NETTALI.COM - Dans ce contexte politique chargé qui préfigure la campagne présidentielle, époque de rivalités politiques par excellence, certains journalistes ont repris du service sur les plateaux télé pour livrer analyses et éclairages à un public sénégalais si friand d’anecdotes et d’infos croustillantes, issues des tranchées de la politique. Et les deux acteurs médiatiques les plus en vue du moment, sont les journalistes Madiambal Diagne et Cheikh Yérim Seck dont les apparitions cycliques dans les médias, sont souvent notées à la veille de grands évènements politiques.

Est-ce une une option de leur part pour gérer leur image de journalistes, en même temps très introduits dans les milieux politiques et très proches des affaires politiques, avec des radars si souvent braqués au palais ? Si ce n'est pas le cas, ça y ressemble fort.

Pour l’heure, c’est Madiambal Diagne qui a remporté la palme d’or de la production d’ouvrages dédiés à la politique, pour en avoir publiés deux en l’espace de trois mois. D’abord, « Ousmane Sonko – Adji Sarr : l’Histoire » (Les confidences inédites de la victime), avec un focus sur la « négation de la dignité » de la jeune femme qui l’a interpellé. Il note aussi cette république qu’il sent menacée, ou cet « Etat agressé » ou encore cette « démocratie prise au cou », déplorant  au passage, un silence coupable de la part de beaucoup de Sénégalais.  Un livre qui n’a pas du tout été tendre avec le leader de Pastef qui en a beaucoup pris pour son grade.

Madiambal Diagne a aussi récemment publié un autre ouvrage : « Macky Sall derrière le masque », « un livre de témoignages » visant à « rétablir une certaine vérité historique » sur les douze années au pouvoir du chef de l’Etat.

De son côté, le journaliste Cheikh Yérim Seck a également fait paraître un ouvrage intitulé « Macky Sall face à l’histoire ». Le livre, tel que résumé fait le bilan matériel de l’actuel président de la République du Sénégal, tout en faisant des révélations sur plusieurs points de sa gestion des biens publics et de ses relations avec les politiques. Entre critiques, reconnaissances, révélations, l’auteur dévoile aux Sénégalais, comme il le dit « ce qui leur était caché et qu’ils ont le devoir de savoir».

Deux ouvrages en somme qui ont la même fonction, celle de rétablir la vérité, sur le personnage Macky Sall et sa gestion du pouvoir.

Dans le cas de Madiambal, à travers l’ouvrage publié par « Les Éditions du Quotidien » (groupe Avenir Communication), l’auteur estime « avoir rendu justice à un homme qui est constamment attaqué, dont la fonction l’empêche d’apporter des réponses » à ses détracteurs. « J’ai rendu justice à ce qu’on appelle […] l’exercice de la fonction de président de la République », a-t-il dit, ajoutant avoir apporté des réponses « à des choses […] totalement fausses », concernant le premier personnage de l’Etat depuis 2012. Madiambal Diagne y  évoque ainsi des « confidences » que lui a faites le président de la République en l’informant, par exemple, en 2019, de sa volonté de faire d’Amadou Ba, l’actuel Premier ministre, le candidat de Benno Bokk Yaakaar à l’élection présidentielle de 2024. Il aborde, parmi d’autres sujets, la « complicité » entre Macky Sall et son épouse.

Un livré d’ailleurs préfacé par le ministre, conseiller en communication du président de la République, Yoro Dia qui a invité les Sénégalais à le lire pour « avoir une autre idée » de Macky Sall, que celles qu’ils ont déjà de lui. « Madiambal Diagne nous invite à faire connaissance avec un Macky Sall sans le masque, Macky Sall côté jardin, côté privé, avec un grand sens de l’humour », a ajouté le préfacier.

Un commentaire de Yoro Dia qui montre sans aucun doute que derrière le travail journalistique que brandit Madiambal Diagne, avec témoignages et recoupements, il y a une réelle volonté de polir l’image de Macky Sall qui termine son mandat. Un acte que l'intéresse confirme lui-même à l'émission "Yoon Wi" sur la RFM. A la question d'Assane Guèye à savoir si le livre n’est pas destiné à polir l’image de son ami Macky Sall, Madiambal assume en déclarant que le but est bien cela, précisant que lorsqu’on note que l’image décrite de la personne ne correspond pas à la réalité, la moindre des choses est de rétablir les faits. Ce qui selon lui n’empêche pas de critiquer et de dire les choses qui ne vont pas dans la gestion de Macky Sall. Quid de l'autorisation après soumission de ses écrits au quitus de Macky Sall avant parution ? Pourquoi n'en a-t-il pas fait autant pour les autres personnages qu'il cite, notamment Aminata Touré, Ousmane Sonko, etc ? Celui-ci de répliquer que quel que soit le cas, l'essentiel est que personne ne pourra contredire ce qu'il a écrit. Bref, avec madiambal on est au sommet des réponses ambiguës.

