NETTALI.COM - Le Mouvement pour la défense de la démocratie (M2D) a présenté son mémorandum sur les événements meurtriers de mars dernier, occasionnés par l’affaire Ousmane Sonko/Adji Sarr. Pour Cheikh Tidiane Dièye  et Cie, dans cette affaire, l’Etat du Sénégal est responsable du début à la fin.

Si pour l’Etat, le coupable des événements de mars dernier avec son cortège de morts s’appelle Ousmane Sonko, pour le Mouvement pour la défense de la démocratie (M2D), le seul et unique coupable est le Président Macky Sall.

Après le mémorandum du gouvernement présenté par le ministre des Affaires Étrangères, Sidiki Kaba, qui a lavé à grande eau l’Etat du Sénégal, l’opposition a aussi livré sa part de vérité ce mercredi. Selon le porte-parole du jour, Cheikh Tidiane Dièye, le mémorandum est élaboré pour présenter les causes, le déroulement et les implications des événements dramatiques qui ont ensanglanté le Sénégal durant la période de février à mars 2021. Avec ses 55 pages, il est axé autour de neuf points.

«Ce mémorandum déconstruit le discours partiel et partial du Gouvernement du Sénégal et met à nu les fausses certitudes, les récits tronqués des faits et les occultations volontaires, précise d’emblée Cheikh Tidiane Dièye. Ce mémorandum jette une lumière crue sur les responsabilités du Gouvernement qui, au moment où d’autres gouvernements s’évertuaient à trouver des solutions politiques et économiques pour soulager leurs populations durement affectées par la pandémie du Covid-19, a préféré mobiliser tout son arsenal de répression pour détruire un adversaire politique et anéantir la démocratie.»

Macky Sall, surnommé "tueur en série" d’opposants politiques»

Élément déclencheur des événements de mars dernier, l’affaire Ousmane Sonko-Adja Sarr n’est, pour le M2D, qu’un sordide complot d’Etat, qui entre en droite ligne avec le vœu du Président Macky Sall de «réduire l’opposition à sa plus simple expression». «Le Président Macky Sall s’acharne à anéantir toute possibilité d’alternance politique en instrumentalisant le pouvoir judiciaire et parlementaire à défaut d’obtenir un ralliement politique inconditionnel des leaders de l’opposition», se désole Cheikh Tidiane Dièye. Le M2D en veut pour preuve, les cas Khalifa Sall et Karim Wade «arbitrairement emprisonnés, jugés et condamnés (…) Karim Meissa Wade et Khalifa Ababacar Sall étaient perçus par le Président Macky Sall comme une menace pour l’obtention par lui d’un second mandat. Ces derniers ont été privés de leurs droits électoraux et Idrissa Seck, deuxième de l’élection présidentielle, a rejoint la coalition au pouvoir. Cette conjonction de circonstances fait de Ousmane Sonko, député a l’Assemblée nationale, arrivé troisième à la présidentielle, une sérieuse entrave aux tentatives illégales et antidémocratiques de monarchisation du Sénégal par Macky Sall et son régime. La tentative de liquidation de Ousmane Sonko, farouche opposant, entre en droite ligne de l’accomplissement de ce dessein anti-démocratique déroulé depuis 2012. Les conséquences tragiques qui en ont découlé sont donc de l’unique, pleine et entière responsabilité du Président Macky Sall.»

«On a utilisé le corps de la femme comme arme pour liquider un opposant gênant»

Au deuxième point de son mémorandum, le M2D se désole du modus operandi utilisé pour faire «tomber» le leader du Pastef, Ousmane Sonko. Cheikh Tidiane Dièye : «Pour la première fois au Sénégal, on en est arrivé à ce niveau de bassesse. Si pour écarter Karim Wade et Khalifa Sall, le régime anti-démocratique de Macky Sall a procédé par des accusations d’enrichissement illicite et de malversations, la méthode utilisée pour en finir définitivement avec Ousmane Sonko est beaucoup plus pernicieuse. Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal, on a utilisé le corps de la femme comme arme pour liquider un opposant gênant et tenter sans succès de diviser le pays en instrumentalisant les associations de défense des droits de la femme. Le scénario mal ficelé et la fuite des procès-verbaux ont vite mis en lumière un complot et compromis le funeste projet. Pour réussir son coup, le Président Macky Sall n’a pas hésité à manipuler une jeune femme qui a mal joué son rôle. Confrontée dès les premières heures, à ses propres contradictions et aux faits, l’accusation s’est rapidement effondrée.» Les actes qui ont suivi l’accusation ont justifié, selon le M2D, les débordements notés dans presque tout le Sénégal. Actes qui ont pour noms restrictions des libertés et immixtion arbitraire dans la vie privée du député Ousmane Sonko, convocation illégale, violation de la présomption d’innocence, violation de la procédure parlementaire de levée de l’immunité, procédure d’inculpation viciée, arrestation arbitraire.

