NETTALI.COM - La presse l’attendait pour son adresse à la nation ce mardi 31 décembre 2019, Macky Sall a été au rendez-vous. Face à elle, il aura durant 2 H 30 mn livré sa part de vérité sur différents sujets à caractère politique, économique et social. Mais l’une des questions qui aura vraiment intéressé les journalistes, c’est celle du 3ème mandat au moment où il est fait état de manœuvres de la part de futurs prétendants à la succession du Président Sall, ponctuées par des attaques tous azimuts.

Ces messieurs de la presse n’ont d’ailleurs cessé de relancer le chef de l’Etat sur le sujet, question de lui tirer les vers du nez. Ils arriveront à lui faire préciser sa pensée et même à l’énerver. Quand ils veulent vraiment faire le boulot, ils arrivent à leur fin, ces journalistes.

Macky Sall a en tout cas résumé la situation en des termes assez astucieux, en faisant comprendre que le pays serait à l’arrêt s’il annonçait qu’il ne se présenterait pas. D’ailleurs sur la question du dauphinat, il a mis les points sur les i, expliquant que le Sénégal n’est pas au royaume et que par conséquent, il ne saurait transmettre le pouvoir à qui que ce soit. En fait de luttes intestines dans son parti et qui seraient la conséquence d’un manque de structuration, Macky Sall pense que ce n’est point le cas à partir du moment où il gagne des élections. Citant son cas en exemple, il a informé qu’il s’est battu pour arriver au pouvoir. Une manière de dire pourquoi il l’offrirait sur un plateau d’autant qu’on n’est pas dans un royaume.

L’on est même tenté à partir de ce moment, de se demander ce qu’il compte faire de la constitution qui est au-dessus de tout et censée régir la vie du pays et le mode de dévolution du pouvoir ? La perspective d’une cohue dans ses rangs ne peut suffire à elle seule pour expliquer sa posture clair-obscur. « je ne dirai ni oui, ni non », il parlait bien sûr de sa candidature à un 3ème mandat. Pense-t-il que ses opposants et partisans qui aspirent eux aussi à diriger le pays comme lui, pousseront la naïveté jusqu'à se faire surprendre au dernier moment ? D’autant plus qu’avec le récent débat sur le manque de clarté des textes, ses conseillers juridiques pourraient bien lui trouver une brèche dans laquelle s’engouffrer. Ce d’autant qu’Ismael Madior Fall, un de ceux-là, est toujours monté au créneau pour défendre des thèses favorables au président. Rappelons que celui qui est dénommé par ses détracteurs, « tailleur constitutionnel » est toujours aussi proche de Macky Sall. C’est en réalité mal connaître l’homme que de penser qu’il dirait ce que les journalistes veulent entendre, à savoir qu’il ne se présenterait pas à un 3ème mandat.

Avec Macky Sall, manœuvrer est une seconde nature. Politicien nourri au lait de la gauche et de Me Wade, cette posture devient tout à fait naturelle. Une attitude qui ne doit point surprendre car cette nature de manœuvrier chez Macky était en réalité perceptible depuis la production du rapport de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri). Il avait alors froidement décidé de choisir ce qui lui plaisait dans le rapport. L’abandon du statut de chef de parti était dès lors devenu une chimère malgré des espoirs de changement de position. Et beaucoup d’autres points intéressants de ce rapport, sont depuis lors rangés dans le tiroir aux oubliettes à la merci des cafards.

Karim Wade et Khalifa Sall feront les frais d’une machine judiciaire qui cherchait à servir des exemples car il ne fallait plus désormais toucher aux deniers des Sénégalais. Sauf qu’avec lui, malgré la réprobation populaire des membres de leurs camps respectifs de ces deux-là, Macky restera de marbre. La justice les enverra en prison, malgré des critiques sensées contre la Cour de répression de l’enrichissement illicite (crei) dans le cas de Karim  Wade (inversion de la charge de la preuve, absence de possibilité d’appel) et le caractère jugé expéditif de la procédure dans celui de Khalifa Sall. Wade fils finira par être gracié. Et depuis lors, il est dans une prison à ciel ouvert nommée Qatar. L’ancien maire de Dakar subira le même sort que Karim Wade et est resté bien aphone depuis sa libération.

