NETTALI.COM - Le feuilleton Branco, du nom de cet avocat-activiste français qui a fait les choux gras de la presse, ces derniers temps, a bien pollué le ciel sénégalais, renforçant au passage les clivages noyés dans la société sénégalaise depuis l’éclatement du dossier Ousmane Sonko-Adji Sarr. Il n’a en tout cas pas laissé indifférents ces Sénégalais, si friands de buzz, mais avec toujours et toujours les émotions à fleur de peau.

 Dans cette affaire, trois logiques s’affrontent quant à la manière dont elle est appréciée : Une première logique, celle de Sénégalais qui ont adoubé l’avocat français en le présentant comme un messie qui a ridiculisé nos autorités, du fait de son entrée clandestine sur le territoire jusqu’à cette intrusion à cette conférence de presse et sa sortie du pays  ; une deuxième logique, celle de Sénégalais qui pensent que l’Etat aurait dû juger Juan Branco au Sénégal au lieu de le placer sous contrôle judiciaire et de l’expulser vers la France ; et une troisième logique, celle  qui consiste à ne pas faire de cette affaire un évènement, jugeant qu'elle ne mérite pas qu’on lui ait accordé autant d'importance.

Entre autres réactions liées à cet évènement, ce sont celles d'une certaine presse et des Sénégalais si enclins à essaimer les réseaux sociaux, qui ont ouvert le bal pour railler les autorités, encensant au passage l’avocat. Certains parlant de pied de nez à nos autorisés, là où d’autres considèrent l’avocat comme téméraire pour avoir osé venir jusque dans nos murs, ridiculiser nos gouvernants. L’on a bien compris en effet que cette atmosphère de contestations, d’hostilités, de bravades et de révolte contre les autorités gouvernementales, n’est pas étrangère à une telle posture de Sénégalais,  très remontés contre le pouvoir en place, suite à l’emprisonnement d’Ousmane Sonko. En particulier ses partisans et sympathisants et certainement ces Sénégalais qui y voient de l'injustice.  

 A l'opposée des personnages tels que Me Mame Adama Guèye, confrère de Juan Branco, ont vu l’affaire d’un mauvais œil. Celui-ci a ainsi pensé, ni plus, ni moins que «cette mesure bafoue l’honneur et la dignité de notre pays », estimant que « Monsieur Branco nous a nargués. » après être  venu au Sénégal, « exploiter la notoriété de Ousmane Sonko pour se vendre. » Guèye pense tout simplement qu’« il a insulté les magistrats, manqué de respect à nos Institutions, snobé les enquêteurs et le juge d’instruction en refusant de répondre à leurs questions. ». L’avocat ne manque d’ailleurs pas de se désoler, considérant que « malgré tout, il obtient une décision d’office de contrôle judiciaire et de libération sans avoir été interrogé sur le fond », précisant que « les mesures de libération doivent être consécutives à une interrogation au fond et à une demande de liberté provisoire».

Selon ce dernier, il aurait dû être jugé sur le sol Sénégalais au même titre que ses présumés complices. Il pense même que le Sénégal a manqué de mettre en œuvre sa souveraineté nationale, concluant que"n’importe quel citoyen doit respecter nos lois et règlements", a-t-il défendu.

Autre appréciation de cette affaire, celle de sénégalais, tels que l’analyste Ibou Fall. Celui-ci avait déjà, dès le 1er Août, annoncé la couleur  face à DJ Boups sur I-Radio. Il avait ainsi considéré qu’il ne fallait pas accorder plus d’importance à cette affaire. Tout au plus, avait-il estimé que l’avocat ne mérite pas qu’on dépense l’argent du contribuable pour sa poursuite. Il fallait juste l’arrêter et l’expulser, pensait-il  pour ne pas lui donner plus de buzz. Ibou Fall face à Boups avait même traité l’avocat français de « rigolo », de gosse de riches qui s’ennuie en France et qui «s’amuse à se faire peur chez les nègres » puisque « rien n’allait lui arriver »

A entendre l’avocat Mame Adama Guèye s’insurger contre la libération, suivie de l'expulsion de l'avocat français, Juan Branco, l’on a du mal à ne pas être d’accord avec lui. L’avocat, pardon l’activiste, pour ne pas se tromper sur tout ce qu’il est vraiment, en se comportant comme il l’a fait, s’est sans doute cru en terrain conquis, tel ces colons d’un autre temps qui n’en ont cure des lois africaines.

