NETTALI.COM - Dans nos chroniques passées, nous évoquions les tares d’une certaine presse bien sédentaire à notre goût en plus d’être devenue une simple caisse de résonance. Pour un métier qui demande de l’investigation et de la transpiration, la couverture de l’actualité de la semaine dernière semble nous donner raison.

Beaucoup de nos journalistes ont opté pour le spectacle. On aurait par exemple aimé connaître les bénéficiaires des semences et les quantités distribuées dans le but de vérifier les propos de Moustapha Cissé Lô.  Mais, en lieu et place, le mercredi passé 11 décembre, les journalistes ont préféré nous servir une soirée déballage : Sur la TFM, Pape Ngagne Ndiaye faisait face à Farba Ngom ; sur la Sen TV, Pape Alé Niang avait invité Moustapha Cissé Lô ; et sur la 7 TV, l’invité de Maïmouna Ndour Faye était Youssou Touré ; le lendemain jeudi, c’était au tour de Moustapha Diakhaté d’être invité à « 7 à débattre » de la 7 TV en compagnie d’Assane Samb, journaliste et d’Assane Ba du Pds. Mais que pouvaient vraiment ces journalistes comme information ? Sinon que leurs invités alimentent de nouvelles querelles, de nouvelles polémiques. Bref répéter ce qu’ils ont déjà dit sur d’autres plateaux, tant ils rythment la vie des médias depuis quelques temps.

Mais heureusement qu’il y a une éclaircie dans cette grisaille. Sur les sujets brûlants du moment, Mamoudou Ibra Kane d’ITV a initié des Editions spéciales aussi bien sur la question des semences que sur celle de l’eau et de l’électricité, créant ainsi des débats contradictoires avec des experts et acteurs de ces domaines.

Pour un mercredi en tout cas, le dîner servi était bien difficile à avaler, tant il avait un goût trop salé et épicé. Que de propos déplacés ! Une ambiance de cabales politiques et de déballages a envahi les salons des Sénégalais et indisposé tout le monde. Des propos signés par des apéristes et pas des moindres. Ceux-là de la première heure. Moustapha Cissé Lô, Farba Ngom et Youssou Touré nous ont livré un spectacle de charretiers où se mêlent chantage, insultes, dé, réclamation de prébendes, discours légitimiste. S’agissant de Youssou Touré, rien de nouveau sous le soleil, il nous a habitués à cela, à chaque fois qu’il s’est senti hors-jeu ; Moustapha Diakhaté, le seul à se départir de ce discours insolent et qui a toujours eu la sympathie du grand public pour son franc parler et une relative indépendance, nous a joué le coup de la rébellion en se posant désormais comme un détracteur de Macky Sall au sein de l’Apr. Il ne va quand même pas nous faire croire que c’est après seulement un septennat qu’il découvre, comme par enchantement les tares de la gouvernance du Président Sall.

Mais celui qui aura le plus surpris son monde, c’est Yakham Mbaye ! L’homme qui a depuis l’éclipse Mambaye Niang, pris la place de bouclier de Macky Sall. Une posture que ne comprend d’ailleurs pas Mamadou Thierno Talla qui s’est demandé à l’émission « Angle d’attaque » du samedi 14 décembre d’ITV « pourquoi Yakham se rabaisse à ce niveau alors qu’il n’est pas le porte-parole du Président de la république ».  Une attitude d’autant plus incompréhensible que la VAR a permis de remettre au goût du jour, ses propos accablants contre celui qu’il défend aujourd’hui. Yakham, un sacré personnage qui se débat aujourd’hui dans une sorte d’incompatibilité fonctionnelle entre sa profession de journaliste (fondateur du journal Libération et actuel DG du Soleil) et de militant de l’Apr.

Et que penser du terme « griot » évoqué au cœur de la république. Une attaque contre Farba Ngom dans le but de lui faire mal ! Et bien parlons de ce cher Farba, cet électron libre au cœur de la république dont on se demande la raison de sa présence ! Il a en tout cas insulté Moustapha Cissé Lô. Le dossier Penda Ba est frais dans nos mémoires !

Moustapha Diakhaté nous a appris à l’émission « 7 à débattre » qu’interpellé par un de ses amis, un jeune qui l’abreuvait d’insultes sur les réseaux sociaux, celui-ci a répondu qu’il a été recruté par Mahmoud Saleh, suite à une décision de Macky Sall. Vrai ou faux ?

