NETTALI.COM - Nous évoquions tantôt, dans une de nos chroniques, la communication gouvernementale gérée par une armée mexicaine dans ce supposé scandale de corruption sur le pétrole sénégalais. Et l’on continue à penser que cette communication va être davantage plombée au regard des combats de gladiateurs qui se mènent en coulisses et par médias interposés.

La semaine dernière et même celle d’avant, ont en tout cas été bien riches en commentaires, débats et écrits sur l’affaire Pétrotim et la connexion Aliou Sall. Cette affaire est en effet une aubaine pour les médias et son traitement a aussi mis au-devant de la scène, des journalistes et pas des moindres : des hommes au cœur de la communication de l’Etat et du parti présidentiel et d’autres bien médiatisés qui, pour la plupart, adorent mettre leur grain de sel dans les dossiers qui occupent l’actualité. Mais le plus surprenant dans l’histoire, est que certains hommes de médias, s’érigent en boucliers, défenseurs, accusateurs, détracteurs et je ne sais quoi encore ! La grande confusion,  quoi !

Mais au fond, l’affaire n’aurait pas eu autant d’ampleur si une journaliste étrangère d’une chaîne de télé anglaise de grande renommée, ne l’avait pas remise sur la table. Elle semblait pourtant bien calmée jusqu’à ce que la Mayena surgisse de nulle part pour, en 10 minutes, mettre le pays en sens dessus-dessous. Critiquée, elle l’a vertement été surtout dans la conduite de ce reportage. Pour certains, son intérêt n’était pas de rendre service au Sénégal mais de plutôt de servir des intérêts privés. Et alors, serait-on tenté de répondre à ses détracteurs ? Doit-on pour autant être aussi sévère avec elle, au point de vouloir ôter toute crédibilité à BBC ? Souvent la posture pragmatique impose de voir l’intérêt pour le public Sénégalais qui y gagne en découvrant la vérité ou en demandant que toute la lumière soit faite. Bien sûr que celui qui divulgue une information, y a forcément un intérêt, noble ou caché. Mais enfin, c’est le résultat qui compte, non pas parce que nous croyons qu’Aliou Sall soit coupable ou innocent, mais pour des raisons d’ériger désormais la transparence en règle de gestion des affaires publiques.

Nous, nous retiendrons ici que Mayena Jones a donc rendu un grand service à la collectivité car, admettons le, l’affaire Petrotim avait fait grand bruit, suscité une grosse polémique avant d’aller encombrer dans les tiroirs, les nombreuses affaires considérées jusqu'ici comme des scandales sans suite.

L’affaire vit donc aujourd’hui, sa seconde vie, ce qui a eu le don d’énerver certains, au point que ce reportage soit descendu en flammes. En tout cas dans sa forme.

D’abord ce sont des journalistes tels que Madiambal Diagne, propriétaire du Quotidien ou encore Ibrahima Sané, ancien de la RTS et de BBC qui se sont focalisés sur ce travail journalistique ; d’autres et Madiambal dans le lot, ont vite décoché leurs flèches pour parler de « complexes vis-à-vis des médias occidentaux » après avoir bien sûr critiqué, sa forme et son fond.

Jusque-là tout va bien puisque toute œuvre humaine peut être critiquée, à condition que celui qui formule la critique, soit objectif et de bonne foi. Une critique qui ne doit pas seulement être mue par la seule volonté de défendre Aliou Sall et le camp présidentiel ; voire de chercher uniquement à les accabler sans faits réels. N’aurait-il pas été par exemple plus simple de produire une enquête de plus grande envergure, plus équilibrée, plus en phase avec l’éthique et la déontologie journalistique, si tant est que cela n’a pas été le cas ?  Un journal Sénégalais ou une télé sénégalaise aurait pu prendre le temps de l’enquête, non ?

L’argument de démolition du travail de la journaliste ne peut à notre sens, se limiter à dénigrer ce reportage sous le prétexte qu’il n’apporte rien de nouveau par rapport aux révélations du passé. Quelque critiquable qu’il puisse être, il aura au moins eu le mérite de donner la parole à certains protagonistes dans l’affaire auxquels des journalistes Sénégalais n’ont pas jusqu’ici, eu accès. L’élément a permis de relancer le débat, de le raviver. Tenez par exemple sur le montant de 6000 milliards F CFA que devrait perdre le Sénégal sur 40 ans, à supposer que ce montant soit une pure invention,  ou que celui -ci ne soit pas de cette ampleur, tellement il peut paraître surréaliste, l’enquête aura au moins permis de soulever le débat sur les gains futurs du Sénégal. Il a permis à ce qu’il soit ramené au niveau du peuple, au grand dam de Macky Sall qui a toujours pensé que cela devait être un débat d’expert. Et au regard de l’évolution du dossier, quoique lente, c’est un progrès. Le peuple est intéressé à plus d’un titre parce qu’il s’agit bien évidemment de ses ressources et des deniers des générations futures.

Mais heureusement que Mayena Jones a poussé Serigne Bassirou Guèye à entrer dans la danse pour entendre tous ceux qui ont de l’eau à mettre dans son moulin. Et depuis, la plupart des personnes qui ont déjà eu à évoquer publiquement le sujet, ont déjà été entendues ou sont en voie de l’être.

Une sortie du procureur toutefois critiquée dans la forme comme dans le fond. Dr Cheikh Guèye, le chargé de prospection à Enda Tiers – Monde, ce dimanche 23 juin sur Sud FM, pense que les principaux acteurs ne sont pas encore convoqués c’est-à-dire Aliou Sall lui-même, les personnalités de l’IGE qui ont fait les rapports et certains ministres.  Il pense même que c’est « ce premier corps qu’il fallait interroger d’abord et ne pas taper sur la périphérie de la question ».

