NETTALI.COM -  À 10 jours maximum du lancement des parrainages, avec les nuages qui pèsent sur l’éligibilité de leur candidat Ousmane Sonko, l’ex-parti Pastef est de plus en plus miné par le débat relatif à la candidature de substitution, pour ne pas courir le syndrome PDS et Taxawu en 2019.

Quand on met tous ses œufs dans un même panier, lorsqu’il tombe, on risque de tout perdre. À Pastef, de plus en plus, des voix s’élèvent pour alerter, demander que le parti ait d’autres plans pour parer à toutes les éventualités. C’est en tout cas la conviction de Lansana Gagny Sakho, membre du cabinet d’Ousmane Sonko, de l’équipe restreinte chargée de la coordination et du suivi des programmes politiques (Présidentielle, Législatives et Locales) ainsi que du suivi des travaux des commissariats scientifiques. “La folie serait de croire qu’on pourrait empêcher la tenue de ces élections. La rue ne peut plus être une réponse. Il faut dépasser les réactions émotionnelles. Le combat est dans la réflexion stratégique autour de plans A et B et C…”, prévient l’ancien directeur général de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas), convaincu que “des élections auront bel et bien lieu en février 2024 et que BBY n’implosera point comme certains peuvent le penser. “Il faut être naïf pour croire à une implosion de Benno Bokk Yaakaar. L’instinct de survie de ses membres va prendre le dessus sur tout”, analyse M. Sakho, qui estime qu’il faut en finir démocratiquement avec le régime. Au sein de l’ex-parti, cette sortie semble faire plus de malheureux que d’heureux, car elle tranche d’avec la ligne directrice jusque-là défendue par les instances. Laquelle a toujours clamé urbi et orbi que Sonko est le plan de A à Z. Avant Gagny Sakho, une autre forte personnalité du parti, en la personne de Dr Diallo Diop (vice-président chargé du panafricanisme et des questions mémorielles), avait défendu la même position, laissant entendre que Sonko n’est que le chef d’équipe et que même sans lui, le parti répondra à l’appel pour la prochaine Présidentielle. Face à Baye Oumar Guèye de Sud FM, il disait : “… En tout état de cause, Sonko n’est que le chef d’équipe. Et chez nous (Pastef), le chef d’équipe n’est pas un tyran, il n’est pas un despote, c’est un coach, c’est un entraineur, c’est un leader. Il est clair, sûr et certain que Pastef aura un candidat à l’élection présidentielle. Et que nous ferons le maximum possible pour que cette élection ne soit pas reportée.”

Lansana Gagny Sakho : “La folie serait de croire qu’on peut empêcher la tenue de ces élections…”

Loin de cette agitation, la majorité des responsables de l’ex-Pastef s’efforce de rester dans la ligne de communication jusque-là définie par le parti. Ce proche de Sonko, qui ne veut pas commenter ce qu’il considère comme des sorties inopportunes, tient à préciser : “Ce n’est même pas à l’ordre du jour. Le seul candidat A-Z, c’est Ousmane Sonko. Et il reste éligible. On prépare déjà sa campagne.” Embouchant la même trompette, Dame Mbodj, tout en précisant qu’il n’est pas membre de Pastef, mais soutient Ousmane Sonko et sa candidature sans réserve, s’en prend à ceux qui évoquent une telle hypothèse. “Tous ceux qui parlent de plan B ou de plan C, ce sont soit des opposants d’Ousmane Sonko, c’est-à-dire Macky Sall et sa bande, soit une certaine presse qui est favorable au régime, qui fait des titres toujours sur le plan B de Sonko, mais on n’a jamais entendu un responsable connu, autorisé, qui, de façon publique, sort pour dire que Pastef a un plan B. Ce que moi je retiens, c’est que Pastef a fait un communiqué pour dire que c’est Ousmane Sonko leur candidat et jusqu’à preuve du contraire, c’est la seule position qui vaille. Aussi, ils sont même pris dans leur contradiction. Comment on peut nous parler de l’exPastef et en même temps nous parler de plan B de Pastef ?”. À la question de savoir dans quelle catégorie il met Dr Diallo Diop et Lansana Gagny Sakho qui ont posé le débat, il rétorque : “Pour moi, c’est de l’indiscipline. Vous savez, on peut être dans les instances et ne pas être autorisé. Pour l’un, Lansana Gagny Sakho, il vient d’arriver ; il n’a aucune envergure, aucune prérogative de parler au nom de Pastef. D’ailleurs, j’ai toujours dit aux gens de Pastef que je ne suis pas d’accord avec son intégration, mais je n’ai aucune influence sur Pastef parce que je ne suis pas membre. Mais je trouve que c’est une erreur de l’avoir laissé intégrer les instances. C’est mon avis. Pour Diallo Diop, il a toujours été un homme de l’ombre, mais aller sur le terrain pour faire des déclarations aussi lourdes de conséquences, ce n’est pas son rôle.” Très hostile à cette idée de plus en plus agitée dans l’espace public, Dame Mbodj de fustiger : “Certes, ces deux responsables sont de Pastef, mais aucun d’eux n’est habilité pour parler au nom du parti. Quand on parle de Pastef, c’est le président ou les gens qui ont l’habitude de parler au nom de l’organisation, notamment en signant des communiqués. Même si le dernier venu là (Lansana Gagny Sakho) cherche toujours à faire le buzz, il n’est pas une voix autorisée. C’est la même chose pour Dr Diallo Diop qui a toujours été un élément de l’ombre, qui a toujours conseillé Sonko, mais dans l’ombre. Je ne comprends pas pourquoi subitement il sort du lot pour faire des déclarations aussi tonitruantes, parce qu’il n’est pas dans l’opérationnel.”

