NETTALI.COM - S’ils n’ont jusqu’ici pas compris que la plupart de ceux qui figurent dans le nouvel attelage, n’a pas plus de mérité qu’eux, c’est qu’ils ne comprendront jamais rien. A quelques exceptions près, le plus gros du bataillon du nouveau gouvernement, ne doit sa présence qu’à un concours de circonstances, à une affaire de quotas et à des raisons purement subjectives, beaucoup d’entre eux ayant été battus aux législatives. 

En dehors du ministère des finances dont il connaît la sensibilité et qu’il a pris le soin de verrouiller par un ministre compétent pour avoir tenu le budget pendant longtemps, le président a agi pour le reste comme dans une sorte de jeu de dames où il pousse ses pions à sa guise, suivant ses objectifs politiciens du moment. Aussi, ces ex-ministres dont les partisans, proches et inconditionnels se livrent à des réactions de colère, doivent se rendre à l’évidence qu’ils ne peuvent être éternels, leur son sort n’étant lié qu’à un acte de nomination d’un homme qui lui-même n’est pas éternel.

L’on devient en effet ministre de la république pour le sacerdoce et non pour le prestige et les avantages que procure la fonction. Ceux dont les nominations donnent lieu à des explosions de joie et même des fêtes, ne s’inscrivent en réalité que dans une logique de jouissance au poste, voire d’une vie qu’ils veulent voir rapidement changer. Ils n’ont pas une claire conscience de l’intérêt et le bonheur de servir leur pays. Mais pour cela, il faut être mu par un patriotisme certain. Quant aux ministres exclus, ils voient tout simplement leur monde s’effondrer. Ils peuvent dès lors aller jusqu’à menacer de quitter le camp présidentiel.

Sous Wade, ils brûlaient des pneus dans les artères principales de leurs fiefs électoraux ou terroirs d’origine, manifestaient en barrant les routes. Bref, des spectacles indignes, affligeants, signes d’un grand désespoir. Comme si finalement leur vie dépendait d’un poste !

A voir les pétitions contre le limogeage d’Abdou Karim Sall ou cette scène durant la cérémonie de passation de service, où il débite des versets du Coran, comme pour s’en remettre à Dieu, il y a à se demander si cela tourne vraiment rond dans certaines têtes. Ils étaient nombreux ses partisans, surtout ceux de la mairie de Mbao. Mais une fois la messe dite, il n y a plus rien à faire. Il n’est pas bien loin le souvenir de ces fameux oryx qui avaient défrayé la chronique. Cette affaire qui faisait tâche au cœur de la république, aurait pourtant dû l’emporter.

Le limogeage de Matar Ba a aussi donné lieu aux mêmes types de réactions. Une pétition est lancée pour son retour rapide à la fonction, démis qu’il est à quelques semaines d’une compétition majeure, la Coupe du monde de football qui doit se dérouler du 20 novembre au 18 décembre prochains au Qatar. Une pétition ? Et alors ? Et l’on ne peut manquer de s’interroger quant au fait de savoir si Matar Ba a été à ce point si efficace et parfait qu’il ne puisse être remplacé ? Difficile de comprendre ce qui se passe dans la tête de ses défenseurs ? « Allez Casa » était présent à la cérémonie de passation de service. Certainement pour lui rendre hommage. Les communicateurs traditionnels aussi. Ceux-là avec qui il entretient un rapport quasi fusionnel.

Un moment qui devait être pourtant solennel, s’est vite transformé en une fête foraine. Du vrai folklore dans un lieu où la sobriété est pourtant requise. D’où le rappel à l’ordre d’ailleurs de la présidence qui a rendu public un communiqué. Et pourtant, Matar Ba devrait savoir que certains de ces supporters d’un jour, iront vite paître dans les prairies thiessoises. Ainsi fonctionne ce monde très fermé de laudateurs et d’opportunistes. Ne sont ce pas les foules qui étaient avec Wade, qui sont aujourd’hui avec Macky Sall ? Pardon, certains ministres.

Mais gare à ceux qui osent dire que le Thiessois ne connaît pas le foot. Ses supporters disent de lui qu’il est le numéro 1 de l’équipe nationale de football à Thiès, ainsi que le parrain naturel du championnat populaire des Navétanes ; en plus d’être un amoureux de la lutte. Ils ne doivent pas avoir compris grand-chose ceux-là, car le sport ne saurait se limiter à ces deux disciplines.

Que faut-il dès lors retenir de cette phrase de Yankhoba Diattara, lors de la passation de service : « Je puis vous rassurer et vous assurer que je serai le ministre de tous les sports et le supporter de toutes les disciplines » ? Il ne le dit pas, mais ses propos sonnent comme si Matar Ba n’a pas été le ministre de toutes les disciplines.

