NETTALI.OM - Nous ne cesserons jamais de le répéter. Tant que nous ne réformerons pas nos institutions, eh bien, notre environnement politique sera toujours et toujours aussi miné par des contestations et tensions politiques aux conséquences imprévisibles. Emprunter la direction des bonnes réformes, voilà ce qui pourrait dans le temps simplifier la vie de l’opposant et faire faire un bond à notre démocratie. 

L’histoire politique du Sénégal nous a suffisamment prouvé que, de Mamadou Dia en passant par Abdoulaye Wade, Macky Sall, Khalifa Sall, Karim Wade et Ousmane Sonko, tous les opposants ont eu leur dose de galères et de persécutions. Si seulement les opposants pouvaient apprendre de leur passé pour ne pas avoir à reproduire les mêmes travers que leurs prédécesseurs ?

Le virage de la démocratie du Sénégal, on l’a surtout raté, alors que les Assises nationales sous la houlette des Mbow, Dansokho, Bathily, Niasse, Ousmane Tanor Dieng, etc avaient permis de produire un document de référence en termes de réformes, tant dans leur démarche inclusive que dans l’approche discursive.  Juste pour rappeler que nous étions en effet à 4 ans de la Présidentielle de 2012. Le président Macky Sall voulait supplanter Abdoulaye Wade. A l’époque, le débat était circonscrit dans le salon de feu Amath Dansokho et les cerveaux étaient bien occupés par la rédaction d’un rapport de synthèse, achevé le 24 mai 2009 et qui abordait la plupart des problèmes auxquels le pays est confronté, en termes de droits de l'homme, de corruption, de boulimie foncière et d'une Charte de la gouvernance démocratique pour jeter les bases d'un développement durable et construire un nouveau paradigme d’une gouvernance plus saine et plus vertueuse de la politique. Tout cela pour dire que l’esprit du 23 juin n’est pas tombé du ciel. C’était bien le fruit mûr d’un processus mené avec une très grande finesse par l’opposition d’alors et la société civile.

Ce sont le consensus et l’éthique discursive qui avaient prévalu, loin du bruit. Dans la transpiration à la fois physique et cérébrale. Les Assises nationales, faut-il le rappeler, avaient fini de produire leurs conclusions au terme d’un travail titanesque de franges entières de la société, dans une approche inclusive.

On notera, à l’époque, que les « vieux » briscards de la politique, dont la plupart ont flirté avec le marxisme-léninisme, étaient bien de la place. Le symbole, ce fut Amadou Makhtar Mbow intronisé au Méridien-Président dans une salle archi-comble. Une performance politique qui déroutera Me Abdoulaye Wade au point de lui faire perdre son sang-froid. Gorgui passera en effet le reste de son mandat à s’attaquer au Vieux Mbow, qui le distraira à souhait.

Tout cela pour dire qu’une démocratie ne peut se suffire d’alternances acquises après des années de luttes et des processus électoraux chaotiques. Pour mériter le statut de démocratie digne de ce nom, il faut bien plus. Me Wade, n’a-t-il pas toujours revendiqué des victoires usurpées face à Abdou Diouf ? L’on nous chante de plus en plus une impossibilité à truquer des élections au Sénégal. Admettons soit, mais le processus ne fait-il pas toujours l’objet de contestations, même si l’on a récemment, à l’issue du dialogue national, adouci les modalités du parrainage et corrigé quelques insuffisances. La pléthore de candidats justifie d’ailleurs fortement le procédé, mais à la condition que le contrôle soit strict et sérieux.

Si ce ne sont des questions de parrainage que l'on conteste, eh bien, ce sont des questions de carte électorale liées à un découpage polémique, voire même à des délais courts d’inscriptions sur les listes électorales etc. Bref il est loin d’être un long fleuve tranquille l’apprentissage de la démocratie version sénégalaise.

Notre démocratie pour qu’elle puisse enfin connaître un saut qualitatif, doit rapidement réformer ses institutions avec une place centrale pour une réforme de sa justice, un pilier essentiel, en cela qu’elle sert d’arbitre entre les hommes politiques dans la mesure où elle est jugée par ceux-là mêmes, comme trop favorable à tort ou à raison, aux pouvoirs en place.

Les Assises nationales, comme base...

Les recommandations issues des Assises nationales sont de ce point de vue une bonne base qu’on peut améliorer, adapter pour arriver à quelque chose d’utile. Diminuer les pouvoirs du procureur en mettant en place, un juge des libertés et de la détention comme en France ; casser la tutelle de l’exécutif sur le parquet ; supprimer toutes ces lois jugées liberticides et qui lient les juges d’instruction ; réformer le conseil supérieur de la magistrature ôté du président de la république et le ministre de la justice, tout en y adjoignant d’autres acteurs de la justice en dehors des magistrats (moule de magistrats rejointe par des professeurs de droit, des avocats, notaires etc). Autant d’innovations pour mieux gérer la carrière des magistrats et le fonctionnement de la justice.

Mais là ne sont pas les seules innovations à apporter puisque les autres institutions devront elles aussi, opérer leurs mues. L’assemblée nationale, dans sa composition, compte 90 députés issus de la liste majoritaire et 75 de la liste proportionnelle. La qualité de la représentation nationale réside donc plus, non pas dans l’élection d’un groupe de députés composé à partir d’une liste confectionnée par le président de la république sur des bases subjectives, voire affectives, mais bien à travers un mode de scrutin qui permette de favoriser l’émergence de députés de qualité. La proportionnelle en l’occurrence pourrait être appliquée, augmentée en termes de représentation et appliquée plutôt au niveau national (contrairement à la liste majoritaire), surtout qu’un député, une fois élu, devient un député du peuple et non celui d’une localité.

