NETTALI.COM - La révélation du nom du candidat de la majorité présidentielle était attendue. Et ce fut finalement l'épilogue, le samedi 9 septembre au palais de la république. Un fait qui n'a d'ailleurs pas manqué de soulever quelques polémiques quant au choix du lieu pour une activité aussi privée que celle d'une coalition de partis et mouvements politiques. Il y a eu en tout cas du suspens jusqu'au bout. Comme dans cette affaire de candidature de Macky Sall. Et la découverte du nom de l'heureux choisi, n’a pas semblé être une grande surprise.

Des journaux tels que le quotidien d’investigations « Enquête », qui était déjà sûr que le Premier ministre allait être choisi, avait déjà anticipé durant la semaine précédente et s'était posé la question de savoir si le Premier ministre allait rester à son poste de Premier ministre, en cas de choix porté sur sa personne. Mais à l’arrivée le premier à avoir démissionné, fut Aly Ngouille Ndiaye, son rival et désormais ex-ministre de l’agriculture qui a, dans la foulée, écrit au président de la république pour marquer son désaccord quant à ce choix opéré.

Amadou Mame Diop, le Président de l’Assemblée nationale et très proche de la famille présidentielle pour ne pas dire de la famille Faye, s’est lui rangé, sans tambour, ni trompette, derrière Amadou Ba. Il était à vrai dire un candidat sorti à la dernière minute, de la botte du président de la république, sans que personne ne misât vraiment sur lui. Reste maintenant à savoir quelles vont être les postures futures d’Ali Ngouille Ndiaye, d’Abdoulaye Daouda Diallo, de Mahammed Boun Abdallah Dione, de Mame Boye Diao et autres.

Il ne serait en tout cas pas étonnant de voir le désormais ex-ministre de l’agriculture se lancer dans la campagne des parrainages. Et pourtant, chose étonnante, il n y a guère longtemps, il faisait pourtant savoir, lors d'une de ses sorties médiatiques, que « les différents candidats se connaissent bien pour avoir partagé pendant plusieurs années des activités politiques et administratives depuis l’avènement du Président Macky Sall et certains même peut-être bien avant ça ». Il laissait également entendre qu’ils connaissent les enjeux de la prochaine élection présidentielle, estimant que le choix du candidat ne les diviserait pas profondément", soutenant d’ailleurs au passage qu'il ne va pas spéculer sur le choix du Président, avant de conclure que le président Sall n’a pas de raison de ne pas le choisir.

Paroles de politicien ! Ou plus exactement discours d’unité flou pour quelqu’un qui espérait que ce soit lui le candidat, alors que les dés n’étaient pas encore pipés ! Toujours est-il que les velléités de faire cavalier seul de la part d'Ali Ngouille sont jugées risquées, surtout que certains médias annoncent déjà que 16 des 19 maires de du département de Linguère, son fief, comptent soutenir Amadou Ba.

Quant à Abdoulaye Daouda Diallo, reçu par le président Sall, ce lundi 11 septembre, ce dernier si l'on en croit le journal L’AS, a tenté de défendre la pertinence de son choix porté sur Amadou Ba en avançant que ce dernier serait le plus consensuel. Et pour faire passer la pullule, le chef de l’État aurait proposé à son hôte le poste de Premier ministre. La même source souligne que Macky Sall aurait fait savoir à Abdoulaye Daouda Diallo, que s’il accepte l’offre, il sera le chef du gouvernement jusqu'à la présidentielle et gardera le poste si Amadou Ba remporte l’élection.

Le journal L'As rapporte également que le président du Cese aurait décliné l’offre et annoncé qu’il allait se concerter avec sa base pour voir l’attitude à adopter par rapport au scrutin du 25 février prochain. «Il semble camper sur sa position, à savoir se présenter à la présidentielle de 2024. Il pourrait donc démissionner bientôt de la présidence du Cese», prédit le journal qui ajoute que depuis samedi, Daouda Diallo multiplie les concertations, précisant qu’il se serait rendu chez  Aly Ngouille Ndiaye et aurait échangé avec Mahammed Boun Abdallah Dionne et Harouna Dia. Alliances en vue, si l'on se fie au journal ? Difficile à dire.

Le président rencontre en tout cas Boun Abdallah Dione, le mardi 12 septembre pour tenter de calmer le jeu.