L’avocat sénégalais Mame Adama Guèye en arrive même d'ailleurs à douter des propos du ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, qui, face à la presse, a garanti que l'avocat de Ousmane Sonko «pourrait être jugé et condamné à une peine qui serait exécutée grâce à la collaboration judiciaire entre le Sénégal et la France».

Et à lire certains titres de la presse quotidienne, au lendemain de son expulsion, parler de « patate chaude filée à Paris », l’on ne peut manquer de se poser des questions.

Mais ce qui est sidérant dans cette affaire, c’est de voir certains médias sénégalais et des Sénégalais sur les réseaux sociaux encenser l’avocat-activiste, le présentant comme un messie, arguant que l’avocat a  ridiculisé le Sénégal. Il y a vraiment à se poser des questions sur leur niveau de patriotisme. A l’endroit de ceux-là qui mettent en cause nos renseignements, ils doivent se rendre à l’évidence qu’aucune frontière au monde ne peut être à un point hermétique pour empêcher des clandestins d’y pénétrer. La preuve par les Etats-Unis qui ont intercepté 1,5 millions  de personnes à la frontière mexicaine entre Octobre 2020 et Août 2021. Combien y sont entrés clandestinement dans le même temps ? Qu’est-ce qui a poussé Donald Trump à ériger un mur ? Combien d’Africains sont entrés irrégulièrement en Europe depuis que le vieux continent parle de combat contre l'immigration irrégulière ? Qu’on ne nous parle surtout pas de la frontière sénégalaise même si l’on doit davantage la protéger.

Ce qu’il convient de relever, est que le spectacle offert par l’activiste français, est tout simplement irrespectueux et les applaudissements de Sénégalais, affligeants. De trouver des Sénégalais pour l’aider, lui frayer le chemin et l’applaudir, témoigne d’une servilité et d'une indignité évidentes. Comment peut-on se solidariser de la sorte avec un étranger, fut-il un avocat de la défense qui vient fouler à ce point les règles de courtoisie d'un pays ? Comment ont-ils osé le défendre en parlant de pied de nez à nos institutions, avec autant de désinvolture et de fierté ?

Comment ont-ils pu soutenir un avocat qui a commis des actes aussi déplacés, fut-il celui d’Ousmane Sonko ? Un avocat qui n’avait, comme seule option, que de ridiculiser les autorités du pays. Quel que soit à la vérité, ce qu’on puisse penser de nos autorités et quel que soit le niveau d’hostilités vis-à-vis du pouvoir en place, l’on ne peut prendre fait et cause pour un étranger qui bafoue les lois du pays. Il y va en effet de l’honneur et de la dignité de la nation. On ne peut un jour dénoncer la nature de nos rapports avec la France et se retourner un autre jour pour cautionner de tels actes aussi condescendants de la part d'un Français sur notre terre !

Ce qui est d'ailleurs d’autant plus sidérant, c’est de se rendre compte à quel point Juan Branco a perturbé et vampirisé la conférence de presse des avocats d’Ousmane Sonko, en cassant non seulement le fil conducteur du face à face avec la presse, mais aussi en éclipsant le message des avocats. Une prestation qui a été plus de l’ordre du spectacle et de l’enfantillage, qu’une volonté de défendre le leader patriotique empêtré dans des ennuis judiciaires. Difficile d'ailleurs de savoir à partir de quel moment Juan Branco commencera enfin à parler de droit au lieu de passer son temps à être sous le feu des projecteurs. Un vrai concurrent finalement pour Ousmane Sonko à qui il finit par ravir la vedette.

