NETTALI.COM - Serions-nous dans cette situation s’il pouvait « arrêter le ciel » ? S’il en était capable, il n’aurait certainement pas tenté le Programme Sénégal Emergent (PSE). Le Sénégal serait tout simplement un pays développé qui n’aurait pas eu ces problèmes d’inondations pour cette centaine de millimètres de pluie. En gérant la crise liée aux inondations de cette manière-là, le gouvernement de Macky s’est rendu coupable de deux fautes : celle de n’avoir pas fait ce qu’on attendait de lui et celle d’avoir mal communiqué. Il y a en effet de petites phrases qui en gâchent des fêtes même lorsqu’on a fini de faire preuve de compassion, de présenter des condoléances et de promettre des milliards.

Macky Sall, en sortant cette phrase là à Keur Massar : « je ne peux pas arrêter le ciel… », pensait certainement avoir en face de lui, ses opposants qui se sont par ailleurs montrés très critiques et virulents. Il ne devait pas se douter qu’il parlait aux familles de cette localité qui pataugent dans les eaux et qui vivent le cauchemar de devoir dormir à la belle étoile, d’attraper des maladies et de perdre tout ce qu’elles ont pu constituer comme patrimoine dans leur vie.

Non Macky Sall, un président ne devrait pas dire cela. Un président ne devrait pas s’adresser à son peuple de cette manière-là, surtout lorsqu’il est plongé dans une telle détresse. Mais ces paroles ne traduisent au fond qu’un aveu d’impuissance, d'échec. Macky Sall est passé à côté de son discours. A côté de la réalité en esquivant ces zones rouges où il fallait aller à l’encontre des populations, faire face, les regarder dans les yeux et faire preuve d’empathie. Une situation qui demandait beaucoup de courage, d’humilité et de franche compassion. Mais hélas, Macky tout comme certains de ces ministres et maires, ne sont pas allés à la rencontre des populations aux bons moments. Le chef de l’Etat s’y est rendu tard. Bien trop tard alors qu’il devait y être aux premières heures et aux premières loges. Avec ses mots bien crus, acerbes et secs, il a tué l’espoir de nombreux gens qui attendaient beaucoup de lui. Ces phrases sonnent au fond comme une réponse de dépit.

Le président Sall, n'avait-il pas promis en 2012, de régler le problème des inondations en 4 ans ? En 2019, il déclarera avoir réglé la question. Mais à l'arrivée rien de tout cela. La seule lueur d’espoir sortie de cette visite, est ces 30 milliards qu’il a promis d’injecter dans le but d’appuyer le Progep qui a permis aux localités comme Dalifort de moins subir les affres des inondations. Mais avec quelles acrobaties budgétaires ?

Non, monsieur le président vous ne pouvez pas arrêter la pluie et personne ne vous le demande d'autant plus qu’elle est censée apporter bonheur et réconfort aux agriculteurs. Les Sénégalais auraient au contraire, voulu beaucoup plus de pluie, mais certains en arrivent à défier le ciel et à ne plus souhaiter qu’une goutte tombe. A la vérité, il ne pleut que 3 mois sur 12 ; parfois même 2 sur 12. Face à un pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal passe pour un nain car chez Alassane Ouattara, il pleut 9 mois sur 12. Et pourtant les populations n’y vivent pas le syndrome de Keur Massar. En tout cas pas à notre connaissance.

Elle est bien loin l’époque où Me Wade en était à vanter les pluies provoquées. Et même si ces projets n’avaient pas connu de suite, le vieux savait vendre du rêve, de l’espoir durant sa gouvernance. Et il peut arriver que dans la trajectoire d’un peuple que des rêves et espoirs finissent par se transformer en réalité. Wade savait créer de l’empathie avec le peuple. Et les images de sa 4 X 4 qui transperçait les eaux inondées de la banlieue, un certain jour, alors qu’il rentrait de voyage, sont revisitées. Il avait foncé tout droit dans les eaux. Et même si ce n’était que de la communication, cela laissait voir un président qui s’était précipité dans la mélasse, partageant un moment, les souffrances de ses administrés. Macky lui, a montré qu’il ne savait pas trop comment s’y prendre. S’il avait tardé à se rendre dans les zones inondées avec le choix des zones moins chaudes, c’était bien parce qu’il était encore englué dans ses calculs, anesthésiés sans doute par la peur d’être hué. Ses conseillers auraient-ils failli ? Macky Sall devrait quand même avoir appris quelque chose de Me Wade après autant d’années sous son aile. Ce sont en tout cas deux états d'esprit bien différents. Mais comme on dit, chacun gouverne avec sa personnalité.