Quant à Mame Boye Diao, il a peine eu le temps de déclarer sa candidature pour la présidentielle de 2024, le mardi 12 septembre 2023 qu'il a été limogé de son poste de Directeur général de la CDC qu'il occupait depuis seulement 8 mois, à la faveur d'un remplacement de Cheikh Ahmed Tidiane Bâ parti à la Banque Agricole.

La Conférence des leaders de BBY en phase avec le choix du président est revenu sur les critères fondés sur "les compétences professionnelles, une carrière diversifiée, des fonctions déterminantes et transversales dans l'État", citant le président Macky Sall. Une décision qu'elle dit aussi motivée par les qualités d'humilité, d'écoute pour diriger, pour rassembler dans Benno et au-delà de Benno, ici et dans la diaspora. Pour ceux-ci, aux yeux du chef de l’État, Amadou Ba pourrait être un leader rassembleur au sein de son parti, de la coalition et au-delà. Macky Sall, l'ancien ministre de la justice souligne également que le Premier ministre connait bien le Plan Sénégal émergent (PSE) pour assurer la poursuite des politiques économiques, sociales et environnementales.

Le très introduit journaliste Madiambal Diagne qui a ses radars souvent braqués au palais, a sa lecture sur ce choix. A l’émission « Grand Jury » de la RFM du Dimanche 10 septembre, il nous a appris qu’il était dans la confidence depuis 5 ans, plus précisément « au lendemain de la présidentielle de 2019 et même avant », alors que « le président Macky Sall était dans une logique de ne pas être candidat pour l’élection de 2024 et avait pensé qu’Amadou Ba porterait les couleurs mieux que quiconque ». Sauf que dans les faits, l’analyse de bon nombre d’observateurs, semble accréditer la thèse selon laquelle Macky Sall cherchait aussi à éviter entre autres raisons, de se retrouver face à une fronde Mimi Touré et Amadou Ba en même temps, alors que celle-ci venait d’être écartée de la présidence de l’Assemblée nationale après qu’elle a été directrice de campagne, lors de la présidentielle et des législatives passées.

Madiambal Diagne ne s’en est pas arrêté là. Pour renforcer le choix de l'actuel PM, il a considéré que Boun Abdallah Dionne n’aurait pas pu être le candidat de Macky Sall, alors que celui-ci avait noté ses limites en tant que Premier ministre au point même de supprimer le poste.

Amadou Ba n’était pas soutenu que par Macky Sall, selon Madiambal Diagne. La première dame aussi, nous a -t-il appris, s’est inscrite dans un « soutien constant » à Amadou Ba, comme lors de cette fameuse campagne, où elle l’avait accompagné sur le terrain. Marième Faye recevait des émissaires d’Amadou Ba et lui en envoyait aussi. Une manière pour le patron d’Avenir Communication d’accréditer les bonnes relations et le soutien réciproque entre les deux. De même, relate celui-ci, Amadou nommé au poste de ministre du pétrole qu’il redoutait pour sa dépendance au ministère des finances, avait vu la première dame intervenir pour qu’il soit envoyé aux affaires étrangères. Bref, de quoi accréditer la cote d’Amadou Ba auprès du couple présidentiel et qui justifie ce choix actuel.

L'actuel premier ministre de Macky Sall a des qualités, pour le commis de l’Etat qu’il est pour avoir trôné  à la tête de la Direction générale des impôts du Sénégal, mais aussi pour avoir été ministre des finances et des affaires étrangères, sans oublier celui actuel de Premier ministre. Ce qui veut dire d’une certaine manière qu’il a eu à se frotter aux finances et à la diplomatie, tout en se dotant d’un bon carnet d’adresses auprès des partenaires économiques et financiers. Il a aussi des qualités humaines reconnues, en plus de celles d'humilité et de personnage à l'écoute. Image surfaite ou discours de flagorneur ? Toujours est-il que l'homme est aussi décrit comme un faux doux et mou, en plus d'être endurant et surtout un fin manoeuvrier qui sait avaler des couleuvres, pour le punching ball qu'il a été longtemps dans son propre camp où il a souvent fait l'objet d'attaques.

Limogé du gouvernement, Amadou Ba l'a été en raison de ses ambitions présidentielles présumées. À l’époque déjà, beaucoup n’avaient pas compris son mutisme, alors même que la plupart de ses amis victimes de la même sanction, s’étaient fait entendre par tous les moyens.

