NETTALI.COM – Sa dernière enquête sur la pauvreté au Sénégal a failli coûter sa crédibilité à la très sérieuse Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd). Et ce, par la faute d’un ministre de l’Economie particulièrement maladroit dans sa communication. Amadou Hott a beau rectifier le tir, il a porté un sacré coup à cette agence pourtant placée sous sa tutelle.

Le nombre de pauvres a-t-il augmenté au Sénégal ces dernières années ? "Oui", répondent les chiffres contenus dans une enquête publiée, la semaine dernière, par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd).  Dans le rapport publié le 13 septembre dernier, il est indiqué que "le nombre de pauvres a augmenté entre 2011 et 2018 au Sénégal, passant de 5, 8 millions à plus 6 millions alors que le taux de pauvreté monétaire a enregistré une baisse de cinq points sur la même période". Il n’en fallait pas plus pour que la presse en fasse ses choux gras. Et du côté du gouvernement de Macky Sall, la sérénité est vite partie. Il faut dire qu’il est difficile pour un gouvernement qui vante partout ses politiques sociales, d'entendre que la pauvreté n’a pas reculé au Sénégal malgré les bourses familiales, la Couverture maladie universelle…

Ainsi, piqué par on ne sait quelle mouche, le ministère de l’Economie pond un communiqué pour prendre le contrepied de l’Ansd. "Les résultats de l’enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages réalisée par l’Ansd, en collaboration avec la Banque mondiale, ont fait l’objet d’une large exploitation faisant croire que la pauvreté a augmenté dans le pays alors qu’en réalité le taux de pauvreté a nettement baissé", opposent les services d’Amadou Hott. Non seulement, le ministre de l’Economie dément les chiffres de l’Ansd, mais il soutient que "la pauvreté a reculé". Le ministère de l’Economie qui analyse les chiffres de l’Ansd sous un autre angle, semble avoir oublié que cette agence est sous sa tutelle. Une communication maladroite qui a porté un sacré coup à la crédibilité de l’Ansd pourtant réputée pour son sérieux. Ce qui a fait dire à Moustapha Diakhaté, ancien président du groupe Benno Bokk Yakaar à l’Assemblée nationale, que "Hott abîme la République".

Le tollé ainsi créé a obligé le ministre à rectifier le tir. "Les chiffres de l’Ansd sont crédibles", a reconnu vendredi Amadou Hott qui se dit pourtant "conscient" qu’il faut "faire beaucoup plus". "D’ailleurs, c’est ce que le gouvernement est en train de faire : plus, mais aussi mieux. Il ne s’agit pas seulement de dépenser plus, mais il s’agit de dépenser mieux. Donc, l’efficacité des politiques publiques, c’est un sujet extrêmement important. C’est majeur et c’est la raison pour laquelle nous faisons ces orientations pour recueillir les préoccupations pour qu’on puisse faire remonter tout cela au niveau du gouvernement, des institutions, pour que tout le monde fasse le suivi. La pauvreté est là. On ne peut pas nier qu’il y a le nombre de pauvres qui augmente. Dans tous les pays du monde d’ailleurs, le nombre de pauvres augmente. Mais le taux de pauvreté peut diminuer et augmenter, selon le taux de croissance", a expliqué Amadou Hott.

Des rectificatifs et précisions qui arrivent sans doute un peu tard. Pourtant, une communication assez réfléchie de Hott aurait pu éviter à l’Ansd une telle polémique. D’autant plus que le gouvernement ne manque pas d’arguments pour expliquer la hausse du nombre de pauvres, ces dernières années marquées par un contexte international difficile. Et nul doute que cette enquête qui date de 2018 aurait des chiffres plus catastrophiques si elle avait pris en compte les dégâts causés sur l'économie par la pandémie de Covid-19.