie et crée une jurisprudence dangereuse pour les prochains régimes.

Une position que partage Khalifa Sall. Selon lui, on ne doit pas attendre à un mois de l’élection pour parler de report. "On ne doit même pas penser à un report de la Présiden- tielle du 25 février 2024, parce que c'est nous tous qui avions donné notre accord sur le Code électoral. Donc, c'est anormal de parler de report (...). Je dis non à un report de l'élection présidentielle de 2024. Ma participation au Dialogue national avait suscité de nombreuses cri- tiques et pourtant, tous les problèmes qui ont été réglés dans ce pays l'ont été par le dialogue. C'était une chance et une opportunité pour résoudre et dépasser des problèmes”, a-t-il déclaré hier lors d’une tournée dans la région de Thiès.

Sans oublier les autres candidats membres de l’opposition comme Anta Babacar Ngom, Pape Djibril Fall qui ne sont pas membres du collectif.

Dans la même dynamique, Ndiaga Sylla, expert des questions électorales, soutient que le processus électoral doit suivre son cours, sauf en cas de force majeure. Les politiques n'en détiennent plus les clés. Il revient aux sept sages de dire le droit, a-t-il fait savoir sur les réseaux sociaux.

Des opposants à couteaux tirés

Selon plusieurs observateurs, cette question du report risque, à terme, de fragiliser l’unité de l’opposition avec des partisans du report et des candidats qui ne veulent pas en entendre parler. Une situation qui renforce la méfiance entre différents acteurs de l’opposition qui se sont distingués par des attaques tous azimuts.

Thierno Alassane Sall, leader de la République des valeurs, tente de faire disqualifier Karim Wade, chef des libéraux, qu’il accuse de ne pas être exclusivement de nationalité sénégalaise. La problématique du contrôle des parrainages a mis en lumière les défaillances sur le système électoral, renforçant un peu plus la méfiance des acteurs sur tout le processus électoral.

De ce fait, une reconfiguration de tout le processus électoral, notamment le parrainage, est nécessaire pour rétablir la con- fiance et la foi des acteurs poli- tiques concernant le système électoral. Une condition sine qua non pour assurer la transparence et la régularité du processus électoral dont l’objectif fondamental est de garantir l’expression du libre choix du peuple et éviter toute contestation post-électorale porteuse de troubles et de violences.

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