Quid des ses rapports avec le président ? Dans son livre "Macky Sall face à l’histoire...", le journaliste Cheikh Yérim Seck revient sur les rapports en dents de scie entre lui et le président Sall. "Il y a, entre Macky Sall et Amadou Ba, quelque chose comme un avis de tempête permanent. Les rapports entre ces deux personnages nés la même année, mais qui ne se connaissent pas et ne se sont rencontrés qu’à la faveur de leur collaboration au sein de l’État, suivent, à l’image de la météo, les caprices du temps, des vents, des températures..."

Dans son ouvrage, Cheikh Yérim Seck estime que "le président et son Premier ministre ne s’aiment pas et ne se font pas mutuellement confiance". Cependant, disait-il, chacun, de son côté, s’est évertué à faire "les efforts nécessaires pour ne pas atteindre le point de rupture". "Ils ont été fatalement amenés, plus d’une fois, à une cohabitation dictée par des situations politiques objectives", soutient le journaliste-écrivain.

Continuité du PSE, changement de paradigmes, ou combinaison ?

Mais en fin de compte, Amadou Ba ne peut être qu'en partie soulagé. Comme les autres candidats de Benno, il ne jouit pas encore de cette légitimité populaire qui est un gros handicap, et auquel il faudra vite remédier grâce non seulement à la carte de l'unité et une machine Benno qui devra travailler à lui acheter une popularité puisqu'un de ses atouts au fond, est d'avoir su se doter d'une image médiatique, du fait d’un réseau tissé de longue date dans la presse.

Ce qui veut dire que s’il veut se lancer dans une course loin d’être gagnée du fait d’une opposition qui n’a pas dit son dernier mot, il ne devrait juste pas se contenter d’assurer la continuité de la vision de son prédécesseur, au moment où beaucoup évoquent une continuité axée sur le Plan Sénégal Emergent dont il a défendu la stratégie en 2014 devant les bailleurs.

Amadou Ba devra nécessairement apporter des améliorations dans ce plan, non seulement, parce qu'on le voit mal abandonner le Pse en plein vol, mais il devra en plus apporter sa touche personnelle. Rappelons que même si Macky Sall, comme il a eu à le dire, mènera une campagne active pour accompagner le candidat de manière à faire peser son équation personnelle, cela ne devrait pas suffire pour faire triompher la coalition Benno.

Amadou Ba devra marquer son empreinte et évoluer dans la gouvernance qui reste un gros point noir dans la gestion de Macky Sall et même de ses prédécesseurs.  D’autres chantiers et pas des moindres l’attendent, s’il veut réellement se démarquer de son prédécesseurs sans toutefois tout renier : la lancinante et cyclique question de l’’immigration clandestine, le secteur du transport à réformer et à organiser, la réforme des institutions à opérer, le pouvoir d’achat des Sénégalais à reconquérir, les problèmes d’assainissement à résoudre, la corruption à combattre, les problèmes d’emploi des jeunes à résoudre, la gestion des entités publiques à revoir, la modernisation de l’administration à engager, la réforme du secteur des transports à entreprendre, l’équation du désert industriel du Sénégal à effacer - avec l’industrialisation du pays à entreprendre pour transformer nos produits locaux et nos ressources minières et énergétiques plus capables d'absorber la main d’oeuvre-, le changement de paradigmes dans la gestion des ressources minières et énergétiques,  le Secteur primaire à booster, etc. Autant de chantiers et pas des moindres.

L’ancien premier ministre, Mimi Touré qui mesure bien les enjeux de cette présidentielle et qui a une revanche à prendre sur ses anciens alliés, est d’ailleurs bien pressée d’en découdre, qu’elle commence déjà à titiller son successeur à la tête de la primature. Elle cherche à 4 mois de la campagne, à « confronter les idées, les programmes et les pratiques de ceux et celles qui prétendent diriger notre pays ». C’est dans ce sens qu’elle a proposé « sans délai, un débat avec le Premier Ministre Amadou Ba, candidat de Benno Bokk Yakaar, débat public à organiser par la presse sénégalaise avec invitation de la presse internationale»

Tout cela pour dire que l'actuel PM est attendu au tournant. Que Madiambal Diagne veuille bien nous dire qu’Amadou Ba a obtenu les meilleurs résultats en tant que ministre des finances, ne signifie pas que le programme Sénégal Emergent (Pse) ne connaisse pas des failles, comme sur le volet capital humain qui a une importance déterminante dans tout programme de développement et qui n’a pas été malheureusement placé au centre. De même que la lancinante question de la réforme de la justice, capitale pour le climat des affaires, ainsi que la modernisation de notre administration caractérisée par la lourdeur et une incapacité à booster et à accélérer les projets du gouvernement engagé dans le PSE.