Mais avec Macky Sall, chasse le naturel, il revient au galop. Des institutions, il en a créées et les utilise comme des sortes d’appât pour opposants en quête de délices. Il distribuera quelques amuse-gueule à Moustapha Niasse pour une durée déterminée, un bonbon à Aminata Tall avant de le mettre dans la bouche d’Aminata Touré. A feu Tanor aussi, il confiera la gestion des collectivités dont on a jusqu’ici pas compris le bien-fondé. Avec l’intrépide Mimi Touré, ce machin de Conseil économique, social et environnemental n’arrive toujours à faire la preuve de son utilité. Bref des institutions dont on se rend finalement compte qu’elles ne sont créées que pour caser des opposants et alliés. Des quotas sur des postes de ministre et de PCA sont attribués aux opposants de moindre importance. Une sorte de partage du gâteau dans lequel tout le gotha du compagnonnage politique sera servi, question d’acheter la paix, de calmer les tensions et de pouvoir continuer à compter sur leur fidélité et surtout sur les voix de leurs militants.

Sur la question du mandat présidentiel avec son cortège de littérature juridique sur le sujet, les choses finissent par se transformer en une sorte de contrainte constitutionnelle à prolonger un mandat qui passe de 7 à 5 ans. Après ce fut l’épisode du référendum qui n’ouvrait pas beaucoup d’issues, enfermés que les Sénégalais étaient dans un choix piégé. Il fallait tout prendre tout ou rien. S’il n’était question que d’un point, ça aurait été moins vicieux. Le référendum était alors passé comme une lettre à la poste.

L’élection présidentielle arrivée, le parrainage est érigé en obstacle. Ce qui avait été prédit par les conseillers du Président, à savoir la sélection de 5 partis politiques, se réalisera. Des candidats tels que Malick Gackou, Bougane Guèye Dany, etc n’y verront que du feu. Ils ne sauront pas en réalité par quelle magie, ils seront recalés. Ceux qui étaient venus avec leurs tonnes de documents, se rendront finalement compte de la supercherie liée au décompte du nombre de parrains qui requerrait une bonne dose de connaissances informatiques.

L’élection passée, Macky Sall déclaré gagnant, sera traité avec indifférence par ses adversaires avant qu’il ne fasse un pas vers eux. Ce sera l’épisode du dialogue national où la plupart des opposants feront le choix de participer. Un dialogue qui n’ira toutefois pas au bout car la machine se grippera au bout d’un certain temps, malgré les assurances sur l’intégrité et l’indépendance de Famara Ibrahima Sagna, en charge de le diriger.

Puis ce fut le temps de la paix entre Me Wade et Macky Sall après plusieurs années de froid. Les deux scellent les retrouvailles en plein Massalikoul Djinnan sous l’œil approbateur du khalife Serigne Mountakha Mbacké.

L’espoir renaît de voir Karim Wade se faire amnistier et obtenir une virginité politique après que son père lui a balisé la voie au sein du Pds, écartant tous les empêcheurs de tourner en rond. La montagne n’a pour le moment accouché que d’une souris puisque depuis lors, aucun signe d’éclaircie dans le ciel sénégalais bien morose. Wade semble s’impatienter et refuse de participer au dialogue national remis en selle en ce moi de décembre.

Macky Sall est aujourd’hui face à un dilemme. Dans les rangs de son parti, il ne veut plus entendre parler de 3ème mandat alors qu’il n’a bouclé que près de 8 mois de son mandat. Sory Kaba est le premier à faire les frais de cette interdiction. Moustapha Diakhaté lui emboîtera le pas et sera défénestré de son poste de conseiller. Dans son parti règne une atmosphère de guerre. Diakhaté et Cissé Lô, sèment la zizanie, chacun tirant sur sa cible du moment. Macky ne réagit pas, ses boucliers en la personne de Farba Ngom et Yaxam Mbaye font le reste, sauf qu’ils ont semblé tomber sur des os.

