NETTALI.COM - La machine judiciaire enclenchée par le procureur de la République, à travers l’appel à témoins, sur le présumé scandale sur le contrat de Petro-Tim, continue de tourner. Aliou Sall, principal mis en cause dans l’affaire, a fait face aux enquêteurs de la Division des investigations criminelles (Dic), de même que son oncle, Abdoulaye Timbo. Mais, des experts en Droit dénoncent une procédure d’enquête «viciée» et n’attendent pas grand-chose des résultats.

Aliou Sall risque de sortir de l’enquête déclenchée par la Brigade des affaires générales (Bag) de la Division des investigations criminelles (Dic) totalement blanchi. L’on pense même que si le procureur de la République, activé par sa hiérarchie, a choisi cette procédure, c’est justement pour enterrer cette affaire Petrotim.

Placé au cœur d’un tsunami politico-médiatique dans le scandale présumé autour de 250 milliards FCfa sur l’affaire Petro Tim, le maire de Guédiawaye part pour passer allègrement entre les mailles de la justice.

D’un accusé gênant pour la République, pointé du doigt par la classe politique et des organisations de la société civile, Aliou Sall est en passe d’être réduit à un simple témoin dans le cadre de l’enquête judiciaire. C’est ce qui ressort des termes de la convocation qu’il a reçue pour se présenter devant les enquêteurs de la Division des investigations criminelles.

Une stratégie planifiée

«Une bizarrerie», résument des professionnels du Droit. Mieux, certains d’entre eux soupçonnent «un agenda caché» et restent convaincus que l’enquête ouverte par le procureur est une stratégie planifiée pour faire baisser la tension dans la rue. D’autant plus qu’un mouvement de protestation regroupé autour de la plateforme «Aar li nu bokk» a déjà institué une série de manifestations tous les vendredis à la Place de la Nation (ex-Obélisque). Une pression qui a produit ses premiers effets avec la démission de Aliou Sall de la direction générale de la Caisse des dépôts et consignations (Cdc) et le limogeage du ministre-conseiller en Com’ du Président, El Hadji Hamidou Kassé.

«En tant que témoin, Aliou Sall ne court aucun risque, parce qu’il n’est pas poursuivi.» C’est la conviction de ce spécialiste du Droit qui fait remarquer que «Aliou Sall n’est pas visé par des charges». Devant les enquêteurs, il est venu pour dire sa part de vérité, comme ceux qui l’ont précédé à la Dic l’ont déjà fait. Il n’a risqué aucunement l’arrestation et ne le sera pas. Ce que confirme Me Assane Dioma Ndiaye qui souligne qu’il n’y a aucun aspect décisif sur l’enquête de Aliou Sall à la Dic.

Enquête mal enclenchée

L’enquête ouverte par le Procureur pose d’énormes problèmes. C’est un flou total autour de la démarche du Procureur, soutiennent des experts en Droit.  Qui  restent convaincus que «la procédure d’enquête sur le présumé scandale autour du pétrole a été mal enclenchée». En tout cas, les juristes s’interrogent sur les vraies intensions du Procureur. «Quand on ouvre une enquête, on doit le faire sur des charges précises. On n’est pas toujours tenu de viser une personne, mais on peut mener une enquête contre X. On ne peut pas ne pas viser des charges. On doit dire aux gens ce que l’on cherche. Comme ça, ceux qui viendront témoigner, le feront sur ce qui est visé», indique dans l’anonymat un spécialiste du Droit.

Me Assane Dioma Ndiaye d’ajouter : «Quand une procédure est ouverte, au moins, il faut définir l’objet de la procédure, dire l’objet de l’enquête. Mais, dans cette affaire, c’est la grande inconnue», se désole l’avocat. Ce qui veut dire que ce que la Dic est en train de faire, c’est une enquête fourre-tout. Une enquête générale dans laquelle personne ne sait ce que vise le procureur de la République.

«C’est une enquête générale. Une mission de recherche de faits. C’est comme si le Procureur cherche un dossier. Ce n’est pas comme cela que ça se passe dans notre système juridique. En général, le procureur fait enquêter sur des infractions. Il cherche les auteurs, les complices, les preuves. Généralement, le procureur n’ouvre pas une enquête pour aller à la pêche, comme c’est le cas. Le procureur cherche ce que les gens (témoins) vont amener. Ce n’est pas comme ça que l’on enquête. On ne sait pas sur quelle infraction l’enquête est menée. Est-ce que c’est sur la corruption, la concussion, l’enrichissement illicite, l’atteinte aux intérêts de l’Etat, entre autres ?», confie une source judiciaire.

Inquiétudes sur la suite de l’enquête

D’après des experts en Droit, la présente enquête ouverte sur le présumé scandale sur le pétrole, n’a pas de fortes chances d’aboutir sur quelque chose de solide.  «Je ne vois pas ce que cette enquête pourra apporter. D’autant plus que les personnes qui témoignent ne prêtent pas serment. C’est inédit ce à quoi on tend vers, même si ça peut avoir une vertu politique, c’est-à-dire, calmer l’angoisse existentialiste des Sénégalais. Mais du point de vue de l’efficacité juridique, on ne voit pas la productivité de cette enquête», se désole Me Assane Dioma Ndiaye.  «Même à supposer que l’enquête réussisse à établir un certain nombre d’éléments, le dossier retournera au Procureur. Et là, le Procureur, pour une affaire de cette nature, sera obligé de saisir encore un juge d’instruction», souligne l’avocat. Qui note que l’Etat aurait dû emprunter le chemin le plus court qui est toujours le meilleur, c’est à dire confier directement le dossier à un magistrat instructeur.