NETTALI.COM - A l’heure de l’instauration de la carte nationale de presse, des réactions fort étonnantes ont été notées ça et là. Mais ce qui est d’autant plus surprenant, c’est qu’elles portent la marque d’hommes de médias connus du grand écran. On parle d’hommes de médias surtout pour préciser qu’il ne s’agit pas uniquement de détracteurs journalistes puisqu’il y a eu également des animateurs ou « chroniqueurs » pour tenter de discréditer l’instauration de ce nouveau sésame.

La vérité est que lorsqu’on fait un tour d’horizon de ce que la presse compte comme acteurs, l’on se rend en effet compte qu’un certain nombre d’entre eux, est rentré par effraction dans le métier et ne remplit pas le moindre critère pour l’exercice de la profession de journaliste. D’où certainement ces cris d’orfraie, certains d’entre eux risquant tout simplement de perdre leur boulot ou de continuer à exercer sans reconnaissance.

Ce qui est logique, c’est que tout journaliste attaché à son métier et à la nécessité d’un renforcement de la presse sénégalaise, encourage cette exigence de la carte de presse vers laquelle on s’oriente, même si ce n’est qu’un pas vers plus de réformes positives.

Pourquoi devrait-on exiger un diplôme pour l’exercice de la profession de médecin et donner carte blanche à n’importe quel quidam pour exercer librement celle de journaliste ? Pourquoi piloter un avion nécessiterait-il un diplôme et des capacités et pas le métier de l’information ?

La vérité est que la profession de journaliste paraît si accessible et est assimilée par certains au simple fait de savoir parler ou écrire en français, voire dans les langues locales, que beaucoup pensent avoir la compétence pour. Mais qu’est-ce qu’il requiert comme aptitudes et  qualités ! Dans les pays occidentaux tels que les Etats-Unis, la France et bien d’autres, le métier est exercé par des personnes d’un niveau d’études élevé, même s’il a existé dans le passé, des journalistes formés, comme partout ailleurs,  dans les rédactions. Les sélections y sont très rigoureuses et les concours difficiles à réussir. Tout cela pour dire que ceux qui y exercent ces métiers, sont parmi les meilleurs. Sous nos cieux, ce qui se fait de mieux, est sans aucun doute le Cesti. Une manière de dire que la profession de journaliste ne devrait pas être exercé par n’importe quel quidam.

Le code de la presse qui instaure cette carte nationale de presse a, ne l’oublions pas, la même valeur contraignante que le code de la famille ou le code pénal. Cette règle devrait dès lors fonctionner comme toute autre loi, dans une République comme la nôtre. Les lois sont faites pour être appliquées.

Si dans un passé récent, ce nouveau sésame était attribué par l’organe employeur sans critère précis, aujourd’hui la donne est en train de changer avec une carte commune délivrée par une commission nationale dédiée à cet effet, et institué par le code de la presse voté par les députés depuis 2017.

Obtenir la carte de presse n’est plus donc une chose aisée. Et cela ne manque pas de créer des frustrations. Le journaliste doit désormais être non seulement dans une posture active en faisant lui-même sa démarche personnelle pour la demander. Mais il doit aussi et surtout, s’il n’est pas diplômé d’une école de formation en journalisme reconnue par l’Etat, avoir la certitude qu’il est apte à la pratique journaliste car il devra passer l’interrogation orale devant la commission de validation des acquis de l’expérience avant de pouvoir disposer d’une  carte nationale de presse. Des questions ayant trait à la pratique journalistique, à l’éthique et la déontologie du métier, au droit de la presse, à la culture générale ...

Faire face à ces membres issus de la presse, des ministères de la communication, de la Justice, du travail, du Cnra, du Cored, du Synpics et du patronat de la presse, de par la solennité que requiert l’opération, ainsi que le stress de ne pas être retenu, voilà sans doute des craintes qui ébranlent certaines certitudes, rien que par le fait d’imaginer une seconde que l’on puisse perdre son statut. En effet à nos jours, sur près de 2500 postulants, la commission a dû octroyer moins de 2000 cartes.