Les avocats présents à cette conférence avaient tous abondé dans le sens d’apporter des arguments de droit pour relever ce qu’ils considèrent comme des défauts de procédures et de l’injustice faite au leader patriotique par la justice. Juan Branco a lui choisi un agenda personnel. Le show et le coup d'éclat. Il semble même, à y regarder de plus près qu'il est pris par une sorte de mégalomanie sans borne, qu’il a du mal lui-même à maîtriser. Comme lors de sa conférence de presse de Paris du mardi 8 Août où il nous a appris avoir versé des larmes en quittant la prison de Rebeuss, alors que de jeunes détenus lui témoignaient leur sympathie et reconnaissance. Que nous apprend Branco en nous disant qu’il a vu des centaines de jeunes entassés par centaines à la prison de Rebeuss ? Comme si les sénégalais venaient de découvrir les conditions de détention d’un autre âge, du fait d’une surpopulation carcérale mainte fois dénoncée.

La question que l’on peut raisonnablement au fond se poser, est de savoir ce que son acte a apporté au leader patriotique comme bénéfice, si ce n'est d’avoir éclipsé le contenu de la conférence en prenant le dessus sur les arguments des avocats. Juan Branco a fait le buzz à la place de cette conférence ainsi que l’attestent les partages du discours de l’avocat sur les réseaux sociaux, à cause en plus de cette fâcheuse tendance des reporters à privilégier le buzz dans un monde hanté par le nombre de vus sur les réseaux sociaux.

D’ailleurs dans la salle où avait lieu la conférence de presse, le malaise était perceptible chez bon nombre d’avocats présents, en particulier Me Demba Ciré Bathily qui a fini par se mettre à l’écart du présidium comme s’il cherchait à se désolidariser du spectacle qui venait de se dérouler sous les yeux médusés de certains. Branco, est-il meilleur procédurier que Me Ciré Clédor Ly,  Demba Ciré Bathily ou Bamba Cissé dont les talents sont reconnus jusqu’au-delà de nos frontières ? Assurément non. C’est la raison pour laquelle ces derniers n’auraient jamais dû permettre à cet l’avocat français, quoique celui d’Ousmane Sonko au même titre que les autres d’ailleurs dans l’assistance, de venir juste pour faire son show et disparaître, quelques minutes plus trad, question de régler des comptes. Encore qu’il n’avait même pas eu la courtoisie de signaler sa présence à ses confrères, organisateurs de la conférence de presse.

Dans une tribune, l’ancien député et président du mouvement Thierno Bocoum du mouvement "Agir" relève le mépris de Branco vis-à-vis des avocats sénégalais. « À l’épreuve des faits, Juan a donc choisi une défense composée d’avocats français qu’il semble avoir constitués à l’avance, à une défense composée d’avocats sénégalais qu’il interdit, pour l’instant, d’intervenir", fait savoir M. Bocoum. Une attitude de Juan Branco qu’il juge condescendante et qui ne surprend pas. Ses faits et gestes vis-à-vis de ses confrères sénégalais, croit-il savoir, le démontrent allègrement.

Pour Bocoum, pire, « il fait preuve d’un activisme primaire qui couvre et parasite les arguments de droit que ses confrères tentent de faire valoir devant l’opinion nationale et internationale. Maître Juan Branco a en outre défié les institutions de la République sénégalaise. Un pied de nez qui ne doit pas être laissé impuni. Il a poussé la provocation jusqu’à entrer dans notre pays de manière clandestine en violant les règles d’entrée et de séjour des étrangers au Sénégal et se sachant être sous mandat d’arrêt international dans le but manifeste de ridiculiser nos forces de défense et rendre virale sa défiance. L’Etat du Sénégal doit prendre toutes ses responsabilités. Qu’il ne se laisse aucunement intimider. C’est une question de souveraineté nationale.", pense-t-il.

Ce qui est d’autant plus gênant et qui prouve que l’avocat français cherchait à se singulariser, est qu’il n’était pas le seul avocat étranger commis dans la défense d’Ousmane Sonko, qui compte pourtant un avocat Burkinabé et un autre Comorien. Si ceux-là n’ont pas eu de problèmes avec la justice sénégalaise, c’est bien parce qu’ils ont fait preuve de retenue et de courtoisie à leur arrivée sur le sol sénégalais.

Ces déclarations qui ont valu à Juan Branco d’être refoulé chez lui, étaient irrespectueuses vis-à-vis de nos autorités et institutions. C’est sûr.  Peut-on traiter un président étranger de dictateur et vouloir se voir dérouler le tapis rouge dans ce même pays ? Tout cela vient en réalité prouver que sa récente expédition, apparaît plus finalement comme une revanche vis-à-vis des autorités sénégalaises. Pire que cela des enfantillages pour un avocat qui n’a que le souci de son image et de sa réputation qu’il cherche à faire luire tous les jours.

