NETTALI.COM – Macky Sall va-t-il former un « gouvernement de mission » qui restera concentré sur la nécessité d’engager les réformes liées au plan de relance ou va-t-il encore faire la part belle à la politique politicienne ? Les supputations ne manquent pas depuis l’annonce du remaniement.

Alea jacta est ! Evoqué depuis plusieurs mois déjà, le remaniement tant attendu va intervenir très prochainement, après la dissolution, ce mercredi 28 octobre du gouvernement.

Il est vrai que les signes annonciateurs ne manquaient pas, d’autant plus que Macky Sall avait demandé aux ministres de déclarer leur patrimoine avant la fin août. Récemment en conseil des ministres, il avait également été fait injonction  aux membres du gouvernement de préparer les documents afférents au vote du projet de budget 2021, en des termes qui amènent à deviner que ces derniers devaient laisser d’autres se rendre à l’Assemblée nationale pour défendre ledit projet.

La recrudescence du phénomène de l’émigration clandestine, avec son lot de morts, doit exercer quelque pression sur le président de la République, qui subit aussi les contrecoups négatifs de la progression du coronavirus ayant durement affecté l’informel , les sous- secteurs de l’hôtellerie, du tourisme et du transport où de nombreuses pertes d’emploi et des baisses sensibles de revenus, ont été notées. Dans une interview accordée à Financial Times et parue le 23 juin dernier, le chef de l’Etat a intégré la perspective d’une récession économique, devant l’ampleur des dégâts causés par le coronavirus. « L’impact économique est énorme. Au cours des 5 dernières années, le Sénégal a connu une croissance annuelle de pas moins de 6,5%. Maintenant, même si tout se passe bien, la croissance sera de 1%. Si cette pandémie de poursuit, nous serons en récession, cela ne fait aucun doute », avait dit le président de la République Macky Sall.

Appréhendant les conséquences d’un tel scénario, Mamour Cissé a, lors d’un entretien avec ITV en juin 2020, mis l’accent sur les 90% de la population qui sont dans l’informel et qui pourraient subir cette récession, faute d’un schéma formel de reconversion. Il en veut pour exemple :  « En cette période de l’année, avec la proximité de la Tabaski, l’argent qui s’échangeait autour de Sandaga,  s’établissait à 5 milliards, aujourd’hui c’est moins de 2 milliards ».

Mamour exhortait le gouvernement à changer de cap en mettant l’accent sur l’agriculture qui doit porter la croissance et aider à régler le problème de l’autosuffisance alimentaire. « Il nous faut des industries de substitution par rapport à l’importation. Notre vallée (du fleuve Sénégal) peut nourrir toute l’Afrique de l’Ouest, pour autant qu’il y ait la volonté politique. Il faut encadrer les paysans pour pouvoir capitaliser sur les subventions de l’Etat au secteur. Ceux qui bénéficient  des engrais sont bien localisés et identifiables. Il faut que l’Etat interdise l’importation de riz pour inciter à la consommation du riz de la vallée. D’ici 3 ans, il nous faut atteindre une production de 1500 000 tonnes de riz. Ce qui a soutenu la création du Fonds de promotion économique (Fpe), c’est cette ambition de fixer de façon durale les populations à l’intérieur du pays », renchérit Mamour Cissé.

Toutes choses qui font que Macky Sall avait besoin d’une bouée de sauvetage, quand bien même les théoriciens du Gouvernement de majorité présidentielle élargie s’attendaient à ce scénario depuis longtemps.

A coup sûr, le président Sall cherche l’équipe à même de donner corps à sa volonté de passer « de la résilience à la relance », avec le Programme d’actions prioritaires 2 (PAP2A), lancé le mardi 29 septembre pour, prétendument, faire face aux conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. Ce « plan d’attaque économique » doit engager un peu plus de 14 000 milliards de francs CFA (22,4 milliards d’euros) d’investissements d’ici 2023, mettant le curseur sur une série de réformes dans les secteurs fondamentaux comme l’agriculture, le tourisme ou encore la santé. Macky Sall avait même pressé les ministres Amadou Hott, Abdoulaye Diouf Sarr ou encore le directeur général de l’Apix, Mountaga Sy, lors du dernier conseil présidentiel, d’accélérer les réformes. C’est ainsi qu’il souhaita que des structures qui s’occupent de financer les projets de l‘Etat soient regroupés en un holding.

Toutefois, des voix dans l’opposition soupçonnent le chef de l’Etat de vouloir profiter de ce remaniement pour recaser des « transhumants » et se donner une longueur d’avance en direction des locales. Interrogé ce mercredi par Sen Tv, Doudou Wade, une haute figure du Parti démocratique sénégalais, déclare ne rien attendre de ce gouvernement. Il accuse Macky de déstabiliser l’opposition et de se préparer pour un 3e mandat.

Qu’à cela ne tienne ! Le dévoilement de la liste du nouveau gouvernement permettra, peut-être, de deviner les intentions de Macky Sall.

D’autres évoquent une restauration de la Primature. Sauf que pour ce faire, il faut une nouvelle loi. Or, le temps presse ! Sera-ce pour maintenant ou bien plus tard ? Quel que soit l’option du président Sall, toute personne nommée au poste de Premier ministre sera perçu comme le dauphin. Ce qui est source de conflits préjudiciables à l’esprit d’équipe. A moins que celui-ci ne soit un technocrate, loin du monde de la politique.