NETTALI.Com – L’ex-porte-parole du Parti démocratique sénégalais a, dans un entretien accordé au quotidien EnQuête ce samedi, expliqué comment est née l’Alliance Suxali Soppi, dans la foulée de la crise qui secoue présentement cette formation politique. C’est ainsi qu’il est revenu sur le contenu des échanges qu’il a eus avec Karim Wade à Doha.  

De l’avis de Babacar Gaye, le chamboulement opéré dans le top management du Pds procède d’une logique secrètement coordonnée par Me Abdoulaye Wade et son fils, Karim.

"Personnellement, j’ai passé deux jours à Doha. Nous avons profondément discuté de toutes les questions de stratégie et de réforme. A ma grande surprise, depuis que j’ai quitté Doha, c'est le black-out total. Je n’ai plus eu de nouvelles du président. Karim Wade ne me parlait plus. Le président Wade ne me consultait plus. Il arrive à Dakar pour me balancer à la figure, lors de notre dernier Comité directeur : “Mais tu es là ! Il paraît que tu es parti.” Il semblait étonné de me voir à cette réunion. Il a commencé à dire : “On m’avait dit que tu étais parti. Où est Omar Sarr, Omar Sarr ?’’ Il se tourne alors et tombe sur Mayoro et lui dit : “Mayoro, on ne m’avait pas dit que Babacar Gaye était parti ?’’ Mayoro lui répond : “Monsieur le Président, qui vous l’a dit ?’’ Et Wade lui rétorque : “Ok, ce n’est pas grave. Comme il est là, ça va.’’ Je suis resté zen. Je n’ai pas répondu pendant tout le temps qu’il parlait. C’est en ce moment que j’ai compris que quelque chose s’était passée ou était en train de se passer. On ne s’est pas vu jusqu’à ce qu’il m’enlève du poste de porte-parole pour nommer Me Sall qui, apparemment, ne leur a pas donné satisfaction. Ils ont décidé de l’enlever, d'exclure Omar Sarr du Secrétariat national. Il me rétrograde. Alors, nous nous sommes dit que ces gens-là sont en train de s’organiser pour nous écarter et qu'il fallait le refuser. C’est ainsi qu’est née l’Alliance Suxali Soppi", détaille l’ex-directeur de cabinet du président Wade, dans les colonnes de EnQuête.

A la question de savoir comment il a  vécu son éviction du poste de porte-parole, il dira :  "Cela ne m’a rien fait. Au contraire, j’ai dit “Alhamdoulilah’’ (Dieu soit loué). Il est difficile d’être porteparole du Pds, surtout de Me Abdoulaye Wade. Un homme comme moi, attaché à sa liberté de pensée et d'action, ne peut pas se contenter de transmettre les désirs d’un quelqu’un. J’ai mon opinion sur la marche du pays. J’ai des idées à défendre. Je préfère être libre de défendre mes opinions et de faire des propositions que de s'honorer d'être la “voix de son maître”. C’est pour cela que j’étais heureux, quand on m’a enlevé du poste de porte-parole. D'autant que cela n'avait aucune signification pour moi. Car, depuis le 25 août 2016, j’avais déjà démissionné de cette fonction et de celle de secrétaire national à l'orientation, aux stratégies, chargé des reformes, par courrier adressé au secrétaire national du parti. C’est Karim Wade en personne qui m'a supplié de ne pas rendre publique la lettre. J’avais démissionné parce que je n’étais pas satisfait de la manière dont les choses se passaient. J’avais surtout rendu mes fonctions de secrétaire national chargé de l’orientation, des stratégies et des réformes parce que je savais que si on ne réfléchissait pas sur les réformes et changer les manières de faire du parti, on risquerait de disparaître. Je ne voulais pas être tenu personnellement responsable d'un échec que je voyais pointer du nez. Aujourd'hui, s’il décide de m’enlever de ce poste sur insistance de Karim qui préférait que l'on me renvoie du Pds, c’est comme s’il me soulage".

Toutefois, Babacar Gaye souligne qu’il s’opposera à "l’illégalité et à l’inopportunité de cette décision".

"Certains me diront que dans un passé récent, je n'étais pas d’accord avec Oumar Sarr et Me Sall. C’est vrai. Mais notre désaccord se justifiait à cause de leur passivité face aux agissements de Karim Wade et ses hommes dans le parti. Certainement, ils avaient des griefs contre moi. Mais aujourd’hui, tout le monde se rend compte que j’avais raison sur ce point et ce que je redoutais est arrivé. Karim Wade et les “karimistes’’ sont en train de tenter une Opa sur le parti. Ce parti qui  est nôtre. Je ne peux pas comprendre que des gens qui n’ont pas la carte du Parti démocratique sénégalais puissent être nommés à des hautes fonctions avec des responsabilités de management, coiffant, commandant des généraux qui sont responsables de fédération ou de section. Cela signifierait qu’au Pds on n’a pas besoin de mérite politique ou de représentativité. Il suffit juste d’être l’ami de Karim Wade, avoir sa confiance pour occuper des postes hiérarchiquement au-dessus de ceux qui ont blanchi sous le harnais. C’est inacceptable ", dénonce le frondeur.