NETTALI.COM - A lire cette phrase de Moustapha Niasse, nous apprenant qu’il a commencé la rédaction d’un livre qu’il consacre à «cette vision de l’Afrique, la vraie Afrique, celle qui a commencé de se construire avec des leaders conscients des attentes qui s’élèvent vers eux et qui ne ménagent aucun effort pour affirmer, confirmer et consolider la place de notre continent et ses cultures dans le monde», difficile de savoir de quelle vision et de quels leaders à la vision si prometteuse, il nous parle !

De quoi se demander si M. Niasse ne compte pas jouer les prolongations pour quelqu’un dont beaucoup attendaient qu’il quittât le pouvoir depuis belle lurette, en faisant valoir ses droits à la retraite. Non seulement en raison de son âge avancé, mais également au regard d’une Assemblée nationale considérée jusqu’ici, comme une chambre d’enregistrement à l’image très écornée par ces nombreux scandales, son ostracisme vis-à-vis de l’opposition parlementaire et son rôle si peu assumé et rempli.

Serions-nous en train de rêver ? Il y a, effet, des hommes politiques qui restent tellement attachés au pouvoir et à sa jouissance qu’il procure, qu’ils ont du mal à raccrocher les crampons. Ou peut-être qu’il s’agirait juste de la part de l’ancien président de l’Assemblée, une volonté de faire comprendre qu’il a été ce grand commis de l’Etat qui a fortement contribué aux progrès démocratiques et au développement économique et social du Sénégal ? Ou peut-être voudrait-il polir son image en partant au bon moment, ou plus exactement à un moment où tout semble se compliquer avec ce virage démocratique chaotique qu’aborde le Sénégal ?

De toute façon, la 13ème législature est terminée et les députés de la 14ème vont être élus le 31 juillet prochain. Sauf changement ou caprice de la politique.

La vérité est que Moustapha Niasse est un homme de tous les systèmes. Il a été au cœur du pouvoir, 50 ans durant : de Senghor à Macky Sall qui l’a choisi comme président de l’Assemblée nationale en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade qui avaient fait de lui son premier Premier ministre.

Directeur de cabinet du président Senghor, il est nommé ministre de l'Urbanisme, de l'Habitat et de l'Environnement le 15 mars 1979 et ministre des Affaires étrangères le 19 septembre 1979, puis Premier ministre en avril pour un mois.

En juin1993, il redevient ministre des Affaires étrangères jusqu’en juillet 1998.

En 2000, le candidat de l’Alliance des Forces de Progrès (AFP) arrive 3ème au premier tour de l’élection présidentielle organisée le 27 février 2000 avec 16,8 % des suffrages valablement exprimés. À la suite de la victoire de Wade, il est nommé Premier ministre. Le 19 décembre, la Coalition Alternative 2007 regroupant 10 partis politiques de l’opposition, a désigné Moustapha Niasse comme candidat pour la présidentielle de 2007.

Le 25 février 2007, lors du premier tour de l'élection présidentielle, Me Wade remporte à nouveau l’élection.

Rebelotte Moustapha Niasse est l'un des candidats en lice pour la présidentielle de 2012 avec cette fois ci, une candidature portée par la coalition Benno Siggil Senegaal composée de 49 partis politiques, mouvements citoyens et individus signataires du Pacte d'engagement éthique et démocratique. Une élection qui sera finalement remportée par Macky Sall qu’il soutiendra au deuxième tour. Le 30 juillet 2012, il est élu président de l’ Assemblée nationale face à Oumar Sarr avec 126 voix sur 146 votants contre 17 voix seulement pour son adversaire.

Récrire ses mémoires, Moustapha Niasse en a tout à fait le droit. Personne n’oserait le lui dénier. Mais le tort de nos dirigeants, c’est aussi cette fâcheuse tendance à vouloir s’attribuer les beaux rôles au crépuscule de leur vie, quant à leurs parcours. Mais, ce qu’ils ne doivent toutefois pas perdre de vue, c’est qu’ils n’ont nullement le droit de prendre les Sénégalais pour des demeurés, témoins de l’histoire et de leur parcours qu’ils sont.

Niasse a eu son heure de gloire. C’est sûr. Comme lorsqu’il a participé à ces luttes démocratiques auprès des Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily, Amadou Makhtar Mbow, etc. sous Wade, avec notamment les Assises nationales et cette recommandation relative à la réforme des institutions qui en sera issue.

Une réflexion politique majeure de référence, perfectible certes, mais qui n’avait demandé qu’à être appliquée. Même en partie. Mais, il a préféré le compagnonnage avec Macky Sall, celui-là qui a fait montre d’un grand mépris pour ce document de référence avec ses réserves et son marché à faire dans le lot. A l’arrivée, l’opposition en est encore à se battre pour des droits à manifester !

Du parcours du leader de l’Afp, il en est resté des images bien fortes comme celle d’un Moustapha Niasse qui tenait une pierre face aux forces de l’ordre, lors de ce fameux 23 juin. Une image un peu plus lointaine mais choquante comme celle du coup de poing asséné à Djibo Ka. Ces images sont encore fraîches dans les mémoires. Cette dernière a eu lieu sous le régime de Diouf.