Les accusations de Moustapha Cissé liées à des affaires de drogue, de semences distribuées à des membres de l’Apr, ou de millions confiés à Yakham pour gérer la presse, doivent faire mal à Khalifa Sall. Mais que fait la police ? Pardon le procureur ?

Il règne en tout cas une atmosphère bien puante mais surtout de cabales politiques depuis qu’a été évoquée la question de la succession de Macky Sall dans laquelle des personnes sont citées, sans que les auteurs ne soient sûrs de ce qu’ils avancent. Fantasmes quand tu nous tiens !

Mais l’ambiance du moment est d’autant plus électrique dans ce contexte de hausse de prix, puisqu’on cherche à électrocuter la Senelec. Dans ce dossier aussi les journalistes n’ont pas pleinement joué leur rôle. Il y a comme une sorte d’inertie de leur part. Loin de vouloir leur apprendre leur métier, ils devraient sortir des rédactions et aller à la source de l’information parce que beaucoup d’amalgames ont été à cet effet entretenus. Ils ne doivent pas tomber dans l'émotion et hurler avec les loups, même si en tant que clients de Senelec, ils sont concernés. Le métier de journaliste a ses exigences qui sont de garder une distance froide , du recul et une distance critique. Et pourtant, à la vérité, il suffisait juste, pour lever certains amalgames et informer vrai, sans tomber sous le coup de l’émotion, d'interroger des comptables, experts comptables, ingénieurs en électricité, syndicalistes, autres spécialistes de l’énergie et en particulier des commissaires aux comptes et administrateurs de société pénalement responsables des états financiers (résultats financiers) et qui n’ont pas intérêt à cautionner des résultats financiers faux.

Il n’y a par exemple pas de lien entre les bénéfices comptables enregistrés les années passées et la hausse actuelle, étant entendu que chaque année est un exercice à part entière sur laquelle, on calcule les bénéfices ou les pertes. Senelec peut en cas de bénéfice, soit décider de les réinvestir en partie ou en totalité dans l’entreprise ; ou les partager en totalité ou en partie entre les actionnaires. Dans le cas de Senelec, il a été enregistré des bénéfices de 12 milliards en 2015, puis de 30 milliards en 2016, 36 milliards en 2017 et 32 milliards en 2018. Et même à supposer que la Senelec décide de réinvestir par exemple 32 milliards de bénéfices dans l’entreprise, les arriérés qui sont une dette de l’Etat due à Senelec, sont une écriture comptable. De l’argent que l’entreprise doit encaisser et qu’elle n’a pas pour le moment encaissé. Cela ne change donc rien au fait qu’il y a un bénéfice qui ne suffit toutefois pas pour réaliser tous les investissements de Senelec. Il faut juste que l’Etat paie ce qu’il doit. Sinon ce sera un manque à gagner que l’entreprise devra combler en allant emprunter de l’argent dans les banques avec des intérêts. Nous n’avons aucunement ici affaire à une crise. Abdoulaye Daouda Diallo a volontiers admis cela. « La dette de l’Etat à la Senelec est totalement réglée et nous avons, dans le budget 2020, 113 milliards franc CFA pour éponger les arriérés qui ont été constatés, avec pour obligation de ne pas reconstituer d’impayés pour 2019 », a précisé celui-ci lors de la récente session budgétaire.

La hausse actuelle (ou la baisse de 2017) n’est donc en réalité que la résultante du moins perçu ou du surplus de revenus calculé par la Commission de Régulation du Secteur de l’Electricité (CRSE) au début de chaque trimestre et les éléments exogènes dont les variations observées sur le taux de parité du dollar, le prix du baril de pétrole et le taux d’inflation. A noter que le combustible qui représente entre 50 et 60% des dépenses de Senelec est acheté en dollar dont la valeur a augmenté par rapport au FCFA sans oublier le prix du baril qui lui aussi, a augmenté.

Il n’existe pas non plus de relation entre l’excédent de production vendu aux voisins et la hausse du prix de l’électricité actuelle. La Senelec a bien sûr déjà vendu de l’électricité au Mali, par solidarité lors du sommet de la francophonie au Mali ; continue de vendre à la Gambie, depuis l’arrivée de Barrow au pouvoir avec un souci de le soutenir. Ce que ceux qui avancent cet argument ne savent peut-être pas, c’est que la Senelec ne peut pas disposer uniquement ce dont elle a besoin en terme de capacité de production ; elle est obligée d’installer bien plus pour pouvoir palier éventuellement à l’arrêt de certaines machines en cas de révision ou de panne. Aujourd’hui la demande maximale en 2019 se situe autour de 700 MW alors que Senelec dispose de près de 1.200 MW de capacité installée. Ce d’autant plus que l’énergie ne se stocke pas. La constitution de cette marge est une sécurité pour notre pays et il a fallu donc investir pour cela.