Macky Sall est en tout cas allé à Keur Massar bien propre. Cette image d’un président en costume, n’a pas semblé aux yeux de certains observateurs, appropriée à la situation. Non pas qu’il fallait qu’il se mît en haillons, mais à la vérité elle donne l’image d’un président tranquille. Cette image contraste d’ailleurs très fortement avec celle de Macky Sall, arrivé un certain jour en treillis militaire à Keur Momar Sarr, descendant de l’hélico en compagnie d’Aminata Touré, alors Premier ministre. C’était l’image du général combattif et bien décidé à faire face. Elle est en tout cas bien loin cette époque-là.

Mais ce qui a été d’autant plus frustrant, c’est l’attitude bien électoraliste qu’a adoptée le chef de l’Etat en promettant de faire de Keur Massar, un département. Mais qu’est-ce qu’elle peut bien apporter de plus cette départementalisation de Keur Massar, même si cela est une vieille doléance ? L’urgence semble-t-il, est bien de débarrasser les populations des eaux, de trouver une solution aux problèmes d’urbanisation et d’assainissement par la suite.

Il est clair que les Sénégalais ne souhaitent guère arrêter la pluie, encore moins en réduire la quantité. Bien au contraire, c’est parce qu’elle est source d’abondance que le bon Dieu a fait descendre autant d’eau. Catastrophe naturelle ou pas, les hommes sont censés apprivoiser la nature, en tirer des fruits sans l’agresser, ni gaspiller ses ressources. L’eau est source de vie. Elle remplit les rivières, fleuves etc, nettoie l’atmosphère, les rues, les plantes, réduit la pollution et fait germer les graines semées. Mais lorsqu’un peuple, pardon les gouvernants décident d’en faire une malédiction, que peut-on y faire ? C’est à cette tâche qui consiste à utiliser l’eau de pluie, ce cadeau du ciel à bon escient que le gouvernement devrait s’atteler plutôt que de promettre des milliards annoncés sans savoir où ils vont être tirés.

Mais à la vérité lorsqu’on creuse, l’on se rend compte que même une commune telle que Dalifort que les communicants du parti au pouvoir citent en exemple, connaît des problèmes de refoulement d’eaux usées. Ils ne se rendent pas compte que l’assainissement est un tout. C’est à la fois une histoire de gestion d’eaux usées, d’eaux de pluie, de canalisation, de curage de canaux, de recueil de l’eau, de drainage, d’évacuation, d’urbanisation, etc. Cela veut dire que lorsqu’un pan de ce système est obstrué, il a forcément des conséquences sur le réseau dans son ensemble. Beaucoup de quartiers dans Dakar et dans les autres régions ne connaissent pas de problèmes d’assainissement mais connaissent des problèmes de reflux d’eaux usées.

En fait de la départementalisation de Keur Massar, l’Acte 3 de la décentralisation a bien transformé des communautés rurales en communes. Mais qu’y a-t-il eu de nouveau sous le soleil, devrait-on se demander ? Les environnements n’ont pas changé, les conditions de vie non plus, le niveau de développement des infrastructures et d’équipement non plus. Pourquoi avoir opéré de telles évolutions si l’on n’est pas capable d’impacter la vie des gens et de mettre en place des mesures d’accompagnement ? Les communes d’arrondissement qui ont été créées surtout pour produire des réponses politiques, même considérées comme de l’administration de proximité, n’ont pas répondu aux besoins des populations. Partout dans toutes les localités, où les populations sont victimes des inondations, les maires ont tous crié au manque de moyens pour secourir les populations quand bien même l’assainissement ne serait pas une compétence transférée. Et l’on peut même raisonnablement se demander à quoi servent finalement ces élus, si ce n’est pour prélever des impôts et payer des salaires.