Niasse est devenu président de l’Assemblée nationale sous l’ère Macky Sall. Ce dernier lui concèdera des mandats d’une durée d’un an comme pour s’assurer de sa fidélité, jusqu’à ce qu’il se résolve à enfin lui accorder un mandat plus long.

La présidence d’une Assemblée nationale dont le bilan s’est finalement révélé peu glorieux et reluisant, que l’on peut se demander s’il n’aurait pas mieux valu que Moustapha Niasse consacrât son temps à autre chose.  En effet, toutes les grandes questions politiques comme le parrainage, le vote de la loi contre le terrorisme, la levée des immunités parlementaires de Khalifa Sall et d’Ousmane Sonko, n’ont en réalité été que le théâtre d’échanges houleux, de pugilats marqués par des injures, invectives et polémiques avec un regard du peuple qui amène à se demander si ceux-là qu’ils ont élu afin de les représenter, méritent le respect voire les respectent.

Ces projets controversés et jugés liberticides qui avaient presque tous suscité, à l’époque, la colère de l'opposition, s’étaient aussi déroulés dans une ambiance électrique ou fini par des manifestations à la Place de la Nation puisque d’aucuns les considéraient comme liberticides.

L’on se rappelle en effet du pugilat des députés Ousmane Sonko et Mbéry Sylla, les menaces de mort entre Dembourou Sow et Toussaint Manga, avec cette adoption par les parlementaires, sous forte tension, le 28 juin 2021, de deux projets de loi portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale visant à renforcer la lutte contre le terrorisme, selon les autorités.

De même que l’on peut pointer du doigt, de la part de la part de cette assemblée, la promptitude avec laquelle la levée de l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko avait été faite le 26 février 2022, à la suite de l’affaire Sweet Beauté qui sera d’ailleurs au cœur de vives polémiques entre parlementaires. Une promptitude qui fera d’ailleurs grandement défaut à l’hémicycle dans le cadre du scandale des passeports diplomatiques qui avait impliqué deux députés de la majorité, Mamadou Sall et Boubacar Biaye, mais aussi dans l’affaire des faux billets impliquant le député Seydina Fall dit « Bougazelli ».

On oublie pas également la promptitude avec laquelle ces députés ont modifié la Constitution ramenant le poste de Premier ministre, avec l’usage abusif de la procédure d’urgence, alors qu’aujourd’hui, des mois après ce vote, l’on n’a toujours pas de chef de gouvernement. Le président ne se hâte pas, absorbé qu’il est par les calculs politiciens. Et l’Assemblée nationale, censée contrôler l’action gouvernementale, ne pipe mot.

Il en est de même dans les affaires Petrotim, Prodac et la gestion des fonds Force Covid19…, à fort relents politiques qui n’ont pas entraîné la mise en place de commissions parlementaires, la chambre parlementaire jouant le plus souvent la politique de l’autruche.

Moustapha Niasse aura choisi son compagnonnage avec Macky Sall, sans bruits, ni contestations. Qu’il lui ait parfois donné de sages conseils dans sa gouvernance, cela nous l’ignorons. Ce qui est en tout cas apparent, c’est un  compagnonnage marqué par une certaine docilité.  

 Que Niasse considère à travers son discours, que l’opposant n’est pas un ennemi, qu’il est un Sénégalais avec des positions différentes et prône une gestion pacifique des conflits à travers le parlement qui est le lieu par excellence, est tout à fait à son honneur.

 Mais ce qui est dommage à constater, est le fait que sur toutes les lois qui ont été adoptées durant cette législature, une seule a été proposée par le parlement. Celle relative au règlement intérieur de l’Assemblée.

Mais il se trouve juste que l’Assemblée nationale a été aphone sur les crises qui ont eu lieu au Sénégal. C’est ce qui a fait dire à Alioune Tine d’Africa Joom Center que « quand nous sommes dans ces crises, le parlement est une des institutions de régulation (…) ». Selon lui, « Le parlement s’est effondré ». Le membre de la société civile, qui pense à une réforme, prône ainsi «un parlement de rupture de nature à protéger la stabilité du pays. ». Il estime que «ça fait partie du rôle des parlements. On ne les voit pas, on ne les entend pas. Il n’y a même pas de débat au sein du parlement », souligne-t-il. Il faut, à son avis, réformer les institutions. « Nous devons asseoir des institutions fortes qui nous permettent d’avoir une stabilité forte et durable et un sens aigu des responsabilités », fait-il remarquer à « Jury du Dimanche.

Et c’est justement cette occasion de réforme des institutions dont Moustapha Niasse a été un acteur, tout comme Macky Sall, qu’il a manqué de conseiller à ce dernier. Niasse ne se retire pas de la politique, mais difficile de savoir ce qu’il peut apporter de plus à la politique après avoir. Il a en tout fait le tour de tous les gouvernements. Ce qui veut dire qu’il est hélas bien trop tard pour nous parler de vision. Peut-être se croit-il éternel ou indispensable ? Les cimetières sont en tout remplis de personnes qui se croyaient pourtant indispensables…