«La plupart des victimes ont été tuées par balles»

Dans son mémorandum, le M2D a dénombré 13 morts âgés entre 12 et 35 ans. Des morts, fruit d’une répression aveugle et disproportionnée de l’Etat. «La Croix rouge sénégalaise (Crs) a dénombré par rapport à ses champs d’intervention, 590 victimes dans la région de Dakar, à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) et dans les villes secondaires de Mbacké, Touba et Bignona. Le rapport de la Crs n’indique pas le nombre de morts, mais précise que son assistance humanitaire a mobilisé «316 secouristes auprès de 590 manifestants blessés. Les volontaires du M2D ont établi une liste de plus de 60 blessés graves et 13 morts, âgés entre 12 et 35 ans. En ce qui concerne les cas de tortures et de mauvais traitements, une prise en charge par des journalistes et des pigistes voire des envoyés spéciaux de médias internationaux a été signalée (voir la série d’articles parue dans «Le Monde» dans la section annexe). Un bref survol des certificats de genre de mort des victimes tombées du fait de la brutalité de la répression indique que la plupart des victimes ont été tuées par balles. Une information vidéographique publiée par France 24 (voir en annexe) a montré un policier tenant en joue une jeune victime avant de tirer. Elle s’est écroulée aussitôt, ce qui montre, au moins dans ce cas précis, un meurtre commis de sang-froid par un membre des forces de sécurité. Sur la base de vidéos reportages qui se passent de commentaires (voir dans les annexes) des journalistes ont pu noter des cas de violences qui exigent que toute la lumière soit faite sur les blessés et les morts. Les estimations de la Croix rouge sénégalaise restent pour l’heure les plus dignes de foi (590 blessés signalés).»

«Des plaintes contre l’État du Sénégal devant les juridictions nationales, régionales et internationales»

Toujours dans son mémorandum, le M2D constate, pour le regretter, qu’après les événements, dans une démarche ouvertement guerrière, le chef de l’Etat a menacé les forces démocratiques lors du Conseil présidentiel sur l’insertion et l’emploi des jeunes, le jeudi 22 avril dernier, en ces termes : «Il ne faut pas qu’on croit un seul instant que l’Etat est faible.» La menace s’est précisée lorsqu’il ajoute que «la prochaine fois ce sera différent.» Une déclaration qui, selon le M2D, laisse entrevoir que Macky Sall s’arme et prépare des répressions encore plus violentes contre son peuple, comme en augure sa décision, au lendemain des évènements, d’acquérir des équipements de répression policière et de recruter 3 000 policiers et 3 000 gendarmes. «La responsabilité directe du Chef de l’Etat est en jeu ici puisqu’il est le chef suprême des forces armées et qu’il a tenu un double langage au sujet de la violence observée dans les rues de la capitale et des villes secondaires. Déterminé à rendre justice aux victimes et à faire en sorte que tels crimes ne restent pas impunis et ne se reproduisent plus au Sénégal, le M2D décide de poursuivre leurs auteurs et leurs commanditaires, l’Etat du Sénégal, devant les juridictions nationales, régionales et internationales. Des plaintes sont en préparation à cet effet. Le M2D exige de l’Etat l’indemnisation des familles des victimes assassinées et des personnes ayant subi des dommages corporels. Le Président Macky Sall n’a toujours pas daigné recevoir ces familles. Le M2D exige enfin un traitement judiciaire diligent et impartial de ce dossier d’accusation qui, en aucun cas, ne saurait être une entrave aux activités politiques, professionnelles et privées de Ousmane Sonko ou une épée de Damoclès judiciaire, encore moins un instrument de liquidation d’un adversaire politique craint et appelle le peuple, seul souverain, à rester vigilant et mobilisé pour combattre toute tentative de forfaiture contre la démocratie, les droits et libertés fondamentaux ; et à exercer son droit - inaliénable, légitime, naturel et constitutionnel - à la résistance à l’oppression», soutiennent les membres du M2D.