NETTALI.COM - Malgré une situation économique tendue, le Sénégal garde la confiance de ce partenaire stratégique qu’est le Fonds monétaire international (FMI).

Le Fonds monétaire international (FMI) a clos, mardi 24 octobre, une mission au Sénégal pour la première revue du nouveau programme économique et financier soutenu par le Mécanisme élargi de crédit (MEC), la Facilité élargie de crédit (FEC) et la Facilité de résilience et de durabilité (FRD).

Entamée depuis le 12 octobre dernier, elle offre une issue positive au pays par l’octroi d’un financement de 166 milliards de francs CFA. La nouvelle a été confirmée lors d’une conférence de presse conjointe de Mamadou Moustapha Ba, ministre des Finances et du Budget, et Edward R. Gemayel, chef de mission du FMI pour le Sénégal, sur les conclusions de la mission.

L’exercice a permis au représentant du FMI d’assurer qu’après validation de son Conseil d’administration, "le Sénégal aura accès à 126 milliards F CFA au niveau de la Facilité élargie de crédit et le Mécanisme élargi de crédit et à un autre montant d’à peu près 40 milliards sur la Facilité pour la résilience et la durabilité qui est liée aux changements climatiques."

L’annonce de ce décaissement s’est accompagnée d’une évaluation de la situation économique que traverse le Sénégal.

Selon Edward R. Gemayel, l’économie peine à reprendre son rythme d’avant la pandémie et plusieurs forces internes et externes continuent d’obstruer la pleine reprise de l’activité au Sénégal. Et cela se traduit par une détérioration des prévisions de croissance et du niveau d’inflation. "Pour 2023, la croissance a été revue à la baisse de 5,3% à 4,1%. Au contraire, l’inflation a augmenté, passant de 3,1 à 6,5 %. La balance des paiements est à 14 % du PIB (produit intérieur brut)", révèle le chef de mission du FMI pour le Sénégal.

Croissance et inflation

Des difficultés qu’élucide le ministre des Finances et du Budget. Pour Mamadou Moustapha Ba, quatre facteurs expliquent la baisse de la croissance en 2023 : "Les conséquences des chocs exogènes (pandémie de coronavirus, guerre en Ukraine, conflit au Moyen-Orient et les conditions sécuritaires dans la sous-région). Ensuite, vient le ralentissement du secteur des services, suite aux tensions socio-politiques qui ont eu lieu en juin 2023, le report de la production du pétrole et du gaz au second semestre 2024."

Le ministre des Finances et du Budget positive en faisant remarquer que dans un contexte de crise globale, le taux de croissance du Sénégal reste supérieur à celui des pays de l’Afrique au sud du Sahara dont la moyenne est projetée à 3,3 %. L’argentier de l’État ajoute que malgré tout, les critères de performance du programme du FMI ont été globalement atteints par le Sénégal.

Les prévisions du FMI ont également été revues pour l’année à venir et les mêmes tracés de courbes se dessinent. Edward R. Gemayel retient que les calculs ressortent des prévisions de croissance de 2024 "en baisse de 10,6 à 8,3 %. Comme en 2023, l’inflation qui devrait augmenter, passant de 2 à 3,9 % dans un an". Toutefois, le déficit commercial devrait baisser à cause des importations dans le secteur des hydrocarbures dont on attend une réduction significative. La balance des paiements est attendue à moins de 8 % du PIB en 2024, prévoit le FMI.

Un surfinancement de 605 milliards F CFA en 2023 pour anticiper sur les élections de 2024

En accord avec les autorités du FMI, le Sénégal a consenti une anticipation de financement sur l’année 2024 d’un montant global de 605 milliards F CFA. Selon le chef de mission du FMI au Sénégal, "l’idée est d’emprunter plus cette année afin de s’assurer que le service de la dette se fera de façon douce pendant les quatre premiers mois de 2024. Ce surfinancement sera compensé par un sous-finance- ment en 2024 de façon à ce que l’endettement des années 2023 et 2024 soit conforme à celui des années normales".

Ce choix intervient alors que la dette du Sénégal est à des niveaux jamais atteints. Les chiffres du FMI tablent sur une dette à 72,2 % du PIB pour le gouvernement central. Si l’on exclut le sur financement de 2023, explique M. Gemayel, "elle sera à 69,2 %. En 2024, elle sera à 65,6 %". Ces statistiques montrent que le Sénégal a dépassé la limite d’endettement permise au sein de l’Union économique monétaire ouest-africaine (UEMOA) qui est de 70% duPIB.

Malgré tout, cette dette "reste soutenable" assure le représentant de l’institution financière, qui est renforcé en cela par Mamadou Moustapha Ba qui assure que le surfinancement n’a rien à voir avec le surendettement. D’après le ministre des Finances et du Budget, "le dépassement du plafond communautaire d’endettement n’est que la seule conséquence du surfinancement de 2023. Ces montants sont inscrits sur la loi de finances initiale 2024 et il est bien précisé qu’ils sont à reporter. Cela s’explique par les difficultés prévues d’accès aux marchés financiers en début de gestion, compte tenu des échéances électorales au Sénégal et du resserrement des conditions de financement à l’international".

Le FMI s’explique sur les subventions

Sur recommandations du FMI, le gouvernement du Sénégal a supprimé 100 milliards F CFA de subvention sur l’électricité. Cela s’est traduit par une grande inflation sur les factures d’électricité. Interpellé sur la question, le représentant de l’institution financière a défendu sa position. "Est-ce qu’on donne des subventions coûteuses et non ciblées à des personnes qui n’en ont pas forcément besoin ou on les réutilise sur d’autres formes d’intervention économique ?", demande-t-il.

Edward R. Gemayel précise également qu’avant les chocs exogènes, le montant des subventions du gouvernement était d’environ 120 milliards F CFA. "En 2022, cela a augmenté au-delà de 700 milliards. Cette année, on est à 550 milliards. Nous pensons que ces ressources peuvent être dépensées sur d’autres investissements que sont les écoles, les hôpitaux, etc. L’idée est également d’augmenter les transferts directs aux populations les plus vulnérables", explique-t-il.

Pour l’année en cours, le ministre des Finances et du Budget renseigne que les subventions restent élevées : 34 % sur l’essence pirogue, 1 115 F CFA sur la bonbonne de gaz ; 295 F CFA sur le gasoil, etc. La réduction va continuer en 2024. Le plan est de baisser ce montant autour de 200 milliards à partir de 2025. En contrepartie, promet Mamadou Moustapha Ba, "il y aura une augmentation d’investissement de 250 milliards en 2024"