NETTALI.COM - Entre les financements des partenaires européens pour la lutte contre l’immigration irrégulière et les envois de la diaspora, le Sénégal a bénéficié, entre 2005 et 2019, de ressources considérables dont l’utilisation n’a pas enclenché un développement inclusif apte à résoudre l’équation de l’émigration irrégulière.

L’arrestation du président de l’ONG Horizon sans frontières a mis la lumière sur les fonds européens reçus par le Sénégal, dans le cadre de lutte contre l’émigration irrégulière. Dans le rapport intitulé “Projets et programmes migratoires au Sénégal : une avalanche de financements pour des résultats mitigés’’, commandé par la fondation Heinrich Böll Sénégal, il est relevé une mauvaise gouvernance de la migration conduisant le pays à une mauvaise utilisation de ressources conséquentes.

En effet, l’étude convient qu’une mise en perspective des montants levés pour des projets et programmes relatifs aux migrations (au moins 200 milliards de francsCFAentre2005et2019),avec les transferts financiers des émigrés sénégalais vers le Sénégal, qu’ils aient émigré de manière régulière ou non, permet de constater un montant s’élevant à 8 000 milliards de francs CFA sur la même période. Encore que ces chiffres tiennent uniquement des flux formels.

Selon les statistiques disponibles, l’évolution croissante des envois de la diaspora sénégalaise a contribué à hausser significativement la part des transferts dans le PIB du Sénégal, de 8,6%en 2007à12,1%en2017.Etauvudecette évolution, souligne le rapport, la mobilité internationale des Sénégalais apparait comme une ressource économique majeure que des politiques anti-migratoires ne viendraient que restreindre. “Plutôt que de ‘réguler la migration’, les autorités sénégalaises auraient donc tout intérêt à engager une réflexion sur la manière dont cette ressource pourrait être mieux valorisée. Si quelques initiatives ont été adoptées en ce sens, notamment la création du Fonds d’appui au Sénégalais de l’extérieur, celles-ci sont limitées et ne semblent pas être à la hauteur des enjeux; sans doute parce qu’elles pourraient être perçues comme allant à l’encontre des attentes des partenaires techniques et financiers du Sénégal’’.

Le désir de satisfaire ces bailleurs fait que les projets et programmes relatifs aux migrations mis en œuvre au Sénégal s’apparentent bien plus à des politiques et programmes “antimigratoires’’. La communication s’attelle à déprécier et à discréditer l’émigration pour mieux enjoliver des itinéraires de réussite “sur place’’. Ce qui contribue “au niveau individuel, à enfermer les candidats à l’émigration dans leurs espaces comme pour les amener à intérioriser la négation de leur désir de mobilité. Et au niveau institutionnel, à ignorer les bénéfices que cette mobilité pourrait apporter au Sénégal’’.

Pour inverser la tendance, des recommandations ont été faites dans cette étude sur les projets et programmes migratoires sur les 15 dernières années. Il s’agit de “veiller à une meilleure connaissance des dynamiques migratoires afin de développer des politiques, projets et programmes inclusifs, durables et articulés aux problèmes et réalités des migrants et des candidats à l’émigration, des migrants de retour et des immigrés au Sénégal’’.

Les spécialistes préconisent également la création d’un ministère chargé des questions migratoires “ayant pour mandat d’assurer la mise en œuvre de la politique nationale de migration et la coordination des interventions relatives à la migration’’. Enfin, l’étude recommande le renforcement de la gestion locale des migrations en impliquant les collectivités territoriales, les représentants des diasporas, les organisations de la société civile et le secteur privé des territoires d’origine et de destination.

(Avec Enquête)