Le Sénégal semble s’être arrêté le temps de ces inondations. Le président doit reprendre le pays en main. La Covid 19 et les inondations ont fini de montrer les failles de la gouvernance dans son ensemble. Les études d’impact, les plans d’urbanisme, l’assainissement, la planification, le suivi des projets et leur évaluation, etc tous ces passages obligés par lesquels doivent passer un projet voire un programme pour aller au bout, semblent faire défaut. Ceci n’est en fait révélateur que d’un système qui va à vau l’eau. Comment comprendre que Macky Sall demande à ce qu’on se batte pour que les autorisations ne soient pas délivrées par les maires sur les zones non aedificandi ? C’est pourtant bien à l’Etat qu’il revient de déterminer les zones où l’on peut construire ou pas. Ce n’est pas un hasard si l’administration est déconcentrée avec ses gouverneurs , préfets et sous-préfets. Le ministère de l’Assainissement, celui de l’Urbanisme et leurs services déconcentrés existent également sans parler du Cadastre et des Domaines. Où est-ce que tous ces services sont à ce point laxistes pour ne pas arriver à déterminer les zones habitables ou non ?

Le constat est que Macky Sall a changé de fusil d’épaule. Il a recommencé ses tournées économiques en partant de Fatick dans un périple qui le mènera dans le Sine Saloum. Et comme à chaque fois que les choses deviennent compliquées dans les capitales régionales, il se tourne vers les campagnes dans le but de garder le contact avec son bassin électoral. N’oublions quand même pas que le chef de l’Etat avait parcouru le Sénégal presque 4 fois sans oublier ses conseils des ministres décentralisés : 2007 en tant que directeur de campagne de Me Wade ; 2008 lors de sa dissidence avec Wade qui aboutira à la création de l’Apr ; 2009 avec les élections locales ; et 2012 lors de la campagne présidentielle alors que les opposants étaient à Dakar en train de manifester, lui avait enfourché son cheval pour aller à l’assaut du Sénégal des profondeurs.

2024 est tout proche et Macky Sall doit s’évertuer à présenter un bilan honorable, candidat à un 3ème mandat ou pas. Il y a de bonnes réalisations dans son bilan et qui se nomment les Bus Rapid Transit (BRT), les autoponts au niveau des différents carrefours de Dakar et autres programmes dans les zones rurales notamment les pistes de production, les forages et autres confiés au ministère tentaculaire de Mansour Faye. Mais Macky a aussi ses fardeaux tels que le TER et des dossiers nébuleux qui polluent sa gouvernance sans oublier l’équation de l’assainissement. L’obsession du gigantisme ou des à réalisations à visées électoralistes, ne doit pas conduire le chef de l’Etat à oublier que les failles dans l’assainissement avec leurs conséquences néfastes sur l’environnement, les routes, la santé des populations et l’hygiène du cadre de vie, finissent toujours par trahir. Il est aujourd’hui plus qu’impératif de gérer ces urgences du moment avant d’envisager des programmes plus structurants. Pour l’émergence, l’on attendra encore quelques années, car difficile à l’heure actuelle d’en parler surtout quand on n’est pas capable de gérer un programme d’urbanisation et d’assainissement.

A l’heure où l’on parle de gouvernement élargi en faveur du dialogue politique, Macky Sall pourrait certainement penser à faire revenir le poste de 1er ministre, si tant est qu’il n’arrive plus à suivre certains dossiers qu’il s’était promis de faire avancer grâce au Fast-Track. Certains ministres se sont vus rappeler à l’ordre en Conseil des ministres alors que leurs dossiers étaient déjà prêts. Il devrait aussi songer à réduire le nombre de ministres et les institutions budgétivores qui n’ont jusqu’ici prouvé ni leur efficacité, ni leur utilité. Parfois un peu de lucidité peut faire du bien.