Ou peut-être que certains de ces détracteurs de la carte nationale de presse, se prendraient-ils tout simplement pour des stars de la télé ou de la radio au point de devoir snober la commission de délivrance de la carte nationale de presse ? Leur notoriété ou réputation aurait-elle dépassé le cadre d’une interview qui se donne pour mission de tester leurs connaissances ? On aimerait savoir s’il est juste question d’orgueil personnel ! Et pourtant, beaucoup de ceux qui ont snobé la commission et qui se sont rendus dans certaines ambassades pour chercher un visa comme professionnels des médias, ont été obligés de retourner à la commission, la carte nationale de presse étant exigée par les services consulaires en application de la loi sénégalaise. Une belle leçon. Alors que ceux-ci rechignaient à être en conformité avec les textes de leur propre pays, des fonctionnaires de pays étrangers ont appris à ces journalistes si critiques d’habitude à se conformer à la la loi.

L’humilité doit être la qualité première d’un bon journaliste. La star ne saurait jamais être le journaliste, mais plutôt l’information ou le média pour lequel il travail. Pour ceux-là qui ont du vécu et une bonne connaissance des normes du métier, cet entretien devant la commission, composé de professionnel et d’autres personnes d’autres horizons, ne devrait être qu’une formalité. A moins peut être de ne pas maîtriser les rudiments du métier.

Ne doit pas être journaliste, qui veut !

Qu’on ne s’y trompe pas, le journalisme est un métier difficile et exigeant lorsqu’on veut l’exercer avec tout le sérieux qu’il requiert. Le journaliste est d’abord celui qui est capable de collecter, traiter et diffuser de l’info. A ce titre, la question des directs évoqués tantôt lors des évènements de juin et visant à critiquer des télévisions pour n'avoir pas relayé les manifestations, relève tout simplement d’un manque de connaissance de la responsabilité qui repose sur la tête du journaliste. S’il ne peut pas maîtriser un direct, pourquoi devrait-il en faire ? Comme ces images du policier à terre à qui on a asséné une brique sur la tête.

Pour le journaliste qui relaie même ce type d’informations, va se poser la question même de l’assistance à la victime. Ce qui peut même constituer un délit : la non-assistance de personne en danger. Le téléspectateur se doit d’être raisonnable car le journaliste ne peut pas suivre les caprices ou la volonté du public.  Aucune télévision responsable ne devrait montrer cela. Que font-ils des enfants, ces âmes sensibles qui pourraient être en train de suivre la télé en compagnie de leurs parents. ?

Tout cela pour dire qu’une information doit être traitée et non diffusée de manière brute. Opter pour un léger différé, peut être un bon moyen  pour choisir ce qu’on peut montrer ou pas. L’on ne peut évidemment pas cautionner ces couvertures folkloriques qui s’assimilent à une animation en mode combat de lutte, dans laquelle le côté spectaculaire prend le dessus sur tout : on choisit de mettre en scène les galères des forces de l’ordre ou des manifestants, façon mille collines. La conséquence n’est rien d’autre que d’attiser le feu et d’encourager les manifestations violentes.

Au-delà, le journaliste doit aussi connaître un peu de tout, être cultivé, détenir des sources, être juste (équilibré) tout en étant à cheval sur les normes du métier adossé à l’éthique et la déontologie.

Le journaliste doit aussi et surtout rompre avec la paresse car la transpiration et la patience sont aussi des qualités non négligeables dans ce métier. Son rôle n’est pas d’être juste, comme on le note de nos jours, une caisse de résonance.

C’est parce que la presse est désignée comme le 4eme pouvoir dans le rôle central d’approfondissement de la démocratie qui lui est dévolu, au regard de son rôle d’éveil et d’éducation du citoyen, que le journaliste qui fait partie intégrante de ce corps, ne doit pas accepter d’être comparé à un animateur, ni à celui qui est entré par effraction dans le métier. Plus exactement, « ces chroniqueurs des temps modernes » ; ou ces prêcheurs reconvertis en animateurs d’émissions informatives ; ou encore ces tradipraticiens qui font désormais de l’analyse politique, selon ces animateurs d’émissions qui les invitent. Toutes ces personnes sont qualifiées d’agents de programme par le Code de la presse.

Le cas de Serigne Bara Ndiaye est à ce titre surprenant et même scandaleux. Qu’il y ait des Sénégalais qui ont décidé de lui accorder de la crédibilité, est fort étonnant. Il n’a pas la qualité pour. Etre structuré, et avoir la langue mielleuse, ne suffisent point pour être un analyste politique. Serigne Bara Ndiaye n’était en réalité qu’une boîte à lettres, en plus d’être fortement disqualifié pour son côté très partisan ouvertement affiché. Des journalistes qui ont roulé leur bosse dans la presse avec des années d’exercice, n’ont toujours pas la qualité pour être des analystes politiques, à plus forte raison un personnage qui officiait dans une émission comique pour vendre ses recettes médicinales.

