NETTALI.COM - L'Union des magistrats du Sénégal tient ce week-end son assemblée générale à Saly. Lors de la cérémonie d’ouverture tenue ce samedi et présidée par le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, le président sortant de l’Ums, Ousmane Chimère Diouf, a interpellé la chancellerie sur plusieurs sujets qui intéressent les magistrats.  Morceaux choisis…

«La magistrature ne peut être la cible permanente de justiciables à qui des faits sont reprochés. A cet égard, il convient de rappeler une règle procédurale simple, le fait tel que décrit par les parties, est donné au juge , à lui de donner le droit et il n’ est permis à aucun justiciable de guider l’ action judiciaire en imposant au juge une quelconque décision. Nul ne peut être juge et partie et aucun magistrat n’est à l’origine des faits reprochés aux citoyens qu’il doit juger.

Aussi doit-on rappeler que dans une République, le citoyen doit s’ abstenir de tout acte contraire aux intérêts de la communauté, respecter les institutions, la liberté des autres et les lois. L’État de son côté, doit veiller à l’exécution des lois, au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, a l’obligation de protéger ses administrés et de poser des limites pour que la liberté des uns n’ entrave pas celle des autres.
La justice doit faire respecter les règles de la vie en société et sanctionner les actes et comportements interdits par la loi et pour mener à bien sa mission, elle doit être juste, équitable».

Perception  de la population

"La perception que les citoyens ont de la justice a beaucoup évolué ces dernières années. Ce qui est tout à fait normal puisque le besoin de justice varie d’un individu à l’autre. Il arrive cependant que les médias utilisent le sensationnalisme ou les procédures intéressant certaines personnalités pour capter l’ attention du public qui se base souvent sur une certaine présentation des faits ayant peu de lien avec la réalité et basée sur de simples analyses qui n’engagent que leurs auteurs pour étendre cette perception à partir de cas isolés à tout le système judiciaire liant à tort l’indépendance de la justice au verdict de ces procès, d’ où la nécessité d’une ouverture devant permettre un dialogue entre acteurs judiciaires, médias et autres institutions de la République. Avec l’invitation des responsables de ces institutions à la cérémonie d ’ouverture de nos travaux, un premier pas vient d’être franchi, d’autres suivront certainement ; il était également question cette année de convier des responsables de presse à des journées de réflexion, ainsi que des journées portes ouvertes dédiées aux étudiants mais un climat politico judiciaire tendu nous a empêché de réaliser ces projets."

Affaires politico-judiciaires

« Comme vous l’ avez constaté, le bureau exécutif s’est gardé de prendre position publiquement dans un permanent débat politico-judiciaire ayant dominé l’espace médiatique ces deux dernières années. Il ne saurait en être autrement puisque notre serment nous l’interdit formellement et nous exige d’observer la retenue que nos charges imposent surtout lorsque les juridictions compétentes sont saisies.

L’UMS portant la voix des magistrats, ne peut se permettre d’anticiper sur des décisions de justice, et a délibérément choisi de laisser les procédures suivre leur cours normal et de ne faire aucun commentaire sur les décisions rendues par ses membres dans un sens ou dans l’autre.

Un arbitre ne peut en effet donner une quelconque indication sur l’issue d’un procès avant ou pendant sa saisine. Tout citoyen estimant ses droits lésés pour quelque motif que ce soit a la faculté d’user des voies de droit prévues par la loi.

Dans un débat où chaque acteur a choisi son camp ne voulant entendre que sa vérité au détriment de la vérité, ceux qui jouent le rôle d’arbitres doivent s’abstenir d’y participer. En effet face à un bruit confus, aucune voie audible ne peut percer et il n’est pas surabondant de rappeler que trop de communication tue la communication. Nous ne devons cependant pas perdre de vue que du contenu que nous donnerons à notre travail, dépendra la perception subjective ou objective que la population en aura. La justice doit en effet pour son image éviter de jouer un rôle actif dans un permanent jeu politique fait d’instabilité, de polémiques, et se limiter à réguler la société puisque dans l’exercice de leurs fonctions, les magistrats ne doivent être soumis qu’à l’autorité de la loi. S’il n’est pas discuté que la magistrature est un corps fermé protégé par la loi, nous ne devons cependant pas perdre de vue que la justice est rendue au nom du peuple qui a un droit de regard sur son bon fonctionnement, d’où la nécessité d’envisager l’organisation d’ assises pouvant regrouper toutes les franges de la société pour une meilleure compréhension des procédures judiciaires."