Juan Branco aurait pu être utile à la défense d’Ousmane Sonko dans une logique d’internationalisation d’une affaire judiciaire, mais celle-ci n’aura finalement été qu’un feu de paille. Car difficile de savoir, dans cette supposée procédure devant la cour pénale internationale, comment des noms de journalistes ou celui du chef d’État-major général des Armées, fraîchement nommé, ont pu se retrouver dans une telle liste, au point de les impliquer dans d’éventuels et possibles crimes contre l’humanité. Une liste fourre-tout au finish. Ce qui enlève toute crédibilité à la plainte, car l’on peut aussi se poser la question du sort des forces de défense et de sécurité qui ont trouvé la mort lors des différents évènements ! A qui doit-on pouvoir imputer leur mort ? Qui porte la responsabilité de la mort de cet agent de la mairie de la Médina, lynché, et qui a succombé à ses blessures ? Au pouvoir ?  La logique voudrait que lorsqu’on monte un dossier, que l’on soit un minimum objectif et exhaustif.

En ces temps de rééquilibrage des rapports entre les pays de l’espace francophone avec l’ancienne puissance colonisatrice, il y a lieu pour certains Sénégalais de comprendre que l’époque du complexe du blanc est révolu. Tout étranger présent sur le sol sénégalais, fut-il un avocat français qui vient défendre son client au Sénégal, doit obéir aux règles de courtoisie en respectant le pays qui l’accueille. Me Pierre-Olivier Sur, ancien bâtonnier de Paris, pénaliste français qui a défendu de gros dossiers notamment politico-financiers , tels que les affaires Tapie, Balkany, du sang contaminé, etc, tout ténor du barreau qu’il est avec le talent et une expérience sans commune mesure avec celle de Juan Branco, s’est très bien comporté lors du procès pour diffamation opposant Mame Mbaye Niang à Ousmane Sonko.

De plus, notons quand même que des Sénégalais établis en France sont tout le temps jugés en France.  Un avocat Sénégalais a d’ailleurs été retenu un certain temps pour y être jugé dans une affaire de mœurs. L’ancien président de l’iaaf, de nationalité Sénégalaise, y a été retenu pendant plus de 5 ans, sans possibilité de venir dans son pays, malgré son âge avancé. Un juge d’instruction français a lancé un mandat d’arrêt international contre un ancien Premier ministre et deux ex-ministres Sénégalais. Pourquoi il en serait autrement d’un avocat français qui a commis des actes réprimés par le code pénal ? De la même façon, des Sénégalais qui entrent irrégulièrement en France, sont tout le temps retenus dans les zones de détention des aéroports, avant d’être rapatriés.

Au même moment, l’on peut raisonnablement se demander comment on peut admettre qu’un Français qui n’a pas besoin de visa, puisse se permettre d’emprunter des chemins aussi tortueux pour rentrer sur le sol sénégalais ? N’est-ce pas la vocation d’un avocat qui n’a d’objectif que la célébrité ou d’être sous le feu des projecteurs et de briller, en faisant des coups d’éclat. C’est lorsqu’on est un auxiliaire de la justice qu’on doit davantage respecter la loi. Si ce n’est pas une volonté de narguer les autorités, voire de les ridiculiser, que les avocats défenseurs de Branco nous disent ce que c’est ?

Le journaliste Ibou Fall a bien résumé la situation par l’histoire d’une fourmi qui a piqué une abeille. Juste pour dire que Juan Branco s’est attaqué à plus gros que lui, un état qui l’a arrêté, emprisonné à Rebeuss avant de l’expulser. Juan Branco ne mérite pas à son avis qu’on dépense l’argent du contribuable pour son jugement. Tout au plus, Fall considère que les avocats et les Sénégalais qui l’ont aidé, manquent de dignité et surtout de respect aux Sénégalais. Pire, Il pense même qu’il a fait preuve de mépris à l’égard des avocats dans l’assistance qui se sont comportés comme si le bon Dieu était descendu sur terre. « On aurait dû raser Juan Branco à Rebeuss», a plaidé l'analyste.