Mais à la vérité ce dernier s’est surtout intéressé à la lutte et au football. Il aime parfois se rendre au stade, les dimanches pour assister aux combats de lutte, ce sport roi en pays sérère, d’où il est issu. Mais le pire est qu’il a géré le foot non pas dans une logique de politique, mais plutôt de campagne.
Comment d’ailleurs échouer dans ce sport-roi avec une telle équipe de rêve, composée de Sadio Mané, Nampalys Mendy, Ismaël Sarr, Edouard Mendy, Bamba Dieng, Kalidou Coulibaly , Saliou Ciss, Bouna Sarr et Cie ? Avec en plus des moyens importants mis à disposition par le chef de l’Etat pour la préparation des différentes échéances ? Matar Ba ne manque assurément pas de mérite puisqu’il peut s’enorgueillir, sous son magistère de voir l’équipe nationale A gagner une coupe d’Afrique et se qualifier à la coupe du monde prochaine.

Le Beach soccer ou football de plage, moins populaire que le football, sport-roi au Sénégal, a aussi fait la fierté des Sénégalais avec l’équipe nationale qui a remporté la 10ème finale de Can de Beach soccer. Leur 3ème titre d’affilée et le 6ème de leur histoire que les Lions ont remporté dans ce domaine. Mais une réussite due surtout à la vision et à l’abnégation de Chita, précurseur de ce sport au Sénégal, avec de maigres moyens, jusqu’à ce que le président Sall n’ait plus d’autre choix que de le soutenir avec des primes à la clef. A la coupe du monde, n’eut été ce trop-plein de cartons jaunes cumulés qui a privé le Sénégal de ses 3 meilleurs joueurs, l’équipe nationale n’aurait peut-être pas perdu contre le Japon.

Qu’on arrête de nous pomper l’air avec ces complaintes allant dans le sens de faire croire que Ba pourrait être si indispensable et inamovible à la tête du ministère du sport. Car derrière ses succès, se cachent des errements et des questionnements.

Dans le sport, des questions que beaucoup se posent jusqu’ici et qui n’ont jamais connu de réponses, c’est curieusement l’absence de bilans financiers. Comme celui de la Coupe du monde Russie 2018. L’on ignore toujours comment les fonds récoltés ont été utilisés, ni à quoi a servi la cagnotte allouée au Sénégal par la Fifa. Il y a aussi l’équation du bilan financier de la dernière campagne continentale des Lions au Cameroun ! Ce dont on se rappelle d’ailleurs, c’est ce fameux lynchage médiatique entre membres de la fédération lié au partage des primes issues de la campagne de la coupe d’Afrique. Un fait qui n’était pas du tout à leur honneur.

Mais n'oublions quand même pas que c’est sous le magistère du ministre du désormais ex-ministre de Fatick que le Sénégal a enregistré la plus grande tragédie sportive de son histoire avec l’affaissement d’un pan de la tribune rafistolée du stade Demba Diop par les soins d’un entrepreneur proche du ministre défénestré. Le bilan était de 8 morts et des centaines de blessés. L’on se rappelle encore de ce qu’il est advenu des marchés pour la réhabilitation de certains stades à l’instar de Lat Dior de Thiès dont l’état désastreux de la première pelouse avait fait le tour du monde.

Sous Matar Ba, c’est l’effondrement de disciplines entières. Telles que le basket-ball, l'athlétisme ou encore le judo. Des disciplines qui nous valaient jadis beaucoup de satisfactions, ne nous sourient plus. A titre d’exemple, au récent Afrobasket masculin de 2021, le Sénégal ne s’est contenté que d’une 3ème place, là où il a remporté des trophées en 1968, 1972, 1978, 1980 et 1997 avant que l’Angola n’assure son hégémonie à partir de 1999 jusqu’en 2013, cédant par la suite, la place au Nigéria, en 2015 qui se verra supplanté par la Tunisie, championne en 2019 et 2021. C'est également sous le magistère de Matar Ba que l'équipe nationale masculine de basket du Sénégal a effectué un périple sans précédent pour rejoindre l'Égypte dans le cadre de la 3ème fenêtre des éliminatoires du Mondial 2023 de basket. Partis lundi (27 juin) de Dakar, les Lions avaient retenus à Istanbul pendant près de 24 heures, faute de visas leur permettant de pouvoir embarquer dans un vol à destination de l'Egypte. Bloqués comme des malpropres, les joueurs ont passé une partie de la nuit à l'aéroport, certains dormant à même le sol.