Il est tout aussi curieux de voir certains journalistes qualifiés d'analystes qui officient sur un plateau d’une chaîne en ligne, nous livrer leurs spéculations ponctuelles, présentées comme de l’analyse politique, marquée par des révélations dont on se demande d’où est ce qu’ils les sortent ! Leurs prestations sont plus de l’ordre du spectacle.

Quel journaliste qui se respecte n’a pas mal lorsqu’il entend dire qu’un Mbacké Sylla, Mamadou Mouhamed Ndiaye, Tange Tandian, etc sont des journalistes ? Quel journaliste qui se respecte ne remet  pas en question les recrutements actuels dans la presse lorsqu’il entend dire que Pape Matar Diallo, Oumar Faye Leral askan wi, Sanoussy Ba (politique aussi), Bouba Ndour, Fou malade, Cheikh Oumar Talla ou encore Birima Ndiaye sont des chroniqueurs ?  La question que l’on doit raisonnablement se poser, est de savoir l’intérêt à suivre un chroniqueur non qualifié, comme la très grande majorité de ceux qu’on voit tous les jours sur nos plateaux. Ils ne font que donner leurs opinions sur des sujets ! A moins que celui qui suit ce chroniqueur donné, sait qu’il entendra des choses qui lui feront plaisir parce que cela confortera son opinion ou sa sensibilité partisane en ces temps de clivages.

Difficile de voir l’intérêt dans ce recours à ces chroniqueurs d’un genre nouveau, car ce qu’on attend d’un médium c’est qu’il informe son public, l’éduque et l’éveille et non qu’il diffuse des opinions dont dispose chaque Sénégalais. Se faire une religion à partir d’une opinion qui conforte la sienne, n’est-ce pas se tromper, si cette opinion-là même ne correspond pas aux faits ? N’est-ce pas se mentir à soi-même ? Ce qui serait plus logique dès lors, est de s’informer auprès de la presse crédible et des experts reconnus dans leurs domaines et qui sont invités par les médias.

Un chroniqueur, eh bien, c’est plutôt un journaliste qui a une longue expérience dans la presse et dans un domaine précis ;  ou alors un expert pour ne pas dire un spécialiste reconnu dans son domaine. Il y a longue liste de journalistes que l’on peut citer dans ce cas qui ont un tel background que les confrères ne trouveront rien à redire s’ils se livrent à de l’analyse politique ou à une chronique. Mais à la condition de ne pas mettre en avant de la subjectivité .

A écouter les pertinentes analyses d’Ibou Fall qui a une très grande expérience journalistique et une bonne connaissance des faits, c’est là que l’on note toute la différence avec ces « analyses » farfelues qui ont de plus en plus cours sur les plateaux de télé ou chaînes de radio, marquées par des faits manipulés et ces spéculations qui relèvent plus de la devinette ou de la prestidigitation.

A la vérité, beaucoup de sénégalais ne savent plus qui est journaliste et qui est animateur.  Les animateurs ou prêcheurs reconvertis en animateurs, encensent de nos jours publiquement le président de la république, des hommes et femmes riches, des directeurs d’entreprises publiques, font de la publicité en prêtant leur image ou voix, moyennant quelques avantages. Les cas de Pape Cheikh Diallo, Oustaz Modou Fall ou encore Iran Ndao et Tall Ngol Ngol, sont à ce titre flagrants. Mais à la différence de l’animateur, celui-ci doit refuser de faire de la publicité. El Hadji Assane Guèye et Faty Dieng par exemple font ouvertement de la publicité pour des entreprises privées. Ils ne devraient pas. De même, le journaliste doit refuser de se faire habiller par des stylistes ou couturier. Ce que l’animateur fait sans qu’on ne trouve à y redire.

L’affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko a en tout cas mis à nu tous les travers de la société sénégalaise. Tout le monde est mis à la même sauce : le tradipraticien, l’activiste, le prêcheur. En effet, lorsque l’opinion se confond aux faits et que des « revueurs de presse » qui n’ont pour seul mérite que d’agrémenter la revue de la presse, avec force d’opinions et de commentaires tirés de leur subjectivité, le grand public qui se complaît dans une certaine info folklorique, n’arrive plus à savoir qui est qui et qui doit faire quoi. L’information prend même un sacré coup, tellement elle est dénaturée du fait des commentaires approximatifs voire hasardeux, sans oublier le ton qui y participe et lui donne une certaine connotation. Et lorsqu’on ajoute dans cette ambiance, les échos en provenance des réseaux sociaux, cela devient un cocktail tout simplement explosif.