Amadou Ba a en effet beau avoir été aux affaires en passant par les impôts, les finances et les affaires étrangères et enfin à la primature, il reste que pour pouvoir arriver à être reconnu comme un vrai candidat, il devra rompre avec ses méthodes du passé qui ont consisté à communiquer sur des records de financements fortement relayés  par des médias aux aguets et pressés de lui faire plaisir. Ce n'étaient que des dettes que les générations futures vont rembourser. Il faut bien aussi qu’il sorte de cette gestion stéréotypée et routinière de notre économie et de nos finances qui se résume à la collecte de l’impôt, des recettes douanières et à la vente de nos ressources et autres bijoux, avec des records à la clef, signes d'une économie qui étrangle les citoyens et tributaire des importations.

Un changement de paradigmes, voilà ce qu’il lui faut. Ce qui passe par une lutte active contre la corruption, une augmentation de l’assiette fiscale en réduisant drastiquement cette part de l’informel dans notre économie et qui constitue un manque à gagner énorme pour nos finances, mais surtout par une réforme des institutions, en particulier de la justice afin de rendre celle-ci plus indépendante et surtout moderniser une administration trop lourde, synonyme d’inefficacité.

Il devra surtout rompre avec le manque de transparence toujours dénoncé avec son cortège de dossiers mis sous le coude, de lenteurs notées dans la gestion des dossiers judiciaires des fonds du covid, l’incursion de la famille et des copains dans les affaires de l’Etat, l’impunité dont bénéficient des pontes du régime, l'opacité observée dans certains marchés de l'Etat, etc. Autant de sujets qui ont affecté le magistère Sall et avec lesquels devra chercher à rompre Amadou Ba.

Entre étape du parrainage et présidentielle ouverte

Car alors, au regard du nombre de candidats qui risquent de se présenter à la présidentielle, à la condition de passer l’étape du parrainage, ce sera du programme contre programme, à condition que la presse joue son rôle qui est de susciter des débats programmatiques, économiques, financiers, sportifs, culturels, sociaux, etc.  Mimi Touré « exhorte ainsi la presse à contribuer à faire de l’élection présidentielle  de 2024 un choix de programme et d’éthique parmi tous les candidats déclarés».

 Beaucoup de réactions favorables ont en tout cas été enregistrées dans les rangs de Benno, certains relevant l’expérience et le caractère complet du background du premier ministre. En effet entre les déclarations en vue de sceller l’unité, les postures d’allégeance, de positionnement pour le futur pour ne pas dire opportunistes, C’est Amadou Ba qui a du pain sur la planche. Déjà des boules puantes commencent à être balancées, remettant en cause sa probité morale avec ces histoires racontées sur son passé et sa fortune supposée. Il va lui falloir pouvoir trouver la bonne carapace et les contrefeux nécessaires pour se faufiler dans cette jungle de la politique où tous les coups sont permis.

 Pour Macky Sall, "la victoire est à portée de main". Face à des journalistes, lors d’une réunion au palais de la République, il a fait savoir que sa coalition est largement majoritaire dans ce pays. « Le seul défi, à son avis,  c’est l’unité », espérant que le message a été très clair et que les leaders se sont engagés dans cette voie"

Pour une présidentielle, celle-ci est en tout cas partie pour être la plus ouverte de l’histoire du Sénégal, d’où peut sortir vainqueur, un candidat inattendu. Mais l'opposition avec sa pléthore de candidats, devra d'abord sortir de l'écueil du parrainage et surtout comme Benno, vendre un vrai projet aux Sénégalais si elle veut pouvoir charmer. Pastef même dissous n'a pas dit son dernier mot. Deux visions s'y affrontent avec Sonko toujours candidat d'une part et vision qui évoque la question du plan B. Mais entre les deux, il y a l'esprit Pastef qui est toujours vivace malgré la dissolution du parti et que beaucoup agitent pour surtout faire allusion à des sanctions contre le candidat de la majorité.