Avec Macky, manœuvrer est une nature.  Veut-il un 3ème mandat ou non ? Nous ne saurions être affirmatifs. Ce qui est sûr est qu’il a fini de tirer tous ses prétendues personnalités partantes pour lui succéder, vers le bas. Gare en tout cas à la tête qui déborde. Pour le moment Amadou Bâ que l’on accuse de tous les péchés d’Israël, a semblé donner des gages à travers une sortie dans laquelle il était dans des justifications tous azimuts. Et si Cissé Lô l’avait mis dans l’embarras en se déclarant être son bouclier ? Ce mardi 31 décembre, Macky Sall a semble-t-il écarté toute volonté de ramener le poste de PM. Dione qui cherche désormais à se frayer un chemin dans les dédales de la présidence, est devenu bien anonyme. Mais à force de manœuvrer, Macky Sall ne risque-t-il pas d’être victime de son propre jeu ?

Le Cnra et Macky Sall, au banc des accusés  

Dans le même temps, Sonko qui le suit à la trace, avait décidé de le braver. Le terrible opposant a fait sa déclaration de fin d’année au même moment. Mais dans cette atmosphère bien politicienne, la suspension de l’émission de la SEN TV pour une semaine, a fait désordre.

Pape Alé Niang ne croit pas du tout en l’argument invoqué « La suspension n’a qu’une seule motivation, c’est l’émission de Ousmane Sonko », a asséné le journaliste. Qui pour étayer ses propos, révèle que des membres du régime ont exercé toute forme de pression « imaginables comme inimaginables » pour les faire revenir sur leur décision. « Ils étaient même prêts à acheter le temps d’antenne de Sonko. Ce qui signifie qu’ils ont peur de quelque chose », a-t-il fulminé. A son avis, le Cnra chargé de la régulation des médias, a fait un gros scandale. « Comment se fait-il qu’un président de la République puisse tenir  son discours à la nation – et avec tous ces scandales liés à l’affaire Pétrotim, le détournement d’engrais, les 94 milliards- et qu’après, il dit : « je ne veux qu’aucun opposant parle à la fin de mon discours », s’interroge le leader de Pastef.

Pour lui, la conférence de presse organisée par le Chef de l’Etat était un moyen d’occuper l’espace médiatique car, dit-il, « toutes les télés qu’il a invitées, il leur a pris une tranche horaire. Et ce n’était pas une conférence puisqu’il voulait être le seul à parler. Ce qui signifie une absence de décence, de pluralité de l’information », relevant au passage que si la télévision de Bougane Guèye Dany a invité Sonko, ce n’était nullement pour faire sa promotion. « Il n’était pas notre premier choix, car des responsables politiques comme Idrissa Seck, Khalifa Sall ont été contactés mais ils ont décliné. Seul Ousmane Sonko a accepté de jouer le jeu », a fait savoir le chroniqueur.

Pour le journaliste, « il n’y a pas de discours de fin d’année qui n’ait pas été suivi de débats. D’ailleurs, c’est Macky Sall lui-même qui désignait les hommes qui devaient participer aux débats et les orientait. Il arrive même que le journaliste soit piégé car on peut lui annoncer une personne et envoyer une autre », soutient-il, avant de convoquer le passé : « Macky était à la même place que Sonko en 2011 et il avait fait 2heures de temps sur mon plateau. Lorsque toutes les télés avaient refusé de diffuser leur congrès d’investiture, c’est Moustapha Cissé Lô que j’avais reçu sur « Ça me dit mag », sur la 2Stv. Et lorsqu’il cherchait le pouvoir, il avait dit sur mon plateau du 31 décembre 2011, que la magie du clic fera face à la toute puissance du fric et du flic ».

Mais du côté du Cnra, officiellement c’est pour non-respect de la mise en demeure du Cnra contre les publicités sur les produits de dépigmentation qui est retenue. Bougane a en tout cas décidé de mettre ses employés au chômage technique après avoir accusé le Cnra de Babacar Diagne d’être le bras armé du pouvoir. Il règne en tout cas en cette fin une atmosphère d’affrontements. Une bonne raison de souhaiter une bonne année 2020. Surtout une année paisible.