NETTALI.COM - Pour un accueil, celui réservé aux «Lions» a été bien triomphal. C’est une foule en liesse, indescriptible qui est allée acclamer, à l’aéroport, les joueurs de l’équipe nationale, de retour de la Can 2019 où ils ont obtenu une seconde place. Ils devaient être bien surpris ces chers «Lions», ils n’ont pas dû certainement s’attendre à pareil accueil. Ils n’ont en tout cas rien à envier aux fennecs d’Algérie, pourtant champions, reçus eux aussi, en grande pompe à Alger.

Les prémisses d’une ambiance de victoire étaient déjà perceptibles au Sénégal, la veille de la finale. L’on avait noté des quartiers entiers décorés aux couleurs du drapeau du Sénégal. Un sentiment de fierté nationale, manifesté à travers tout le pays. Sur les routes, dans les quartiers, l’on avait senti un grand engouement, surtout chez les jeunes et parfois même chez des adultes, arborant le maillot de l’équipe nationale (vert-blanc, blanc-vert) et d’aucuns faisaient même preuve d’une grande créativité en se drapant de tenues aux couleurs nationales vert-jaune-rouge dans des styles bien originaux. Des fans zones ont été improvisés dans des quartiers et des monuments de fortune édifiés à l’aide de pneus, aux couleurs nationales. Bref, un grand moment d’euphorie teinté d’un grand optimisme quant à la victoire future des «Lions» ainsi qu’un sentiment de fierté nationale largement partagé, étaient observables. Les médias se sont bien frottés les mains, réalisant des reportages sur les sujets, des plateaux télé ; la presse écrite relatait les indiscrétions, évoquaient les coulisses, immortalisaient certains moments ; pour les sites d'information, c'était une aubaine, piquant par ci, par là des extraits de photos, vidéos, temps forts. Un grand moment médiatique en tout cas.

Disons le bien pour l'accueil et l'euphorie, ce n’est pas tous les jours qu’une équipe nationale accède en finale. Qui pourrait donc bien empêcher le peuple de célébrer, même s’il aurait aimé au fond que l’équipe ramenât la Coupe d’Afrique ? Les encouragements, c’est toujours positif et c’est une bonne leçon pour le futur. Mais le fait de fêter une défaite, ne crée t-il pas une culture de la suffisance ? Une bonne question.

Une qualification du Sénégal en finale qui ne devait toutefois pas pousser les Sénégalais à rester sur un nuage. Pour une seconde finale qu’il perd en Coupe d’Afrique, on peut relever une constante. Dans les deux cas, les «Lions» ratent la victoire de peu : la première fois, les « indomptables» du Cameroun les avaient domptés jusqu’aux tirs au but, épreuve qu’ils étaient sûrs de voir les Sénégalais la perdre, tant ces camerounais ne s’étaient pas vus battre les Sénégalais dans le cours du jeu. Ils avaient vraiment bien joué ce jour-là, les Lions de la Téranga, le hic étant juste qu'ils n'arrivaient pas à concrétiser leurs actions. l'inefficacité étant passé par là ! Pour Egypte 2019, les Algériens ont marqué un but gag, obtenant une avance qu’ils maintiendront jusqu’au bout devant une inefficacité des «Lions» qui auront eu quelques occasions (en dehors de deux occasions de Mbaye Niang et une de Sabaly) sans toutefois se montrer vraiment dangereux dans la surface. Rien de bien net !

Une situation qui pousse à se demander si le mauvais sort ne poursuivrait pas le Sénégal ? L’expérience a surtout montré que le Sénégal pêchait sur les balles arrêtées, en particulier sur les penalties. Cette Can 2019 a d’ailleurs confirmé ce fait car sur quatre (4) penaltys obtenus par l’équipe d’Aliou Cissé, en cours de jeu, seuls deux (2) ont été manqués. Ironie de l’histoire, c’est sur ces terres d’Egypte que feu Jules Français Bocandé rata deux penaltys qui privèrent le Sénégal, contre la Côte d’Ivoire, d’une qualification en quart de finale, en 1986. Pourquoi les Sénégalais ne savent-ils pas tirer des penaltys ? Allez demander à Aliou.