Dior Fall Sow, ex-procureure, bien placée pour évoquer le sujet, dira sur I-Radio face à Mahmoudou Ibra Kane, que les appels à témoins initiés par le procureur, ne sont pas nécessaires. A son avis, il appartient, selon elle, à la Dic de faire des investigations par rapport aux éléments envoyés par le parquet pour alimenter l’enquête. La première femme parquetière du Sénégal juge même nécessaire l’ouverture d’une information judiciaire sur l’affaire. Car selon elle, le reportage de Bbc donne des éléments « extrêmement graves », ajoutant au passage que « les copies de certains contrats sont suffisamment graves pour qu’on ouvre une information ».

Le ministre du Pétrole et des Energies, Makhtar Cissé s’invitera même dans le débat à travers deux sorties notamment dans « Le Soleil » et l’émission radiophonique « Yoon Wi » pour aborder la question du contenu local et celle relative aux retombées pour les Sénégalais, en termes d’emploi, de marchés pour les entreprises locales, tout en rassurant sur le fait que le Sénégal n’a encore rien perdu. Allusion bien sûr faite aux 6 000 milliards de dollars. Il nous apprend même qu'il y aura une grande conférence sur le sujet en juillet. Discours au moins audible dans ce contexte de tension et de pessimisme. Un peu d'espoir ne fait parfois pas de mal.

Le coup de tonnerre dans cette affaire, c’est la sortie explosive d’El hadji Kassé, conseiller en communication du Président de la République qui a révélé sur la chaine TV5, que la société Agritrans a bien reçu un paiement de 250 000 de dollars. Une affirmation qui contredit les allégations d’Aliou Sall qui avait fermement nié toute transaction entre Agritrans et sa société et Petro-Tim. Une déclaration qui, si elle est fondée, bat en brèche toute la stratégie de dénégation d’Aliou Sall puisqu’Abdoulaye Timbo, son oncle, avait fait comprendre que cette société, depuis qu’elle a été créée, n’a pas eu d’activités. Une question bien légitime qui pousse évidemment à se demander comment une société qui n’a jamais eu d’activités, peut enregistrer de telles transactions ?

Un avis que n’a pas du tout apprécié Yakham Mbaye, ami d’Aliou Sall, directeur du quotidien « Le Soleil », membre de  l’APR tout comme El Hadji Kassé, d’ailleurs. Un démenti d’une rare virulence qui laisse bien songeur. Mais, on peut en même temps relever une confirmation d’El hadji kassé qui demeure un mystère pour bon nombre d’observateurs qui se sont demandés si ce dernier n’a juste pas voulu enfoncer Aliou Sall ; si le président Sall est au courant ou pas.

Yakham répondra de manière bien acerbe à la RFM : « Ce que soutient El Hadj Kassé est totalement faux. Ce serait vrai, je pense qu’il est indiqué que le procureur de la République ou les autorités judiciaires et policières le convoquent pour qu’il donne ce qu’il qualifie d’information ».

Relatant les faits, voilà ce qu'il dit : « Ce qui s’est passé, c’est qu’El Hadj Kassé s’est rendu au domicile d’Aliou Sall pour lui faire une offre de service. A savoir qu’il est un grand frère, proche collaborateur du président et qu’il voudrait qu’Aliou Sall lui explique certaines choses. Et si possible, lui donner des informations pour qu’il bâtisse des éléments de langage. Aliou lui a dit principalement trois choses : « Il n’y a absolument rien que j’ai fait d’illégal, ces dernières années. Je n’ai reçu aucun virement de Frank Timis via Agritrans relevant de corruption ou de quoi que ce soit ». Aliou est allé plus loin en ajoutant : « Depuis que j’ai ma société, voilà ce que j’ai fait », a détaillé le patron du quotidien Le Soleil, ajoutant que « Le président de la République n’était pas au courant de son initiative, ni de ce plateau et n’était pas au courant qu’il était invité à TV5. Il a fait cette déclaration à l’insu du chef de l’Etat. Ça renseigne, si besoin en est, sur la particularité de cette chose. C’est une trahison», 

Une sortie de Yakham Mbaye qui mérite qu’on s’y attarde un peu pour s’interroger sur sa présence ou non à cette rencontre : Lui a-t-on relaté l’entrevue ? Y a-t-il participé ?  Sait-il si le Président était au courant ou pas ? Autant de questions auxquelles, nous n’avons pas de réponse.

Au finish, une bataille entre proches du Président de la République qui a le mérite de prouver que l’affaire est loin d’être claire et qu’elle n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Elle donne aux Sénégalais des raisons d’exiger des réponses et de manifester afin que la lumière soit faite.

La présence massive de la foule à la manifestation de la place de l’obélisque du vendredi 21 juin, vient ainsi contredire Birima Ndiaye, la lumière de Diakarlo qui parlait du peu d’engouement de la population, au cours de cette chaude empoignade qu’il a eue avec Malal Talla, le soir de la 1ère manif interdite sur le plateau de l’émission de la TFM. La rue a finalement eu raison du Président Sall. Aliou a finalement rendu le tablier, ce lundi qui a fait suite à la manif du vendredi. El Hadji Kassé a été relevé de son poste de conseiller en communication.

Une affaire qui a, en tout cas, ouvert une ère de transparence. Que l’enquête ait été bien faite ou pas, that’s not the question. Nous devrions remercier Mayena Jones d'avoir soulevé ce gros lièvre. Tout simplement !