NETTALI.COM - Mamour Fall est expert-comptable, par ailleurs coordonnateur du comité d’urgence Covid-19 du Club des investisseurs du Sénégal. Invité à l’émission « Jury du dimanche » ce 26 avril, il a décortiqué le plan de  résilience porté par le président de la République, se focalisant sur les  deux ordonnances : celle interdisant tout licenciement en cette période sauf en cas de faute lourde et la deuxième relative aux mesures fiscales en soutien aux entreprises dans le cadre de la pandémie du Covid-19.

« Je pense que cette crise a une particularité : c’est d’être invasive et imprévisible et au point de vue économique, c’est un véritable désastre parce que lorsque l’entreprise ne peut plus fonctionner, lorsque les activités économiques ne peuvent plus tourner, il n’y a plus de création de richesse dans un pays et ça, c’est quelque chose de particulièrement difficile surtout pour un pays comme le nôtre qui cherche à aller sur la voie de l’émergence. Il n’est pas du tout possible de rester sans activité », dira d’emblée l’invité de Iradio.

C’est ainsi qu’il fera remarquer que « le secteur privé sénégalais commence à être sinistré ». « On ne peut pas mesurer les dégâts. Quand on est dans un champ comme celui-là, dans un champ de crise aussi grave, on ne peut pas mesurer l’ampleur des dégâts.  On ne peut que le faire au fur et à mesure », déclare cet expert-comptable.

A la question de savoir pourquoi le club des investisseurs avait déchiré la première ordonnance du président de la République.

Mamour Fall répond : « Ni le club des investisseurs, ni aucun membre du Cis n’aurait osé déchirer une ordonnance surtout venant de l’autorité suprême de notre pays. Nous avons beaucoup apprécié la célérité avec laquelle l’Etat du Sénégal a pris les mesures de sauvegarde. La première ordonnance n’était pas controversée mais c’était plutôt son caractère fort qui dit interdiction totale de licenciement. Forcément cela crée un choc parce que dès lors qu’il n’y a plus de possibilité d’activité, on ne sait plus ce que l’on fait avec les salariés. Mais en réalité, l’ordonnance ne comportait pas que cela. Car elle dit que vous avez la possibilité d’utiliser toutes les mesures sociales qui sont prévues dans le dispositif du droit du travail ».

Le 30 avril est une date importante

Au rayon de la deuxième ordonnance prise par le président de la République, M. Fall de nous informer que celle-ci  vient concrétiser une proposition déjà faite à l’Etat. « C’est de dire que dans les mesures alternatives au licenciement, l’Etat demande à ce que les salaires payés ne soient pas inférieures à 70%. Notre demande était la suivante : puisque ce salaire est dans une période de crise, il ne faudrait pas que l’Etat demande le paiement de l’impôt qui est assis sur ce salaire. Ce qu’on appelle les retenues à la source. Cette deuxième ordonnance donne droit à cette demande. C’est-à-dire l’Etat accepte de renoncer au paiement des impôts dus sur les salaires. C’est une mesure positive. Cette ordonnance donne un ballon d’oxygène aux entreprises qui pouvaient être en difficulté dans le cadre d’une mesure de chômage  technique. De manière progressive, l’Etat prend en compte les réalités du terrain et l’ampleur de la crise ».

Pour ce membre du Club des investisseurs, il y a deux solutions dont l'une postule que les entreprises fassent leur dépôt d’états financiers « puisque les états financiers sont le support de la déclaration d’impôt des sociétés ». « Par conséquent déposer une déclaration d’impôt sans les états financiers parait compliqué. Donc, il y avait le choix de dire : on ne change rien. En ce moment-là, le 30 avril, les entreprises déposent leurs états financiers et paient le deuxième acompte d’impôt. Celles qui ne peuvent pas finir la préparation de leurs états financiers pour des contraintes quelconques demandent à avoir un report de délai. Mais déposer la déclaration alors que les états financiers ne sont pas encore prêts risque de compliquer. Autant faire une seule déclaration à un moment donné, à un délai donné et s’en arrêter là », avertit-il.

« Par contre, je comprends le souci de l’administration fiscale de ne pas louper ce rendez-vous dans son agenda de collectes de recettes parce que le 30 avril est une date importante. C’est la date à laquelle les sociétés versent le deuxième tiers sur le montant de l’impôt qu’elles doivent au titre des bénéfices réalisés sur l’exercice précédent. L’objectif est d’atteindre plus de 1700 milliards de recettes fiscales. Je ne sais pas si cet objectif sera toujours d’actualité. Je pense que c’est le moment de faire des révisions. On est face à des aléas aussi importants que la crise que nous vivons actuellement qui est en train d’amener le monde économique à s’arrêter totalement. Nous sommes dans une situation où les prévisions budgétaires qui tablaient sur 1700 milliards de francs CFA pour l’année 2020 qui étaient basés sur la capacité du pays à générer la production de richesse étant bloqué, l’Etat aura du mal à atteindre cet objectif », termine-t-il son propos.