Mais dans le lot de ceux-là qui ont investi les médias, il y a un troisième journaliste, pas très habitué des médias et qui a aussi fait son apparition dans ce contexte de choix du candidat de Benno. El Hadji Talla. Celui-ci est en effet passé par la radio municipale de Dakar, puis le cabinet de son frère Mamadou Tall et également celui de Boun Abdallah Dionne, alors Premier ministre. C’était d’ailleurs bien curieux de le voir apparaître à l’émission « Toute la vérité » de Fabrice Nguéma sur la Sen TV, alors qu’il avait disparu des radars depuis belle lurette.

Ce que ces trois journalistes ont en commun, c’est d’être tous les trois proches des hommes politiques dont ils parlent. En observant leurs duels à distance, surtout entre El Hadji Talla qui semblait apporter la réplique à Madiambal, l’on peut évidemment se poser des questions sur les agendas en présence. Leurs analyses sont en tout cas loin d’être neutres et les accusations qu’ils se sont lancées sur les plateaux pas du tout fortuites.

El Hadji Talla, journaliste nous a par exemple appris que Madiambal Diagne ne dit jamais de mal d’Amadou Ba, ce d’autant plus qu’il est l’ami de ce dernier dans le cadre d’une relation connue de toute la presse. Talla ne s’en arrête pas là puisqu’il rappelle certains faits d’histoires, notamment « l’histoire des 400 millions que Wade a remis à Thierno Lo et qu’il a partagé avec Madiambal », avant de nous informer que « c’est ça qui a cassé son groupe, les journalistes s’étant sentis « roulés ». S’inscrivant dans une logique de déballage, M. Talla d’ajouter : « On te dit aussi qu’il (Madiambal) a 29.000 m2 et un peu partout au Sénégal et ça c’est Yakham Mbaye qui l’a écrit. Vous imaginez 29 hectares pour un journaliste ? Il a une entreprise de presse et nous savons que les entreprises de presse ne sont pas économiquement rentables.(…), le comparant au passage à Bougane qui détient plus de supports et une agence de communication. Bref.

L’ancien conseiller de Boun Abdallah Dionne avec qui il a maintenu les liens, nous apprend aussi que le livre de Madiambal Diagne ("Macky Sall, derrière le masque"), «  c’est pour charger Boun Abdallah Dionne et vendre la candidature d'Amadou Ba. », faisant remarquer toutefois qu’il y a tellement d’erreurs dans le livre, comme lorsque Diagne dit qu’en 1996, Pape Diop était à la mairie, alors que c’était plutôt Mamadou Diop qui y est resté jusqu’à la délégation spéciale de 2002, Pape Diop n’étant venu que bien après.

La tentative de discrédit de Madiambal Diagne à travers les faits jugés faux qu’il énonce, est manifeste. Et le discrédit sur le discours qu’il tient aussi, est tout aussi visé.

Le journaliste Talla pense d’ailleurs qu’Abdoulaye Daouda Diallo est un très bon profil, estimant qu’Amadou Ba bénéficie de l’appareil d’état. A son avis, « Macky Sall aurait choisi n’importe qui et n’importe qui aurait les faveurs de l’appareil d’état. Et puis il y a ses 2 bases politiques incontestables de Fouta et Fatick. S’il avait choisi Abdoulaye Daouda Diallo, il aurait pu lui donner les mêmes avantages de ses deux bases politiques. Mais Amadou Ba, quelle base politique il a ? Il milite aux Parcelles assainies, ça ne veut pas dire qu’il a une très bonne base électorale là-bas, sinon il aurait pu gagner les élections. Il s’est investi dans la campagne et il n’a pas gagné ». Une manière également de discréditer le candidat Amadou Ba, question de faire savoir qu’il est un candidat qui n’a rien de particulier au fond.