Lorsqu'on interroge le parcours du Sénégal en le comparant à celui de l'Algérie, dans cette finale, on se rend bien compte de la différence de performance entre les deux équipes : ce sont deux finalistes avec deux parcours différents !

Première journée, le Sénégal bat la Tanzanie (2-0) ; 2ème journée, le Sénégal s’incline devant l’Algérie (0-1) ; 3ème journée, le Sénégal écrase le Kenya 3-0. Au second tour, les Lions sortent l’Ouganda en 8ème de finale (1-0) ; en quart de finale, il domine le Bénin (1-0) ; en demi-finale, le Sénégal élimine la Tunisie (1-0) avant de perdre la finale 1-0 encore devant l’Algérie, sa bête noire de tout temps.

De son côté, l’Algérie, lors de la Première journée, s’impose face au Kenya (2-0) ; lors de la 2ème journée, les Fennecs dominent les «Lions» (1-0) ;  3ème journée, l’Algérie écrase la Tanzanie (3-0). Au second tour, l’Algérie atomise la Guinée Conakry (3-0), en quarts de finale, elle élimine la Côte d’ivoire aux tirs au but (1-1) ; en demi-finale, les Fennecs sortent le Nigéria 2-1 et enfin en finale, elle s’impose à nouveau face au Sénégal toujours sur le même score 1-0. L’Algérie sur le toit de l’Afrique avec un parcours sans faute donc.

Au regard des parcours des deux équipes, on se rend bien compte que celui de l’Algérie était bien plus difficile, comparé à celui du Sénégal qui a plutôt rencontré des équipes de seconde zone ; l’Algérie a fait face à des équipes de plus grande envergure telles que la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Nigéria, qui, même si elles n’ont pas été à la hauteur de leur réputation, donnent toujours du grain à moudre au regard de leur statut et de leur engagement. Si l’Algérie a été plus efficace en marquant plus d’un but à chaque fois (sauf contre le Sénégal), son jeu a été globalement et durant tout le tournoi, bien plus fluide et de manière constante, mieux organisé et plus efficace. De vrais guerriers ces Fennecs, de l’envie, de la constance dans l’effort et surtout de la hargne. De son côté, le Sénégal a joué son meilleur match, lors de cette finale. S’il a été efficace en défense en remportant le titre de meilleure défense aux côtés de l’Algérie, son attaque n’a pas été à la hauteur des attentes. Que vaut une très bonne défense en l’absence d’une attaque efficace ?

L’attaque des «Lions», un secteur qui a sérieusement causé du tort. Le Sénégal a certes inscrit huit (8) buts en sept (7) matchs, mais le rendement des attaquants sénégalais laisse à désirer. Sur les sept attaquants convoqués par Aliou Cissé, seuls trois (3) ont trouvé le chemin des filets. Sadio Mané sort tout de même du lot avec trois (3) réalisations et une (1) passe décisive. Ismaïla Sarr et Diao Keita Baldé ont inscrit, chacun, un but. Mbaye Niang, titulaire jusqu’en finale, Mbaye Diagne, Moussa Konaté et Sada Thioub, n’ont pas réussi à trouver le chemin des filets. Quel gâchis !

Il est vrai que Mbaye Niang aura beaucoup pesé sur les défenses, mais que de fautes commises par celui-ci sur les défenseurs adverses. D’un attaquant, on attend d’abord qu’il marque des buts. Comment par exemple comprendre l’obsession d’Aliou Cissé à vouloir à chaque fois, faire rentrer Mbaye Diagne 3 ou 4 fois de suite en seconde mi-temps et sans résultat au bout ? Un coaching, ce n’est pas du choix stéréotypé ! Sadio Mané qui a réalisé son meilleur match, lors de cette finale, n’a pas eu le même rendement lors des matchs passés. D’aucuns pensent même qu’il ne se donne pas autant qu’à Liverpool !

Dans cette finale contre l’Algérie qui avait battu le Sénégal sur le score d’un but à zéro en match de poule, le Sénégal a été dominateur sur l’ensemble du match sans jamais arriver à marquer. Hormis cet arbitrage considéré comme «une escroquerie» sur le plateau de L’Equipe avec ces arrêts de jeu non pris en compte et ce penalty attribué au Sénégal avant d’être annulé, une réflexion sérieuse est à mener sur la compétitivité de cette équipe. Pouvait-elle gagner face à l’Algérie ? Aliou Cissé avait rapidement crié à l’atteinte de son objectif qui était de hisser le Sénégal en finale ! El Hadji Diouf lui n’a jamais été de cet avis, considérant dès le début qu’Aliou Cissé devait, soit ramener la coupe ou tout simplement se démettre. Dioufy avait même surpris son monde, évitant de critiquer l’équipe durant tout le tournoi, appelant même à l’unité dans des interviews d’avant finale.