De même un site d’informations citant la RFM, à tort ou à raison, a relevé que « la Senelec a soigneusement caché qu’elle louait une barge turque depuis 6 ans (c’est-à-dire depuis 2013) pour assurer la distribution de l’électricité aux Sénégalais. Une solution qui avait été préconisée par le plan Takkal de Karim Wade. » Une information évidemment fausse puisque ce bateau a été loué par Senelec, il y a environ deux mois pour combler la puissance indisponible, suite à la panne de la centrale à charbon de Sendou depuis le début de l’été. Une information d’ailleurs publique relayée par la RTS et des médias privés et vérifiable sur Google.

En tout cas beaucoup de contrevérités sont distillés ça et là. Le secteur de l’électricité nécessite en effet d’énormes investissements car de nouvelles villes sont érigées, des villages sont électrifiés, des réseaux doivent être interconnectés et les réseaux vétustes remplacés en plus d’une demande qui augmente. C’est en effet grâce à ses investissements consentis que les délestages ont quasiment disparu et que les groupes électrogènes ne se vendent plus.

Rien de bien alarmant donc et c’est la raison pour laquelle, le Sénégal n’est pas retourné à l’ère des délestages où des bateaux qui attendaient au large de Dakar pour être déchargés après paiement de la cargaison.

Lorsque l’Etat ne paie pas ses dettes, c’est comme si plusieurs milliers de clients décidaient d’un coup de ne pas payer. Comment fonctionnerait la société alors ? Elle n’aurait d’autre choix que d’aller s’endetter auprès des banques. Comme l’affirmaient si bien des journalistes sur le plateau de Walf TV, l’Etat a ouvert trop de chantiers (TER, BRT, Autoponts, etc) nécessaires peut-être pour certains et budgétivores pour d’autres.

Des arguments certainement sur lesquels se fondent ces activistes, syndicats, étudiants, membres de la société civile, etc pour s’insurger contre la hausse du prix de l’électricité.

Pour une mobilisation c’en a été une puisqu’il a été noté une jonction de toutes les forces sociales et syndicales. Vendredi 13 décembre, à la marche de « NOO LANK », Mamadou Moctar Sourang, coordonnateur du Front de résistance nationale-le cadre unitaire de l’opposition sénégalaise n’écarte pas le scénario d’une nouvelle jonction entre politiques et syndicats « Nous avons discuté et décidé de faire une jonction entre les politiques, les syndicats et la société civile. Ce combat va se gagner dans la durée, mais aussi dans l’intelligence. Ce que veut le gouvernement, c’est un plan d’ajustement structurel qui ne dit pas son nom. Ceci est un recul. En plus de l’électricité, ils veulent augmenter le prix d’autres denrées, privatiser des sociétés nationales et d’autres mesures. Si le gouvernement veut renflouer ses caisses, il n’a qu’à aller dans la bourse des plus riches, des voleurs, pas les miettes des ‘baadolo’ (pauvres). Il faut diminuer le coût de l’électricité. Il faut libérer les personnes détenues. Cela ne nous découragera point », a déclaré celui-ci.

La question est maintenant de savoir si cette marche pourra faire reculer le gouvernement sur la hausse du prix de l’électricité et permettre de libérer Guy Marius Sagna et Cie ? Une autre question est de savoir si cette manifestation pourra tenir sur la durée ? Pour l’heure, Fadel Barro a proposé une évaluation avant d’entrevoir d’autres étapes.

Macky Sall, va-t-il remettre en selle le dialogue national en panne ? A l’émission « Ndoumbélane », Fadel Barro a dit une chose claire, il ne faut pas que la société civile serve de faire valoir au dialogue pendant que Macky Sall tisse sa toile. « Tout le monde sait que les problèmes du Sénégal sont des problèmes de séparation de pouvoir, de fichier électoral, de mode de scrutin car les populations ne veulent plus des députés et des maires qui n’ont pas élus ».« On ne peut pas trouver mieux. Ce qu’il a pu trouver, c’est de récompenser Amadou Makhtar Mbow, le jour de son anniversaire en disant qu’il ferait un mandat de 7 ans à la place de 5 ans. », a souligné l’activiste. Sacré Macky, il a plus d’un tour dans son sac. Reste à voir comment tout cela va évoluer. Ne dit-on pas que le temps est le meilleur juge ?