Mais le hic est que derrière les critiques de Talla contre Madiambal, l’on a aussi noté une volonté de défendre Boun Abdallah. « Si j’ai un conseil à donner à Abdallah, c’est d’être candidat. Il n’y a pas un meilleur profil pour conduire les politiques publiques. On a toujours dit que la primature a été supprimée pour incompétence, c’est faux (...). Un incompétent ne fait pas 5 ans à la primature. Au bout de 3 ans normalement, on peut t’enlever. Pendant 5 ans, tu conduis les politiques publiques le Pse, tu délivres, tu donnes et après on dit que tu es incompétent" .

Et troublante coïncidence, Boun Abdallah a fini par déclarer sa candidature, après avoir marqué son désaccord avec Macky Sall qui a tout tenté pour le convaincre de se ranger derrière Amadou Ba. L’on a bien compris que la présence de M. Talla qui apparaît rarement dans les médias, n’était pas fortuite.

Retenons tout de même un signe particulier chez Madiambal Diagne, le patron du journal « Le Quotidien », c’est qu’il se plaît souvent à montrer à qui veut l’entendre qu’il est bien introduit au palais et qu’il prodigue même des conseils au président Sall.

A l’émission « Grand Jury » de la RFM du Dimanche 10 septembre, Madiambal nous a appris qu’il était dans la confidence depuis 5 ans, plus précisément « au lendemain de la présidentielle de 2019 et même avant », alors que « le président Macky Sall était dans une logique de ne pas être candidat pour l’élection de 2024 et avait pensé qu’Amadou Ba porterait les couleurs mieux que quiconque ».

Sauf que dans les faits, l’analyse de bon nombre d’observateurs semble accréditer la thèse selon laquelle Macky Sall cherchait aussi à éviter, entre autres raisons, de se retrouver face à une fronde Mimi Touré et Amadou Ba en même temps, alors que celle-ci venait d’être écartée de la présidence de l’Assemblée nationale après qu’elle a été directrice de campagne, lors de la présidentielle et des législatives passées. Mais comme Madiambal a ses antennes si souvent braquées au palais, accordons lui le bénéfice d’être plus informé que nous autres.

Le patron du « Quotidien » nous a également appris qu’Amadou Ba n’était pas soutenu que par Macky Sall. La première dame aussi, s’est inscrite dans un « soutien constant » à Amadou Ba, comme lors de cette fameuse campagne, où elle l’avait accompagné sur le terrain.

Sur un autre registre, Cheikh Yérim Seck, l’ancien de « Jeune Afrique », ce passé auquel il tient absolument comme à la prunelle de ses yeux, aime à raconter des anecdotes de sa rencontre avec tel ou tel autre président africain.

A l’émission « Faram Facce » du mercredi 20 septembre, Pape Ngagne Ndiaye s’est même permis de lui faire la remarque selon laquelle « son candidat, Amadou Ba en l’occurrence a été choisi », estimant que le journaliste a passé son temps à faire toutes sortes de propagande en faveur du Premier ministre sur tous les plateaux jusqu’à son dernier livre. Réponse de Cheikh Yérim Seck, dans son livre, il y a un chapitre dénommé « le problème Amadou Ba ».

Des contradictions, il y en a d’ailleurs dans ses rapports avec Amadou Ba. Il nous a par exemple informé que la seule personne avec qui il a des rapports privés dans le gouvernement de Macky Sall, est Mamadou Moustapha Ba, actuel ministre des finances et du budget qu’il dit avoir connu alors qu’il « n’était rien », donnant les raisons de sa relation, à savoir qu’il a bon cœur et ne ment pas. Quant à Amadou Ba, nous a-t-il expliqué, il n’a jamais eu que des rapports professionnels qui se résument à vérifier des chiffres et à discuter économie. Sauf qu’à la fin de son raisonnement, Seck nous apprend qu’il a eu une relation privée récente avec Amadou Ba, lors de sa traversée du désert, puisqu’il habite non loin de son domicile. Développant son argumentaire, celui-ci de nous faire comprendre qu’il ne peut laisser des personnes médire sur Amadou en racontant des contrevérités sur d’éventuels complots qu’il ourdit et qu’il les laisse faire alors qu’il sait l’actuel premier ministre honnête, franc et qu’il ne médit pas. Mais Pape Ngagne n’en a pas démordu puisqu’il lui a rappelé que des personnes ont même félicité Cheikh Yérim Seck quand Amadou Ba a été choisi comme candidat de Benno.

