NETTALI.COM - Les observateurs avaient averti. Les derniers mois du second mandat de Macky Sall risquent d'être ceux d'un président particulièrement solitaire. Une prédiction que viennent confirmer les résultats des dernières législatives qui donnent au chef de l'Etat une marge de manœuvre particulièrement réduite. 

18 mois. C'est le temps qui reste au Président Macky Sall à la tête de l'Etat avant d'organiser la présidentielle de 2024 à laquelle, il ne participera peut-être pas. Moins de deux ans donc durant lesquels, les choses risquent d'être particulièrement difficiles. Le chef de l'Etat ne dispose désormais que d'une marge de manœuvre pour le moins réduite. Et les résultats des élections législatives du 31 juillet dernier, ne sont pas pour lui faciliter les choses.

En effet avec 82 députés à l'Assemblée nationale, la mouvance présidentielle est dans une position inconfortable. Elle a d'ailleurs été obligée de compter sur Pape Diop de la coalition Bokk Gis Gis Liggey pour avoir la majorité. Ce qui ne suffit certainement pas face au bloc Yewwi-Wallu (82 députés) qui pourrait compter sur les votes de Thierno Alassane Sall de la coalition "Aar Sénégal" et Pape Djibril Fall des "Serviteurs Mpr", mais aussi d'éventuels frustrés des choix de Macky Sall. En effet, contrairement aux législatures précédentes, le groupe Benno Bokk Yaakaar ne pourra pas résister à la moindre secousse.

C'est en fait pour éviter les fissures dans son camp que le Président Macky Sall se montre particulièrement prudent. La preuve : il fait tout pour verrouiller ses choix quant à la composition du prochain bureau de l'Assemblée nationale. Surtout le nom du prochain président (ou de la présidente de l'Assemblée). Le chef de l'Alliance pour la république (Apr) a en effet besoin de temps afin d'arrondir les angles.  Et c'est justement ce temps là qui lui manque cruellement.

L'élection du président de l'Assemblée nationale devant se faire à bulletin secret, la moindre erreur dans les choix du président de Benno Bokk Yaakaar risque de se payer cash. C'est d'ailleurs pour cette raison, selon nos sources, que le chef de l'Etat retarde la formation de son nouveau gouvernement. "Il faut peut-être attendre octobre", nous souffle un membre de la Convergence des cadres républicains (Ccr) de l'Apr. Qui s'empresse d'ajouter : "En tout cas, pas avant l'installation du bureau de l'Assemblée nationale." En réalité, Macky Sall appréhende beaucoup la réaction des ténors de son parti. Elus députés, des responsables de l'Apr comme Aly Ngouille Ndiaye, Amadou Ba, Abdoulaye Diouf Sarr voire Aminata Touré, voudraient certainement revenir dans le gouvernement et y occuper des postes de premier plan. Or, former un gouvernement sans eux, équivaudrait à prendre le risque d'une implosion du groupe Benno Bokk Yaakaar ou s'exposer à des votes contre le candidat choisi par Macky Sall, pour occuper le Perchoir.

De la même manière, choisir une Aminata Touré comme présidente de l'Assemblée nationale sans s'assurer du soutien de députés comme Amadou Ba ou Aly Ngouille Ndiaye, est tout aussi risqué. Macky Sall va-t-il les faire revenir dans le gouvernement ? Va-t-il les laisser à l'hémicycle? Un vrai dilemme pour le président de l'Alliance pour la république (Apr). Et ce n'est pas le seul chantier qui l'attend.

L'actuel locataire du palais de l'avenue Léopold Sédar Senghor va aussi devoir régler le problème de sa succession. 2024, c'est déjà demain. Macky Sall va-t-il prendre le risque de briguer un troisième mandat? Une telle option plongerait, à coup sûr, le Sénégal dans une série de violences comme celles vécues entre 2011 et 2012 avec la candidature contestée du président Abdoulaye Wade. Pis, elle n'offre aucune garantie de réélection. Or, pour Macky Sall, ne pas se présenter, ce serait ouvrir une voie royale à un de ses plus farouches ennemis. Leader de Pastef, Ousmane Sonko est, aux yeux des observateurs, l'homme politique le mieux placé pour battre le candidat du camp présidentiel en 2024. Et ce n'est pas pour rien, d'ailleurs, que sa déclaration de candidature a fait sortir du mutisme les tenants du pouvoir. Certains prédisent même une réactivation du dossier du viol présumé pour écarter le maire de Ziguinchor de la course au fauteuil présidentiel. Mais là également, la marge de manœuvre du pouvoir est très faible. Peu d'observateurs sont convaincus par cette affaire Adji Sarr. Il en est de même pour les accusations de rébellion et/ou de terrorisme. Pis, les évènements de mars 2021 ont prouvé que le leader de Pastef n'est pas du genre à se laisser conduire à l'abattoir sans réagir. "Ce qui les intéresse, ce n'est pas envoyer Ousmane Sonko en prison. Ils savent que Sonko dans les geôles est plus difficile à gérer. Ce qu'ils veulent, c'est trouver un moyen de nous empêcher d'être candidat en 2024. Soyons prêts à faire face", a récemment averti le président de Pastef. Autrement dit, la balle est dans le camp de Macky Sall dont la marge de manœuvre est plus que réduite.