NETTALI. COM - Pour permettre aux Turcs de Tosyali d’installer leurs sidérurgiques dans la zone économique spéciale qui leur a été concédée à Bargny et à Sendou, l’Etat fait planer des menaces d’expulsion sur des populations de la zone.

Un supplice continu pour les populations de Bargny. Affaibli par la Sococim, étouffé par la centrale à charbon et le port minéralier, Bargny doit maintenant, faire face à un énième uppercut environnemental, dont il lui sera difficile de se relever. Selon EnQuête, 99 hectares ont à nouveau été amputés de ses terres et de Sendou pour abriter une zone économique spéciale et un complexe sidérurgique, alors même que les populations n’ont pas fini de pleurer la centrale polluante à charbon aujourd'hui à l'arrêt. Le pire, pour certaines populations qui risquent d’être impactées, c’est le flou total qui entoure le projet turc.

A 65 ans, Moussa Mbengue bout de rage. Interpellé sur les risques de déplacement qui pèsent sur sa famille et sur une partie de son quartier Wakhandé, il peste : “Le plus désolant, c’est que jusqu’à présent, aucune autorité n’est venue nous parler, de façon formelle, de cette volonté de nous déguerpir. Même pas le maire que nous avons pourtant élu. Nous entendons juste des rumeurs. C’est un manque de respect notoire. Nos maisons, nous les avons acquises dans la dignité. Des Turcs ne peuvent pas venir comme ça nous faire déloger comme du bétail. Embauchant la même trompette, Omar Guèye jeune enseignant établi depuis moins de deux ans dans ledit quartier, dénonce avec vigueur le procédé jusque-là emprunté par l’Etat et ses démembrements. “Imaginez, souligne-t-il, après leur première visite, quand nous nous sommes rapprochés d’eux pour des explications, les représentants de l’Etat nous ont dit qu’ils se sont trompés de site, que cette zone n’est pas concernée par le projet de Tosyali. Cela montre combien ces gens ne nous respectent pas. Comment un préfet peut se déplacer avec toute son équipe de façon si hasardeuse ? Mais nous avions compris qu’ils essayaient juste de nous endormir. Jusqu’à présent, c’est le flou total’’.

Sur place, c’est un nouveau quartier qui sort de terre. La plupart des occupants ont quitté la promiscuité des populeux quartiers traditionnels de Bargny, pour s’implanter sur ces terres neuves. D’autres y ont acheté des lopins pour échapper à la furie des eaux de l’Atlantique, dont l’avancée vers le continent semble irréversible.

Pour le moment, les populations soutiennent que 20 habitations sont concernées par les déplacements. Mais rien de précis, s’empresse d’ajouter le vieux Mbengue, qui y voit même un leurre. “Ils le disent juste pour diviser les riverains. C’est une stratégie connue des autorités. Elles ne donnent jamais, au début de leur initiative, le nombre exact de personnes concernées. Elles donnent un petit chiffre pour ne pas avoir à faire face à une forte mobilisation des populations. J’exhorte tout le monde à se mettre à l’évidence que si ces 20 maisons disparaissent, elles aussi vont disparaître. Et quand la case de Birama brûle, chacun doit se sentir concerné…’’, philosophe-t-il.

Encore que, soutient le retraité, rien de sérieux n’a encore été décidé. Juste de l’arrogance et du mépris envers les populations. “Lors de leurs visites, elles garaient leurs voitures là ; elles ont fait le tour du périmètre ; mais elles ne nous saluaient même pas ; même pas un petit bonjour’’, rouspète-t-il courroucé.

Et d’ajouter : “Je les ai alors poursuivis et les ai interpellés sur les raisons de leurs visites répétitives. Mais ils n’ont donné aucune explication claire. Le préfet nous a juste dit qu’il ne peut ni confirmer ni infirmer quoi que ce soit. Voilà où nous en sommes. Voilà comment les autorités sont en train de jouer avec nous, alors que nous habitons ici avec nos familles.’’

Pendant que les populations ignorent encore à quel saint se vouer, le promoteur, lui, semble mettre les bouchées doubles pour réaliser son projet, conformément à l’autorisation des pouvoirs publics. Outre les levées topographiques qui ont été faites des enquêtes ont aussi été effectuées dans certaines maisons pour évaluer le nombre de pièces. “Est-ce qu’on peut même parler d’enquête ? Il n’y avait rien de sérieux. Ils sont en tout cas entrés dans les maisons et ont compté le nombre de pièces. C’est tout. Ils l’ont fait à deux reprises’’, rapporte Omar Guèye. Ce jour-là, s'indigne encore Paa Mbengue, “ils ont trouvé des gens en train de prendre leur petit-déjeuner. Et ils ont dit : « Oui nous sommes venus évaluer le nombre de pièces dans les maisons… On leur a ouvert nos portes et ils ont fait leur travail. Parce que nous, nous respectons les autorités. Ce sont elles qui ne nous respectent pas »