Que Cheikh Yérim Seck cherche à nous faire croire aussi, dans ses développements que Marième Faye avec qui il discute depuis plusieurs années, ne s’intéresse qu’à son mari et à ses enfants, n’est pas tout à fait exact. La première dame est une militante de l’Apr qui a à maintes occasions participé à des campagnes électorales, notamment aux Parcelles en compagnie d’Amadou Ba, Mame Mbaye Niang etc et assiste régulièrement à des rassemblements de l’Apr. Bien au contraire, Marième est une femme bel et bien impliquée dans la politique.

Cette même posture, on l’a retrouvée chez Macoumba Bèye de la RFM, qui présent à une récente émission « Jakarloo » sur la TFM, nous a informé qu’ils couvriront l’épisode Benno jusqu’à la fin, étant sûrs que son candidat Amadou Ba accédera forcément au second tour de la président, prenant l’avenir comme témoin. Qu’en sait-il ? Rien du tout. Un argument d’ailleurs fortement combattu par Bouba Ndour qui pense qu’ils doivent médiatiser les autres candidats.

Il n’a pas tout à fait tort ce cher Bouba, sauf que certains quotidiens ont déjà fait le boulot se proposant chaque fois de relayer les déclarations de candidature, d’autres dressant des portraits. Comme Enquête a eu à le faire pour Aminata Touré. Seulement, il faudra attendre l’étape de la campagne électorale après l’étape des parrainages pour traiter les candidats de manière égale.

Toujours est-il que de nos jours, il est courant de voir certains journalistes passer de l’information à la communication, la connivence et une proximité excessive entre le journaliste et l’homme politique, poussant bien souvent le premier à sortir de son rôle qui est de traiter strictement les faits. Il arrive même de plus en plus que des faits soient même manipulés  pour le bénéfice d’un homme politique, sur fond d’un semblant équilibre dans la présentation des faits. Le journaliste n’a certes pas de sens interdit et peut fréquenter tous ceux qui peuvent être des sources crédibles pour lui, mais il doit en même temps s’évertuer à garder une distance critique qui lui permette de pouvoir informer correctement et fidèlement le public. Et surtout éviter de se faire manipuler ou se faire téléguider dans son rôle d’informer.

Le résultat dans ces circonstances, c’est de noter un public dérouté par des analyses qui n’en sont parfois pas. Le journaliste devrait se garder dans tous les cas de servir de caisse de résonance en vérifiant les faits présentés à lui dans certains cas, voire de servir de communicant pour un homme politique en servant de ballon de sonde ou en anticipant sur ses actes futurs à poser dans une logique de mieux faire passer des pilules bien amères à avaler.

Il n y a pas que du côté du parti au pouvoir que le phénomène est rencontré. Les opposants aussi ont « leurs journalistes » qui n’hésitent pas à les défendre ouvertement et à travestir les faits pour eux. Et c’est là que le rôle du Cored peut prendre tout son sens en cela qu’il doit davantage assumer son rôle de gendarme des médias et remettre à leur place tous ces journalistes ouvertement partisans ou ces chroniqueurs et analystes sans envergure qui embrouillent les populations.

Retenons quand même malgré cette volonté de polir l’image de Macky Sall par certains journalistes, il convient de souligner qu’il jouit d’un bon bilan sur le plan des infrastructures et du social à l’intérieur du pays, même si l’on peut discuter du côté structurant de certaines de ses réalisations. Mais reconnaissons tout de même qu’il pêche gravement sur le plan de la gouvernance qui est un gros point noir de son bilan, avec un manque de transparence notoire, une indépendance de la justice tant réclamée et un irrespect des libertés qui sont bien manifestes.

Quant à Amadou Ba qui est censé le remplacer en tant que candidat de la majorité, son image de fonctionnaire milliardaire qu’on lui prête, est bien désastreuse. L’image de sa maison qui circule, avec l’ascenseur dans le salon, l’est tout aussi. Qu’il y ait des journalistes qui le présentent comme l’homme au profil parfait, est un gros problème. Il lui manque, ne l’occultons pas à ce stade, cet atout de la légitimité politique qui seule permet de récolter les suffrages des citoyens. Mais heureusement qu’il existe d’autres journalistes pour livrer des analyses moins tendancieuses et plus conformes que les images presque parfaites qu’on veut bien nous imposer.