Quel manque d’ambition de la part du coach que de n’avoir eu comme objectif, que la qualification en finale, alors que même l’algérien Belmadi avait vu, bien avant la Can, le Sénégal favori ! «Le Sénégal est l’une des équipes les plus accomplies. C’est le favori n° 1…», disait celui-ci dans une interview avec Bein Sport.

Cette équipe du Sénégal souffre d’une maladie chronique, son coaching déterminant en football. Une vraie calamité au niveau tactique, cet Aliou Cissé. C’est vrai qu’il a brûlé les étapes, celui-là, à l’image de ministres sous Wade qui ont eu leur première expérience professionnelle, comme ministre. Belmadi, 43 ans seulement, ce brillant milieu de terrain de l’équipe d’Algérie d’alors, nous apprend dans une interview d’avant la Can avec Bein Sport qu’il a fourbi ses armes pendant dix ans, qu’il a même été entraineur du Qatar, et seulement depuis un peu moins d’un an (sélectionneur depuis le 2 Août 2018)  celui de l’équipe d’Algérie. «Il a fallu que je fasse d’abord mes gammes», a précisé celui-ci. Une manière de dire qu’il fallait qu’il apprenne d’abord.

Ce qui laisse apparaître que la rigueur en tant que joueur et le passé d’un entraîneur, dans le cas d’Aliou Cissé, ne peuvent pas, à eux seuls suffire pour conduire une équipe vers la victoire. Il faut pour réussir en tant que sélectionneur, un vrai projet de jeu avec des joueurs capables de le mener ; une bonne stratégie combinée à une bonne connaissance de la tactique qui permettent de s’adapter aux situations imprévues, de contrer les velléités adverses, que la rigueur seule ou une bonne défense, ne peuvent résoudre. Il faut en effet du tout pour composer une équipe. Elle ne saurait se limiter à des noms, des statuts, des expériences internationales. Les locaux y ont aussi leur place, d’autant que beaucoup d’entre eux ont déjà goutté à l’expérience internationale.

Sans doute enfermés dans ce masla bien sénégalais (langue de bois, le bon sentiment bien sénégalais et la tolérance légendaire) et l’euphorie d’une finale, les dirigeants refusent de voir la réalité. Pourtant, elle est là, crue, sous nos yeux. Le Sénégal a perdu la deuxième finale de son histoire après celle de 2002. Une belle équipe qui a certes fait rêver. Mais l’on ne peut manquer de poser la question de savoir si elle n’a pas besoin d’un autre projet, d’une nouvelle ambition, d’un nouveau point de départ que ne peut lui donner Aliou Cissé. Cette équipe n’a-t-elle pas besoin de renfort ?

N’est-il pas par exemple temps de lancer certains U20 ? La convocation d’un jeune tel que Souleymane Aw pourrait bien s’imposer car le poste de latéral gauche reste un éternel chantier depuis la blessure de Pape Ndiaye Souaré. A son absence, c’est Youssouph Sabaly, un droitier qui dépanne la gauche. Alpha Diounkou pourrait être une bonne pioche. Le latéral droit de Manchester City a réalisé de bonnes performances au mondial U20.

Que dire de John Lopy, monstrueux au milieu. Sa technicité et son aisance balle au pied, font de lui un excellent milieu de terrain qui pourrait valoir à l’équipe nationale du Sénégal de grosses satisfactions.

Amadou Sagna, troisième meilleur buteur de la Coupe du monde des moins de 20 ans et Ibrahima Niane, ont également leur mot à dire. Leur percussion et leur efficacité devant les buts, pourraient faire la différence.

