NETTALI.COM - Qui disait encore que la religion est l’opium du peuple ? C’est en effet connu que Karl Max est l’auteur de la fameuse affirmation. Eh bien, il semble que de l’eau ait, depuis lors, coulé sous les ponts. Autre époque, autre conscience. Cet opium du peuple, selon Marx, est, semble-t-il, devenu le foot. Du moins sous nos cieux.

La religion, elle, est toujours à sa place, plus centrale que jamais dans nos vies. Indétrônable même. Mais le foot, ce sport roi au pays de Senghor, n’en est pas moins important puisqu’il est l’un des rares domaines où le Sénégal triomphe. En atteste ce titre de champion d’Afrique récemment obtenu ; en plus d’être ce facteur fédérateur, de communion et de rassemblement de la nation toute entière en ces temps de compétition. Y compris même au sein de la classe politique. En tout cas, pour le temps que dure l’euphorie née des victoires.

La magie du football, elle, opère. Elle soulève les passions et nous fait oublier, aux moments de gloire, surtout en cette coupe du monde, nos tracas du quotidien et même nos reproches si souvent faits aux hommes politiques quant à leur manière de gouverner ce pays. Elle génère  même des moments de liesse populaire et surtout de communion. Comme cela a été le cas ce fameux mardi. Le palais présidentiel, d’habitude si silencieux et hermétique, avait décidé, pour l’occasion, d’ouvrir ses grilles et de voir son si inaccessible locataire, en sortir. Tapes de mains avec le public, poings levés, joie surjouée, le président s’est fondu dans la masse de manière si proche de ses concitoyens que cela en est devenu si étonnant et si peu sûr. Un sacré gros politicien que ce Macky ! Pardon populiste. C’est vrai qu’il a dégainé fort. 14 milliards de nos pauvres deniers et une délégation forte de 327 membres, il fallait bien le faire pour que le Sénégal ne manquât de rien au Qatar.  Il ne doit pas bien souhaiter que la Fédération ait à rendre la monnaie, ce cher Macky ! Comprenne qui pourra.

La magie du foot encore une fois de plus, a opéré. Comme lors de la coupe du monde sous Metsu ; ou comme lors de la dernière coupe d’Afrique. Elle fait rêver les décideurs qui y trouvent leur soupape de sécurité. Ils se voient même mieux aimés qu’ils ne l’étaient, il n’y a guère longtemps ! Que ces jeunes gens surexcités et pris dans l’extase, en soient allés jusqu’à nous sortir que Macky Sall est « un porte-bonheur », renseigne beaucoup sur la versatilité des  masses et des foules mues par un certain instinct grégaire.

Des moments d’euphorie qui ne devraient pourtant guère griser nos gouvernants qui ne devraient guère se voir plus beaux qu’ils ne sont., tant ils s’estompent vite. Comme cela a été le cas avec la coupe d’Afrique. Une fois la saveur et la clameur de la victoire retombées, l’on était vite retournés à la réalité quotidienne et à sa morosité ambiante, au point où même ce président qui a pu être adoubé pendant ces moments de gloire, s’était à nouveau effondré dans les urnes avec ces législatives au cours desquelles, il fut sanctionné, récoltant 83 députés contre 82 pour l’inter-coalition Yewwi-Wallu ? Bref, c’est ça la vie. On a affaire à un peuple d’une complexité difficile à saisir. Il faut donc beaucoup se méfier des mouvements de masse, ils sont porteurs d’espoirs momentanés qui peuvent se muer très vite en déceptions inoubliables.

Mais c’est à croire qu’Ousmane Sonko n’est jamais loin. Lui aussi était de la partie, comme l’a du reste été Me Wade. Le leader de Pastef s’est signalé dans un message, félicitant et encourageant les « Gaindés » pour la suite, sur les réseaux sociaux, leur disant qu’ils peuvent et que le peuple le veut. Pendant ce temps, un fake new lui est attribué, selon lequel, il aurait écrit : « au moment où nos gendarmes meurent, ils célèbrent la victoire de l’équipe nationale de football. Concentrons-nous sur les priorités. Ils tuent nos élites militaires et insultent Serigne Moustapha Sy. Chers patriotes, n’ayez pas le temps de célébrer une victoire, mais d’être focus sur 2024 ». Une manière de montrer que le leader de Pastef n’est pas intéressé par le 11 national. Bref, Me Wade lui, a-t-on appris, - comme le montre cette image de l’homme de plus de 90 ans devant son téléviseur et qui a circulé sur les réseaux, - a sauté comme un jeunot au coup de sifflet final du match Sénégal-Equateur âprement discuté. Ah la politique et le foot !

