NETTALI.COM - Le ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale n’entend pas répondre à une convocation de l’Ofnac, dans le cadre de la gestion du fonds Force-Covid-19. Si Mansour Faye explique que l’organisme n’a pas les prérogatives de convoquer un ministre, les textes de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) disent le contraire, ainsi que le rappelle le Pr. Ngouda Mboup de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Mansour Faye, invité hier à l’émission "Grand Jury" de la Rfm, a déclaré qu’il ne va pas déférer à une convocation de l’OFNAC, au sujet de la gestion des 63 milliards destinés à l’achat de vivres, dans le cadre des actions initiées pour juguler les contrecoups du coronavirus.

Dans sa livraison de ce lundi, le journal "Enquête" a listé les raisons pour lesquelles le corps de contrôle peut bel et bien entendre le beau-frère du chef de l'Etat. A ce propos, rappelle le journal, l’article 3 de la loi n°2012-30 du 28 décembre 2012, portant création de l’Ofnac, souligne que l’office “est notamment chargé de collecter, d'analyser et de mettre à la disposition des autorités judiciaires chargées des poursuites, les informations relatives à la détection et à la répression des faits de corruption, de fraude et de pratiques assimilées, commis par toute personne exerçant une fonction publique ou privée ; de recommander toutes réformes, législative, réglementaire ou administrative tendant à promouvoir la bonne gouvernante, y compris dans les transactions commerciales internationales ; de recevoir les réclamations des personnes physiques ou morales se rapportant à des faits de corruption, de pratiques assimilées ou d'infractions connexes ; de formuler, sur la demande des autorités administratives, des avis sur les mesures de prévention, ces avis ne pouvant être divulgués’’.

Dans le cadre de l'exécution de ses missions, l'Ofnac peut entendre toute personne présumée avoir pris part à la commission de l'un des faits prévus au 1° de l'article 3 de la présente loi ; recueillir tout témoignage, toute information, tout document utile, sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé ; demander aux banques et établissements financiers tout renseignement, sans que le secret bancaire ne puisse lui être opposé’’, dit la loi.

La loi précise, en outre, que l'Ofnac peut s'attacher les services de tout sachant susceptible de lui apporter son concours et ses membres ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité, dans le cadre de leurs missions’’. Mieux, l’article 101 de la Constitution stipule que “(…) le Premier ministre et les autres membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute cour de justice. (...).

Ce qui fait dire à l’enseignant chercheur de droit public FSJP/ Ucad, Mouhamadou Ngouda Mboup, que l’Ofnac peut bel et bien convoquer un ministre pour s’expliquer sur une affaire bien précise, relative à la corruption ou la fraude. Il trouve d’ailleurs incompréhensibles les propos du maire de Saint-Louis.

D’après Mouhamadou Ngouda Mboup, “aucun article de la Constitution n’interdit la convocation d’un ministre par l’Ofnac. L’Ofnac a tous les pouvoirs, dès lors qu’il n’empiète pas sur des enquêtes en cours ou à venir et notamment des enquêtes judiciaires. Il y a une tentative à faire dire à l’article 101 de la Constitution ce qu’il n’a pas dit’’. Le juriste relève, en outre, qu’en cas de plainte, l’office doit auditionner les concernés, dans le cadre de la recherche de la vérité. Monsieur Mboup pense ainsi que c’est normal que l’Ofnac convoque toutes les parties et la version de Mansour Faye est obligatoire, car, rappelle-t-il, la plainte lui est destinée.

L’enseignant-chercheur de droit public FSJP/Ucad se dit également surpris de la position de Mansour Faye, par rapport au fonds ForceCovid-19’’. “Ça m’a étonné qu’il dise qu’il n’a aucun compte à rendre au Force-Covid-19. C’est abusé, de sa part. Il est en train de remettre en cause la gestion du président qui a pris le décret de création du ForceCovid-19. On ne lui demande que d’envoyer des factures, mais il sait très bien qu’il y a eu des erreurs, des manquements et je pense qu’il a peur’’, laisse entendre M. Mboup.

Pour mémoire, deux plaintes ont été déposées contre Mansour Faye devant l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac).
Il s’agit, en effet, d’une plainte du mouvement Front pour une révolution anti-impérialiste panafricaine et populaire (Frapp), déposée le 17 avril dernier, contre le maire de Saint-Louis et le député Demba Diop Sy, Directeur général de la société UDE, pour délit de favoritisme et conflits d’intérêts, dans le cadre de la distribution de l’aide alimentaire destinée à atténuer les impacts du coronavirus.

La seconde plainte a été déposée 24 heures plus tôt par le président du parti Forces démocratiques du Sénégal/Les Guelwaars, le Dr Babacar Diop, pour “faits de fraude, de corruption, de pratiques assimilées et d’infractions connexes", contre le ministre et l'homme d'affaires Rayan Hachem.