CONTRIBUTION - Dans la tête de Pape Alé Niang. C’est l’exercice difficile que tente notre confrère Ben Makhtar Diop pour comprendre le message qu’aurait lancé Pape Alé Niang à son monde en ce vendredi retenu pour la marche des journalistes sénégalais décidés à faire libérer le directeur de Dakar Matin.

Chers confrères,

A l’ombre des baobabs de Sébi, je perçois vos cris, vos complaintes, vos plaintes rageuses. Je ne m’attendais à rien. Je ne pensais pas représenter si fort pour vous. J’ai de tout temps pensé être un journaliste, ni plus ni moins. J’ai de tout temps compris que le reporter que je fus ne gagne ni des galons ni des titres. J’ai opté pour le journalisme et je reste journaliste. Point besoin de prendre la carte d’un parti ou de déchirer ma carte de presse. Curieusement, je m’investissais dernièrement pour obtenir la carte nationale. Je suis de ce métier et j’y reste.

Ceux qui le pratiquent sont mes frères et mes soeurs. Depuis Sébi, je revois mes camarades d’infortune. Fabrice Nguéma, Ndeye Khady Diop, Ndeye Marieme Ndiaye, Isseu Niang, Aida Gadiaga, Elhadji Malick Ndiaye et notre mentor Sélou. C’était le temps de l’insouciance. Puis arriva l’épisode de l’immeuble Fahd avec les NFsy, Odf, Bog, Pascal, Maodo, Ndiaya, Lika, Aliou Diarra, feu Antoine Ngor, Konté, Ndiaga Sylla, Mika Lom, Vieux Savané, le doyen BT et Lat Demba pour ne pas dire Latif Coulibaly. Nous faisions du journalisme. Je n’eus aucun mal à intégrer la télévision. Exaltant métier.

Passionnante profession. Je dois tout au journalisme. Je ne sais faire que ça. Je porte ce métier en bandoulière. Je le respecte. Il m’a conduit partout et jamais je n’ai pensé en faire un instrument de combat. Jamais, je ne me suis pris pour Zorro. Jamais, je n’ai utilisé le micro, la plume ou la caméra comme un instrument de combat. Je suis fier, chers confrères, d’être des vôtres. Je suis honoré d’appartenir à cette famille d’hommes et de femmes désireux de faire de notre pays une antre de la bonne gouvernance où le citoyen a droit à une information de qualité susceptible de l’aider à prendre une bonne décision.

J’aurai pu poursuivre mes études en sociologie et devenir consultant international comme cette camarade de promotion très prisée par les Ong africaines. Depuis le Cameroun, elle se morfond, comme beaucoup d’autres, de me savoir en prison. A elle et à tous, je vous présente mes excuses de vous avoir fait mal. Retenez juste que votre Pape ne se reproche rien. Il a fait ce que la Charte de Munich lui permet. Il a une claire conscience du journalisme et de ses missions. Il n’en veut à personne. Il vous demande de ne pas en vouloir à ceux qui le brocardent ou rasent les murs par peur de perdre leur butin.

Non, je n’en veux à personne. Non, nul ne mérite ma colère. J’ai assez lu Machiavel pour bien comprendre les gouvernants. J’ai assez lu Serge Moscovici pour ne pas me laisser surprendre par les foules. J’ai assez fréquenté Ibrahima Lissa Faye et mes autres compagnons de galère pour comprendre le combat qu’ils mènent aujourd’hui. Sachez, chers confrères, que si je dois être l’agneau du sacrifice suprême afin que le Sénégal ait une presse libre, je suis prêt. Nul ni personne ne me changera ma conception du journalisme. Point de compromission. Point de compromis. Nous resterons dignes dans l’épreuve pour repousser loin des limites de la démence des secrets défendus les frontières du journalisme sénégalais. La sève contestataire ayant nourri notre génération change nos rapports avec des gouvernants habitués à dompter des journalistes couchés. C’est un paradigme à comprendre et à intégrer dans le management d’une communication gouvernementale aux abois.

Mes chers amis, vous avez choisi un vendredi pour la deuxième étape du combat. Soyez en remerciés et sachez que dans la tête de Pape le choix est vite fait entre les moyens de vivre et notre raison de vivre. Informer fait vivre le journaliste. Tout le reste est puéril. Votre reconnaissance me réconforte.

Ben Makhtar Diop