Le basketball féminin a aussi énormément régressé avec une piètre 4ème place occupée par le Sénégal à l’Afrobasket 2021 après avoir plané sur le basket africain en 1974, 1977, 1979, 1981, 1984, 1990, 1993, 1997, 2000, 2009, 2015, avant que le Nigéria ne prenne le relai en 2017, 2019 et 2021. Un cycle entre-temps, interrompu par l’Angola, vainqueur en 2011 et 2013. Un championnat d’Afrique 2021 que Moustapha Gaye, ironie de l’histoire, en étant à la fois Directeur technique national et coach de l’équipe, a qualifié d'échec.

En athlétisme et au judo, lors des récents jeux olympiques, le Sénégal est rentré bredouille après avoir étrenné des médailles : l’argent en 1988 pour Amadou Dia Ba à Séoul ; et pour Amy Mbacké Thiam, à l’athlétisme, le titre mondial du 400 m dames à Edmonton en 2001, la médaille de bronze aux mondiaux de 2003 à Paris, l’or respectivement en 2004 et en 2006 avec le relais 4 x 400 et 400 m en championnat d’Afrique ; au judo avec Ankiling Diabone, triple champion d’Afrique (1982 au Caire, 1983 à Dakar, 1986 à Casablanca) et médaillé d’or aux jeux africains de Tunis en 1987 ; avec également Lansana Coly, champion du monde militaire.

A y réfléchir de plus près, l'absence d’une politique sportive digne de ce nom a manqué sous le magistère du ministre sortant. Comment connaître la réussite sans une bonne alchimie entre la formation, le financement, une bonne organisation, une bonne politique infrastructurelle et une identification des disciplines à fort potentiel de développement ?

Les infrastructures constituent un aspect très important et même déterminant pour le développement du sport en général. Et elle a vraiment fait défaut. La gestion des infrastructures a été à la vérité un vrai désastre. En effet lorsque Matar Ba est nommé Ministre en 2014 en remplacement de Magnick Ndiaye, le Sénégal avait deux stades de football homologués FIFA/CAF, à savoir Léopold Sédar Senghor et Demba Diop. Sept (7) années plus tard, notre pays a failli jouer sew matches en Mauritanie ou en Guinée car le seul stade Lat Dior de Thiès qui était le plus acceptable, n'était pas aux normales FIFA. Ce n'est que de justesse que la CAF a repêché le pays de la Téranga avec un peu de lobbying.

L’on se rappelle d’ailleurs de cette fameuse coupure de courant qui avait soulevé une grosse polémique au point même que des joueurs de l’équipe nationale, d’habitude réservés comme Sadio Mané, s’étaient laissés aller à quelques critiques sur notamment l’état de la pelouse et la situation de coupure. Avant de recevoir des réponses d’Augustin Senghor. Et c’est à juste raison que le chef de l’Etat a écarté Matar Ba pour la construction du stade Abdoulaye Wade de Diamniadio entièrement réalisé par l’entreprise turque Summa en parfaite coordination avec un service technique de la Présidence. Un projet qu’on dit piloté par Diagna ndiaye, président du Cnoss et l’ex-ministre de l’économie Amadou Hott.

L'on se souvient également qu’en novembre 2018, lors d'une conférence de presse, Matar Ba avait annoncé les travaux de réhabilitation du stade Léopold Senghor et de certains stades régionaux (Saint-Louis, Ziguinchor, Diourbel et Kaolack). Ce jour-là, devant les partenaires chinois, il avait laissé entendre que les travaux estimés pour une courte durée, allaient démarrer en juin 2019.

Matar Ba, était-il vraiment à sa place ? Macky Sall a en tout cas pensé qu’il est temps qu’il soit remplacé. On aura beau chercher à savoir la raison, mais lui seul en connaît la profonde . Celui qui a été si souvent jugé par les communicateurs traditionnels et des journalistes parmi lesquels certains qui revendiquaient publiquement leur amitié avec lui. Ainsi va la vie, il a vraiment terminé sa mission dans ce ministère, avec ses réussites et ses échecs.

Que tous ceux qui ont été virés de ce gouvernement, se rendent à l’évidence que c’est celui-là même qui les avait nommés, qui les a dégommés. Qu’ils partent avec dignité et sans regret. Car nul n’est éternel dans un gouvernement. Pas même Macky Sall qui reste sur son son « ni oui, ni non » en vue d’une probable 3ème candidature. Même la mise en place d’un « gouvernement de combat » dont on croit qu’il doit être exclusivement contre la vie chère, ne l’empêchera point de partir de toute façon, un jour.