Fonctionnement du conseil supérieur de la magistrature

«Le fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature est encore au centre des préoccupations légitimes des collègues. La suite des dernières mesures prises sous la forme d’une consultation à domicile, le bureau a été saisi par beaucoup d’entre nous pour exprimer leur surprise surtout deux mois après la tenue du conseil en présentiel et l’ampleur des mesures prises.

Face à cette situation, il a par l’ intermédiaire de ma personne saisi Messieurs le Premier Président de la Cour Suprême et le Procureur Général près ladite cour qui ont été attentifs à nos préoccupations. C’est ainsi que Monsieur le Premier Président a convié tous les membres de ce conseil à une rencontre pour solutionner ce problème, des propositions ont été faites et vous avez eu l’amabilité de les recevoir pour en discuter, avant d’en faire autant avec le bureau.

Vous avez de ce fait pris la décision de réduire au maximum cette forme d’affectation qui n’offre aucune garantie sur la carrière des magistrats et de ne l’utiliser qu’en cas d’urgence. Une affectation perçue comme une sanction, n’en doutons pas, est de nature à affecter le moral de beaucoup de collègues du fait de la frustration que cela peut entraîner. Le magistrat ne peut être performant que s’il est psychologiquement à l’aise pour mener à bien sa mission. Il est temps que des critères clairs et objectifs soient définis pour avoir une meilleure visibilité sur l’évolution de nos carrières.

Pour cela comme il a eu à le rappeler lors de ses précédentes sorties, le bureau invite les membres du conseil à jouer pleinement leur rôle et veiller à ce qu’aucun magistrat ne soit affecté suite à une décision rendue en toute indépendance, tout en précisant cependant qu’il n’appartient à aucun d’entre nous et au conseil supérieur de stigmatiser une juridiction déterminée pour en faire un lieu de sanction, en refusant de s’y rendre pour le premier cas, et en prenant systématiquement pour le second des mesures d’affectation concernant des collègues à qui des faits seraient reprochés.
Il est également à préciser à l’attention des collègues que l’UMS n’est pas consultée pour les mesures prises par le conseil supérieur et se contente de recueillir les réclamations des collègues concernés à leur suite, et qu’elle a toujours assuré leur
suivi en saisissant le Garde des Sceaux, certaines d’entre elles ayant reçu une suite favorable, d’autres n'ayant pas eu la même issue. La gestion des carrières est du ressort exclusif du conseil supérieur de la Magistrature. Il est cependant souhaitable de tendre vers une démarche inclusive en amont devant permettre à l’UMS d’avoir son mot à dire et ne plus se contenter de recevoir lesdites réclamations».

Retraite des magistrats...

"La question de la retraite est également au cœur de nos préoccupations. A cette même période de l’année dernière, le débat était posé sous deux angles, celui de l’harmonisation de l’âge et du relèvement de la pension.

S’agissant du premier point, on avait insisté sur le fait qu’actuellement dans la magistrature, les plus jeunes partaient à la retraite laissant sur place les plus âgés du fait de fonctions occupées par les uns et les autres créant ainsi un déséquilibre dans le traitement de personnes relevant de la même corporation.

Nous réitérons cette position au vu des nombreux départs à la retraite prévus d’ici deux ans et du déficit en personnel constaté depuis des années chez nous, et également de l’augmentation du volume de travail.

Monsieur le Ministre des Finances et du Budget à qui nous demandons de transmettre nos remerciements pour sa disponibilité a reçu à trois reprises le bureau pour discuter du second point, entre autres, nous en espérons une issue heureuse, puisqu’un pas important qui sera développé tout à l’heure a été franchi."

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