Le recours à la proportionnelle permettrait sans aucun doute d’élire des députés avec des profils meilleurs, ce d’autant plus que ces profils sont généralement cooptés (des experts dans un domaine déterminé, professions libérales, etc) sans toutefois être des politiciens professionnels ou des personnes que l’on cherche à caser.  Le député ne doit pas être n’importe qui, à la vérité. Un député doit au moins pouvoir comprendre les textes qu’il vote. Il ne doit pas être un chômeur et doit surtout remplir certaines qualités, au niveau moralité notamment. L’autre vertu de la liste proportionnelle, est qu’elle permet aussi aux petits partis d’avoir des députés avec le système des plus forts restes .

A-t-on encore besoin d’institutions considérées jusqu’ici comme budgétivores ? Le HCCT et le Cese? A condition que leur utilité soit prouvée et qu’elles deviennent des institutions utiles avec de vraies compétences en leurs sein.

Difficile de citer ici tous les réformes à envisager, mais au-delà, il s’agit de limiter le nombre des partis politiques en termes de rationalisation et de financement sur la base du contrôle de la provenance de leurs fonds, mais aussi d’un pourcentage à obtenir à partir d’une élection repère.

Promouvoir la démocratie au sein des partis

Mais ce qu’on oublie surtout souvent, c’est que les partis politiques sont les socles de la démocratie. Et ce qu’il convient dès l’ors d’y promouvoir, c’est ce qui est le plus essentiel, c’est à dire la démocratie en leur sein. Comment imaginer une démocratie digne de son nom sans démocratie partisane ? Là est toute la question. Ne nous y trompons pas, la démocratie est une question de culture. or, la configuration actuelle des partis politique est là pour nous montrer que, de Senghor, Abdou Diouf, Wade à Macky, en passant Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Aminata Mbengue Ndiaye, Pastef, Mamadou Lamine Diallo, Abdoul Mbaye, Malick Gackou, Abdourahmane Diouf, le Pur, etc. tous les partis obéissent au doigt et à l'oeil à leurs chefs, à l’exception d’un parti plus démocratique qu’est le Pit. Donc, convenons-en, sans démocratie à l’intérieur des partis, il sera bien difficile d’instaurer une démocratie au niveau supérieur. La difficulté actuelle que Macky Sall a à désigner un candidat, montre qu'il n'aurait jamais du être président de parti et président de la république, ainsi que l'avaient préconisé les recommandations issues des Assises nationales. Résultat des cours, il n' a pu ni structurer son parti et encore moins organisé une succession qui préfigure des rebéllions.

Limiter la toute puissance des hommes politiques

Notre démocratie n’est à la vérité à l’heure actuelle qu’une démocratie électorale malgré tout le bien qu’on a pu en dire. Cette vitrine dont on a tant parlé, cachait mal à la vérité des dessous sombres avec des institutions qui sont loin d’être indépendantes du fait d’une prééminence certaine de l’exécutif sur toutes les autres.

Mais ne l’oublions pas. Un des défauts majeurs de ce peuple, c’est d’avoir, de tout temps, accordé trop d’importance aux politiciens qui ne le lui rendent malheureusement pas. Sacrés politiciens, ils n’en ont que pour leurs propres problèmes. Ils ne se souviennent vraiment du peuple qu’en période pré-électorale et électorale, les gavant de promesses et de vœux pieux. Une relation qui semble finalement inscrite entre eux et les populations, sous le sceau du masochisme.

Et pourtant ceux qui méritent plus d’attention, sont ces chefs d’entreprises qui créent des sociétés. Ceux-là prennent à vrai dire de gros risques en investissant leur capital, en faisant tourner l’économie, en nourrissant des familles entières et en favorisant l’épargne de la société, dans un environnement où ils ne bénéficient pas d’un soutien approprié. Sinon alors comment résorber le chômage des jeunes qui ne peut trouver de solutions qu’à travers une politique ardue de formation dans les métiers intermédiaires et non dans la massification avec des bataillons de jeunes qui remplissent nos universités avec à la clef, un manque notoire de perspectives. Un emploi que ne peut surtout pas garantir l’Etat dont ce n’est ni le rôle et encore moins la vocation,  si ce n’est de proposer des emplois d’ailleurs ce qu’il y a de plus précaires.

C’est insistons là-dessus, seule une réforme des institutions qui pourra d’ailleurs et en fin de compte nous prémunir contre la corruption que seule une justice plus indépendante pourra sérieusement combattre.

Rien ne manque à la vérité à notre pays, juste une réforme de ses institutions et des Sénégalais qui se mettent au travail. Sans oublier évidemment une presse au niveau de ses membres revu à la hausse et qui pourra assumer son rôle et mieux participer à l’éveil des citoyens.

La présidentielle à venir, est en tout cas l’une des élections les plus ouvertes de l’histoire. Elle a le mérite de mettre face à face des candidats, même issus de la majorité qui auront autant de chances que les autres. Ce qui pourra nous valoir certainement un nouveau président qui pourrait faire un don de soi en entamant ces réformes que nous attendons depuis tant d’années. Et pourquoi pas grâce à sa vision de propulser le pays sur les rampes de l’émergence, étant entendu que ce pays ne manque de rien ? Croisons en attendant les doigts, fatalistes de Sénégalais que nous sommes. Le miracle pourrait bien se produire.