Une première mi-temps bien gérée

Toujours est-il qu’on ne peut que se féliciter de cette victoire. « Héroïque », a été le mot qui est souvent revenu dans les Unes de la presse écrite de ce mercredi 30 novembre, de lendemain de match Sénégal-Equateur. Certains autres titres, eux, ont d’ores et déjà projeté les lecteurs vers le match de 8e de finale contre l’Angleterre et n’ont pas hésité à prédire la défaite de l’Angleterre avec le terme « Brexit » désormais bien familier aux Européens. Les références historiques, « 20 ans après… » relatives à la coupe du monde sous Metsu, n’ont d’ailleurs pas manqué. Bref, une tonalité majoritairement positive dans le traitement de cette qualification des Lions.

Toujours est-il que ces derniers ont fait ce qu’on attendait d’eux, malgré quelques frayeurs causées aux supporters sénégalais dès le 1er match de poule ; ou au moment où il fallait battre l’Equateur ou rentrer à la maison, la seule possibilité qui s’offrait à l’équipe de Cissé. De quoi filer une frousse énorme aux plus émotifs et aux moins confiants quant aux choix fluctuants et incompréhensibles du coach Cissé.

Éliminé en 2018 pour une affaire de cartons jaunes devant le Japon avec lequel, il disposait du même nombre de points, le Sénégal a cette fois-ci pris sa revanche sur l’histoire en se qualifiant en 8e, obtenant 2 victoires pour une défaite.

Avant l’entame du match Sénégal-Equateur, la publication du onze de départ avait vite soulagé bon nombre de pessimistes, car alors d’autres listes moins convaincantes, avaient déjà commencé à circuler. Beaucoup y étaient même allés de leurs commentaires, se disant qu’Aliou Cissé avait fini par entendre les nombreuses complaintes des observateurs quant à ses choix discutables depuis le début de ce Mondial. Les titularisations d'Iliman Ndiaye et de Pathé Ciss, sont même appréciés comme le résultat de la forte pression du public sénégalais qui n’a cessé de réclamer ces deux joyaux.

Un choix qui s’est vite révélé être le bon puisque les Lions ont fait montre d'une belle leçon tactique pour réussir à contrer cette belle équipe de l’Equateur qui était jusque-là, la meilleure équipe de la poule A. En effet, depuis qu’Aliou Cissé est à la tête de cette sélection en mars 2015, il n’a pas, selon certains observateurs, réussi une aussi belle prouesse tactique dans une compétition majeure que ce mardi 29 novembre. Cissé a semblé en effet avoir retenu beaucoup de leçons et s’est même beaucoup amélioré tactiquement dans son jeu. Ce mardi soir, "El tactico" a en tout cas d’après ce que l’on a observé, disséqué le jeu de l’adversaire qui repose essentiellement sur l’animation des couloirs, marqué son territoire, verrouillé toutes les portes aux Équatoriens, et ses joueurs ont fait le reste en réussissant à gagner presque tous les duels. Aliou Cissé avait bien compris que l’adversaire du jour ne lui faciliterait pas la tâche. Aussi, a-t-il misé sur un milieu de terrain musclé avec un Idrissa Gana Guèye expérimenté et très actif sur les harcèlements vers le porteur du ballon.

Réclamé également par le public, Pathé Ciss a vécu sa première titularisation dans ce Mondial. Le frère cadet de Saliou Ciss, a été hargneux et solide comme sentinelle. Pas attendu dans le onze, Pape Guèye a lui aussi été déterminant dans la projection du jeu vers l’avant, malgré son manque de rythme qui s'est toutefois fait un peu sentir en seconde période.