Que le journaliste ne croit surtout pas avoir affaire à un public inculte. La vérité est qu’une partie de ce public est d’un niveau d’éducation et de culture parfois bien supérieur et jouit la plupart du temps, d’une meilleure connaissance des sujets techniques sur lesquels bon nombre de journalistes de la presse pêchent par un défaut de formation qui ne prend pas suffisamment en compte les spécialisations nécessaires au renforcement de leurs capacités. C’est pourquoi la corporation doit, disons-le clairement, s’évertuer à se remettre en question dans une seule logique, celle de faire évoluer le niveau des hommes de médias.

Pourquoi ne pas par exemple, envisager de relever les conditions d’accès aux écoles. A partir d’un Bac + 2 ou + 3 par exemple. Ou alors allonger la durée des formations en intégrant des modules techniques : sciences politiques, sciences juridiques, économie politique, finance, sociologie, etc. Cela ne pourra que développer l’esprit critique du journaliste, accroître ses connaissances et contribuer à améliorer le niveau des contenus et productions informationnels.

A suivre Daouda Mine et ses éclairages juridiques lors de ses chroniques judiciaires, l’on se rend compte que c’est cette voie là qu’il faut suivre.  Ses décryptages juridiques sont d’un apport considérable pour ceux qui dans le grand public, veulent comprendre les faits juridiques, surtout dans ce contexte politico-judiciaire marqué par des clivages sans précédent et une confusion du champ informationnel, accentuée par les réseaux sociaux.

Se respecter si on veut voir son métier respecté

Les journalistes doivent à la vérité valoriser leurs métiers et ne pas laisser n’importe quel quidam, professeurs de français, professeurs de philosophie, étudiant cartouchard, communicateur traditionnel, « grandes gueules », greffier, animateur connu, syndicaliste, prêcheur connu, homme ou femme au bon niveau de wolof, tradipraticien connu, etc y accéder, sans toutefois remplir les critères d’accès à la profession de journaliste.

La presse ne devrait-elle pas fixer un moratoire pour commencer à imposer aux patrons de presse et organisateurs d’événements médiatiques, notamment les entreprises de presse, les associations privées (partis politiques, ONG ) représentations diplomatiques, etc la présentation de la carte de presse lors de la couverture de ces événements ? Ne devrait-elle pas aussi discuter avec les patrons de presser dans le sens de ne confier des émissions à caractère informatif qu’aux seuls journalistes détenteurs de la carte de presse ? A terme, elle devrait même exiger la formation à tout journaliste qui voudrait accéder au métier et abandonner progressivement ce critère de validation des acquis. Dans la foulée, devrait être instauré un contrôle plus strict et sans complaisance à l’accès à la formation privée qui devrait elle aussi être jugée par les groupes de presse qui recrutent les diplômés issus de ces écoles.

Dans cette même logique, le Cored ou plus exactement le tribunal des journalistes, devra aider à faire promouvoir cette règle de la conduite des émissions à caractère informatif par les seuls journalistes titulaires de la carte de presse. Il devrait aussi s’évertuer à traiter les journalistes de manière plus équitable. Si certains journalistes sont parfois rappelés à l’ordre, la RTS ne l’est jamais alors qu’elle s’est résolument inscrite dans la propagande depuis fort longtemps, tout en refusant le pluralisme, l’opposition étant absente et de manière permanente dans les médias.

Des journalistes également passibles de comportements totalement à l’encontre de l’éthique et de la déontologie et qui ne respectent pas de manière flagrante l’équilibre dans leur travail, ne sont jamais inquiétés. C’est en effet une certaine passivité qui est notée de la part du Cored qui les laisse faire. Cheikh Yérim a d’ailleurs eu à se plaindre récemment sur le plateau de Maimouna Ndour Faye de l’attitude du Cored qui, en le jugeant au sujet de propos qu’il aurait prononcés, selon lesquels, « on pourrait tuer 90% des Sénégalais… » que sa déclaration a été travestie. En tant qu’organe chargé de juger les pairs, il devrait davantage s’appesantir sur tous les cas de dérives et se montrer un peu plus diligent à cet effet. Il ne faudrait pas que certains journalistes sur lesquels s’abattent ses foudres, en arrivent à percevoir son action comme sélective et partiale.