Jamel Belmadi est en tout cas une belle référence en tant que coach. Dans cette interview qui date d’avant la Coupe d’Afrique, Belmadi évoquait déjà sa volonté de gagner la coupe : «Notre dernière Can, on a été sortis au 1er tour, mais notre objectif reste de gagner cette Can. Je travaille à 100% tous les jours pour pouvoir la gagner.» Que rajouter de plus si ce n’est un objectif qu’il s’était fixé et qu’il a aujourd’hui atteint. Il a d’ailleurs été adoubé longtemps avant par Lakhdar Belloumi, considéré comme le meilleur joueur de l’histoire du football algérien. Pour Belloumi, « Belmadi connaît le foot, la mentalité algérienne, les supporters, mais il faut qu’il apporte le collectif ». Jamel Belmadi venait d’être nommé et déjà Belloumi lui avait soufflé cet impératif de bâtir un collectif avant la Can. Le nouveau coach algérien aussi avait cette pression comme dans tous les pays où le football est un sport important. Vahid halidozic, a été aussi fort élogieux à son endroit : «Il a mis de l’ordre, de la discipline. On se disputait pour tirer un coup franc. C’est un international, il connaît le foot

Lorsqu’on lui pose la question de savoir s’il devait convaincre le binational Houssem Aouar de l’Olympique lyonnais, de rejoindre l’équipe d’Algérie, Belmadi n’a eu comme simple réponse : «Je n’ai pas à le convaincre, c’est à lui de faire son choix

Etre coach, ce n’est pas juste bien connaître la tactique, mais il faut pour cela, avoir de vraies capacités managériales, avoir un bon discours, juste et précis sans tomber dans l’émotion en répondant  à toutes les critiques, et à tous ses détracteurs. Une constante dans le discours des joueurs algériens, était de dire dans toutes leurs sorties «nous avons joué comme des hommes». La phrase est revenue dans le discours de l’entraîneur, du gardien algérien à la fin de la finale et de beaucoup d’autres joueurs. Une manière de dire que ce fighting spirit, cette mentalité de joueurs déterminés, de gagneurs, leur a été bien inculquée.

A l’opposée, on n’a jamais pu comprendre qu’Aliou Cissé se soit mis à commenter  les mots de l’entraineur ougandais, lorsque celui-ci s’est mis à railler le «faible mental des Sénégalais» ! Un discours de Cissé en général d’une grande vacuité, plat et jamais suffisamment impactant. Que dire de sa gestuelle qui prête à rire et largement imitée sur les réseaux sociaux ? Belmadi lui n’a jamais cessé de maintenir la pression sur ses joueurs. Toujours debout, il ne cessait de haranguer ses troupes, de les galvaniser, de corriger leurs erreurs. Il était là, bien présent toujours droit dans ses bottes ; et on a senti toute sa détermination, sa rage de vaincre. Et ses joueurs sont tout le temps allés aux charbons durant tout le tournoi, se battant avec hargne dans les duels, commettant de multiples fautes, trichant et parfois allant même jusqu’à acculer l’arbitre.

Mais cette Can égyptienne aura en tout cas été instructive à différents égards. L’équipe du Sénégal n’aura repoussé ses limites que lors de la finale, sans toutefois arriver à inscrire un but. Elle aura révélé le visage d’une équipe peu constante dans l’effort, au jeu si peu fluide, avec une attaque peu efficace et finalement un milieu de terrain inconstant dans la performance. Un jeu qui manque de liant véritable entre le milieu et l’attaque. Ce qui a certainement amoindri la rentabilité des attaquants de pointe et de joueurs tels que Sadio Mané. Bref un véritable problème de coaching et de casting que l’euphorie et cette arrivée à l’étape de la finale, ne doivent point cacher. C’est peut-être l’arbre qui cache la forêt de lacunes. Le ministre des sport a beau parlé de "23 juin du foot", en référence à l'accueil réservé aux Lions, critiqué l'arbitrage et abordé la question de la confiance à Aliou Cissé de la part de la Fédération sénégalaise, sur la RFM, il devra faire attention à l’éternel recommencement. Une Can ne s’est jamais gagnée grâce à de l’espoir, de l’euphorie d'un accueil réservé par ses supporters voire de la complaisance vis-à-vis d'un entraîneur qu'on veut gérer. Une équipe, c’est aussi un gros mental, et ça le Sénégal n’en a pas encore. Pas suffisamment en tout cas. Belmadi est sélectionneur depuis seulement 11 mois ; Aliou, lui est là depuis 2015 !