Dame Mbodj : “Lansana Gagny Sakho cherche à faire le buzz, Dr Diallo Diop a toujours été dans l’ombre. Faire des déclarations aussi lourdes de conséquences, ce n’est pas son rôle.”

De l’avis de Dame Mbodj, ce débat n’a aucune raison d’être, dans la mesure où rien ne s’oppose, à ce jour, à l’éligibilité de son candidat. Car, dans toutes les trois affaires qui le concernent, il n’y a pas de décision revêtue de la chose jugée. Ce n’est ni dans l’affaire Adji Sarr où son arrestation anéantit le jugement par contumace ni dans l’affaire de diffamation contre Mame Mbaye Niang, encore moins pour les dernières affaires pour lesquelles il n’est même pas encore jugé. À la question de savoir s’il n’est pas plus prudent de préparer un autre plan pour participer en cas d’invalidation de la candidature de Sonko par le Conseil constitutionnel, il déclare : “Moi, en tout cas, je suis contre l’idée d’un plan B ; je ne lui conseillerai jamais de chercher un plan B. J’ai l’intime conviction que c’est Sonko qui doit être le seul candidat.” En 2019, le PDS d’Abdoulaye Wade et Taxawu Sénégal de Khalifa Sall avaient opté pour la même solution. À l’arrivée, tous les deux ont été écartés de la course. Si Khalifa avait donné un mot d’ordre pour un soutien à Idrissa Seck finalement arrivé deuxième à l’élection, Wade avait, lui, opté pour la radicalisation et le sabotage du scrutin sur toute l’étendue du territoire. Avant de se raviser et de demander à ses militants de voter pour un candidat de l’opposition selon leur préférence. Pour Dame Mbodj, il ne faut surtout pas comparer le Pastef avec ces partis. “Le Pastef n’est pas le PDS. Ces gens savent qu’aller dans une élection sans Ousmane Sonko qui jouit de tous ses droits, ce sera lourd de danger. Parce qu’une élection présidentielle, c’est des bureaux de vote éparpillés à l’échelle nationale. Il sera extrêmement difficile de battre campagne sans Ousmane Sonko dans ce pays. Comme vous le voyez, tout le pays est ‘sonkorisé’. Ce qui veut dire que c’est Ousmane Sonko qui détient la majorité dans ce pays. Organiser un scrutin sans lui, c’est créer toutes les conditions pour qu’il n’y ait pas une élection sérieuse.”

Ousmane Sonko, la seule constante. Sans lui, pas de profil qui se dégage…

Si plusieurs voix se radicalisent en public, la question est aujourd’hui dans tous les esprits. Les plus téméraires sont convaincus que Pastef a tous les moyens d’empêcher la tenue des élections. Mais d’autres comme Gagny Sakho prétendent le contraire, allant jusqu’à assimiler à de la folie une telle posture. Certains, d’ores et déjà, émettent la possibilité de préparer deux candidatures, dont celle de Sonko. Ainsi, en cas d’invalidation, le parti se rabattra sur la candidature de substitution. En cas de validation, l’autre va se retirer de la course et rallier le Pros. Il faut noter que, quel que soit le schéma retenu, les amis de Sonko, au même titre que BBY, courent de graves risques d’implosion. Déjà, plusieurs noms sont cités dans le cas où le parti devrait se trouver un candidat de substitution. Numéro 2 du parti, Birame Soulèye Diop est souvent ignoré en faveur d’autres profils comme Guy Marius Sagna, Cheikh Tidiane Dièye et, dans une moindre mesure, Abass Fall…

Pendant ce temps, les alliés de Yewwi Askan Wi vont prier de toutes leurs forces pour qu’il n’y ait pas d’autre plan, afin qu’ils puissent en tirer profit comme Sonko et Idy ont tiré profit en 2019 des absences de Khalifa Sall et du PDS. Un scénario qui ne va pas non plus déplaire au candidat de la majorité présidentielle Amadou Ba. À rappeler qu’en 2019, la non-participation du PDS a été interprétée par certains comme un “soutien” de Wade à Macky Sall. Logique pour logique, en 2024, un boycott de Pastef pourrait dans les mêmes conditions être considéré comme un coup de main au candidat de la majorité. Dans la même veine, saboter l’élection, si par extraordinaire un parti le réussit, ne permettrait qu’à maintenir Macky Sall au sommet de l’État et priver les Sénégalais d’un changement.