Tactiquement, le Sénégal était donc bien en place. Les Lions ont contrôlé en grande partie le match en première mi-temps, avec un travail défensif énorme caractérisé par des arrières latéraux qui ont respecté les consignes à la lettre et réussi à contenir Valencia et Plata. Sabaly et Jakobs ont en effet surveillé leurs couloirs comme du lait sur le feu. Difficile en effet de déceler une faille chez eux, lors de cette première mi-temps, tant ils ont participé au jeu offensif et ont été presque parfaits sur le repositionnement.

Présents dans tous les duels, les latéraux sénégalais ont veillé au grain avec classe, mais aussi un brin offensif qui a beaucoup entravé la montée des Équatoriens. Dans l’axe, le capitaine Koulibaly et le lieutenant Diallo ont été présents. Ils ont compris qu’il fallait retenir les leçons du passé pour arracher cette qualification. Le duo demi-centre a muselé Estrada Martinez.

Bien en place tactiquement, les champions d'Afrique ont empêché leurs adversaires de dérouler et sont rentrés au vestiaire avec un but d'avance grâce à un pénalty d'Ismaïla Sarr.

Une seconde période de repli défensif, marquée par l’inquiétude

Des failles et errements ont été toutefois notés en seconde période. Aliou Cissé avait en effet remanié son onze en passant d'un 4-3-3 à un à 4-5-1. Iliman Ndiaye et Ismaïla Sarr qui donnaient du fil à retordre à la défense adverse, ont ainsi abandonné leurs tâches offensives pour celles défensives. Une stratégie qui a coûté aux Lions, le but égaliseur à la 67ème minute. Un but qui a aussi révélé des failles défensives qui reviennent depuis le début de la compétition et qui ont pour noms, le manque de concentration et la passivité.

Heureusement que les champions d'Afrique qui étaient à la peine face aux assauts répétés de leurs adversaires, ont été sauvés par un Kalidou Koulibaly qui n'a pas perdu de temps pour remettre ses coéquipiers sur la voie de la qualification à la 69ème minute. Il a en effet juste fallu deux minutes au capitaine des Lions pour inscrire le second but, synonyme de qualification en 8e de finale.

Si sa disposition tactique en début de match a été loué, Aliou Cissé a encore surpris son monde avec ses changements, surtout avec l'entrée de Bamba Dieng à la place d'Iliman Ndiaye. Comment comprendre le remplacement de ce dernier qui constituait un danger permanent pour la défense de l'Équateur avec ses percussions et ses dribbles dans les petits espaces ? Tout le contraire de Bamba Dieng qui n'a été qu'un simple figurant.

Mais, quel joueur que cet Iliman Ndiaye ! Son aisance technique a vraiment fait du bien à l'équipe sénégalaise. Le joueur de 2ème division de Sheffield United, est désormais vu comme celui qui a su pallier l’absence d’un Sadio qui n’hésitait pas à attaquer les défenses adverses et de les déstabiliser. Un grand boum au cœur des Sénégalais qui reprennent beaucoup d’espoir après avoir noté le régal qu’est ce jeu du joueur au style à la fois simple et redoutable pour les défenses adverses. De quoi nourrir beaucoup d’espoirs pour la suite.

Avec cette montée en puissance de l’équipe et un coaching qui tient de plus en compte des suggestions des observateurs sportifs, il reste juste à Cissé de s’extirper de cette obsession défensive et de libérer davantage l’équipe dans le jeu offensif, surtout dans ce contexte où seuls les buts marqués peuvent permettre de franchir le cap suivant. Les joueurs anglais évoluent dans le même championnat que d’autres joueurs sénégalais qui n’ont du coup rien à leur envier, ni du point de vue du talent, ni de la pugnacité et encore moins de la détermination. A la vérité, Aliou Cissé doit jouer sa partition en initiant une tactique à la hauteur de l’enjeu. Les Lions doivent avoir à cœur de ne pas se fixer de limites car au regard des différentes prestations notées, ils ont réellement leurs cartes à jouer, toutes les équipes étant à leur portée.