Il est sans doute temps que les journalistes se respectent et fassent respecter leur métier. Le contexte politique tendu a montré à quel point le corporatisme excessif peut être une carte blanche pour certains de faire ce qu’ils veulent. Cette complaisance a dès lors pour conséquence que la presse en arrive même à défendre certains de ses membres pourtant passibles de fautes et de dérives, alors que ces derniers se sont montrés ouvertement tendancieux dans le traitement des faits, en les travestissant. Certains sont même ouvertement devenus ceux-là qui répondent à la place des hommes politiques lorsqu’il leur est reproché des choses. Comme quoi les connexions et  liens journalistes-hommes politiques deviennent si visibles qu’il est difficile de nier une subjectivité permanente dans le traitement de l’information par certains.

Voir également de nos jours des patrons de presse engagés politiquement, utiliser leurs supports au service de la politique, est une situation tout aussi inadmissible.  Bougane Guèye en est une parfaite illustration de ce fait, alors qu’il passe son temps à présenter son dessein pour le pays.

 La presse doit vivre de son produit

Ce corporatisme de la presse peut pourtant trouver un bon réceptacle pour s’exercer. Qu’est ce qui empêche par exemple à la presse écrite de vendre ses contenus à travers des applications par le biais du téléchargement, plutôt que de laisser ses PDF se faire partager en toute impunité, dans des groupes whatsapp ? C’est ce qu’on appelle du pillage en règle de notoriété publique et qui se fait en toute impunité, comme si l’information qui est produite par des journalistes, payés à la fin du mois et transportés lorsqu’ils doivent aller couvrir des évènements, n’avait pas vocation à être achetée ? Comme si le papier et l’encre étaient gratuits ? Comme si le distributeur du journal ne gagnait pas 30 francs sur le prix d’un journal qui coûte encore 100 francs CFA, malgré l’inflation galopante. 100 F cfa, le prix d’un « biskrem » dans une boutique ! Qu’est-ce qui coûte encore 100 F de nos jours ?  C’est là que se trouve tout le paradoxe. Les Sénégalais veulent une presse forte et crédible, mais certains préfèrent emprunter un journal ou partager un PDF ou encore aller lire les infos de la presse écrite ou les audios et vidéos des chaînes de télé et de radio sur les sites agrégateurs, pilleurs  d’informations.

Comment survit un journal qui ne dispose d’aucun contrat publicitaire ? La réponse est vite trouvée.

Au-delà, c’est la bataille des contenus qui doit être engagée. La télévision, c’est d’abord de la production et lorsqu’on s’engage à mettre en place une télé, il faut avoir les moyens de sa politique et non mettre en lieu et place, des radios filmées. Une télévision sans images n’en est pas une.

Conduire une émission sérieuse, nécessite aussi la présence de journalistes expérimentés, cultivés et bien formés et non celle de « thiofs » hommes à la belle gueule et diction uniquement ou de belles nymphes qui ne sont là que pour vendre leur image, montrer leurs plastiques, voire distribuer la parole sans toutefois être en capacité de challenger les invités, ni comprendre ce qu’ils disent parce qu’ils ne connaissent pas les faits ou alors ne maîtrisent pas les sujets techniques. Ils sont bien jeunes d’ailleurs ceux-là qu’on voit sur les plateaux.

Il est d’autant plus sidérant de voir le nombre pléthorique d’invités sur certains plateaux avec un temps de parole limité pour la plupart. La conséquence est un brouhaha indescriptible qui en résulte lors des débats souvent incontrôlés. Si ce n’est pas le nombre de candidats, c’est le nombre de journalistes sur le plateau qui est en cause avec une volonté de chacun de se faire remarquer. Ce qui n’aboutit qu’à rompre les fils conducteurs des émissions et à dérouter les télespectateurs. L’émission télévisuelle animée par trois jeunes femmes sur Sen TV, illustre d’ailleurs bien ce fait.

L’argument économique est sans doute le nerf de la guerre. Si les journalistes veulent continuer à produire de l’info de qualité, ils doivent pouvoir vivre décemment du fruit de leur travail au lieu de laisser d’autres entreprises en profiter à leur place : ces agrégateurs de contenus qui copient les infos de la presse pour les transférer et les monnayer, toutes ces sociétés dont l’activité profite de l’information (sociétés de téléphonie, d’électricité, d’électroménagers, les moteurs de recherche, les sites d’information en ligne agrégateurs de contenus, l’inaccessibilité à la publicité des sociétés publiques, etc).

Personne en tout cas n’organisera la presse à la place des journalistes. Vivement les Assises de la presse pour poser les vrais problèmes, dans une logique évidemment de les résoudre.