NETTALI.COM - Dans sa livraison du lundi 8 juillet 2019, le Soleil publie le décret n° 2019-910 portant répartition des services de l’État entre la Présidence de la République, le Secrétariat général du Gouvernement et les ministères. Selon les commentaires du Soleil, l’un des enseignements à tirer du nouveau décret précité est « la consécration du Secrétariat général du Gouvernement (SGG) comme institution autonome, mais dépendant directement du Chef de l’État ». 

D’après le même journal, « le Ministre, Secrétaire général du Gouvernement est un assistant administratif du Président de la République… ». Considérer le SGG comme l’assistant du Président de la République pose un problème si l’assistant ne se trouve pas dans le même organigramme que l’autorité assistée. Un tel organigramme est inconnu de la science administrative.
Ce choix d’organisation du SGG ne serait-il pas guidé par le souci d’éviter toute critique sur « une macrocéphalie de la Présidence de la République absorbant tout le reliquat organique de l’ex-Primature » ? (Une expression empruntée au journal le Soleil du 8 juillet 2019, p. 2).

L’existence d’un SGG non rattaché à une Primature, si elle existe ou à la Présidence de la République est, en vérité, difficilement explicable, d’autant qu’elle ne correspond pas à une organisation administrative connue dans le passé. Il s’agit donc d’une sorte de curiosité ou d’incongruité de notre organisation administrative.
Quel statut alors pour le SGG après la suppression de la fonction de Premier ministre ?

Considérations d’ordre général

Premièrement, la suppression de l’institution primatorale oblige à modifier les dispositions législatives et règlementaires donnant des compétences au Premier ministre.
Contrairement à son devancier de 1983, le législateur constituant de 2019 n’a pas jugé nécessaire d’insérer une disposition transitoire qui prévoit que « les compétences attribuées au Premier ministre par les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur sont exercées par le Président de la République tant que ces dispositions n’auront pas été modifiées ou abrogées » (Cf. article 92 de la loi n° 83-55 du 1er mai 1983 portant révision de la Constitution).

Deuxièmement, la disparition de la fonction de Premier ministre entraine par elle-même la reprise de plusieurs décrets se référant à cette fonction.
Outre le décret du 08 avril 2019 portant répartition des services de l’État, il y a tous les décrets relatifs aux attributions des ministres et secrétaires d’État, ainsi que le décret n° 2019-760 du 06 avril 2019 nommant le ministre d'État, Secrétaire général de la Présidence de la République (SGPR). L’article premier de ce décret énonce : « Monsieur Mahammed Boun Abadallah Dionne, Premier Ministre, est nommé, cumulativement avec ses fonctions, Ministre d'État, Secrétaire général de la Présidence de la République ». En toute logique, après la réforme constitutionnelle de 2019, les dispositions de ce décret sont devenues caduques et devraient donc être reprises. Voilà pourquoi, la mention de ce décret parmi les visas du nouveau décret portant répartition des services de l’État n’a pas de sens.

Troisièmement, la suppression de la fonction de Premier ministre entraine l’abrogation pure et simple du décret du 3 décembre 2002 relatif à l’organisation des services du Premier ministre et par conséquent la suppression implicite du Secrétariat général du Gouvernement.
En attendant que les textes soient modifiés pour attribuer les compétences antérieurement dévolues au Premier ministre, soit au Président de la République, soit à une autre autorité, c’est donc sous l’autorité du Président de la République que l’actuel SGG devrait exercer les attributions que lui conférait le décret n° 2002-1152 du 3 décembre 2002 portant organisation des services du Premier ministre.

Brèves remarques sur le nouveau décret portant répartition des services

1°/ L’article 2 du décret devrait être corrigé. Cet article dispose : « Le contrôle des établissements publics énumérés ci-dessous relève des ministères ainsi qu’il suit ». Or, le SGG, qui n’est point et ne saurait être un ministère, est cité en premier lieu.
2°/ Le nouveau décret crée des directions au sein du SGG à la place des services qui existaient avant la disparition du poste de Premier ministre. En particulier, on se demande pourquoi ériger le Service de l’Administration générale et de l’Équipement en direction ? Ces nouvelles créations de structure suivent -elles les mêmes règles que celles édictées par le décret n° 2017-314 du 15 février 2017 fixant les règles de création et d’organisation des structures de l’administration centrale des ministères ?
3°/ Il est décelé une incohérence entre l’organisation administrative et l’organisation budgétaire de la Présidence de la République et du SGG. En effet, dans la loi de finances rectificatives de 2019, il est ouvert au profit de la Haute Autorité chargée de la surveillance maritime, de la Haute Autorité des Aéroports du Sénégal et du projet d’appui UCF-MCA des crédits logés dans le budget du SGG alors que dans le nouveau décret de répartition des services ces trois entités sont considérées comme des administrations rattachées à la Présidence de la République.
4° /L’article d’exécution (l’article 5) désigne deux ministres qui ne sont pas membres du Gouvernement comme responsables de l’application du décret à savoir le ministre d'État, Secrétaire général de la Présidence de la République et le ministre, Secrétaire général du Gouvernement.

Quelle nouvelle conception du Secrétariat général du Gouvernement ?

À notre connaissance, l’institution d’un SGG répondait à une logique déterminée : il s’agissait d’assister le Premier ministre dans sa fonction de chef du Gouvernement. Ainsi, dans le régime antérieur, le SGG était un service du Premier ministre (Cf. article 1er du décret du 3 décembre 2002 portant organisation des services du Premier ministre). Au terme de l’article 3 du même décret, « le Secrétariat général (assistait) directement le Premier ministre dans sa mission d'application de la politique de la Nation déterminée par le Président de la République, de direction et de contrôle de l’action gouvernementale » et « il (concourait), sous l’autorité du Premier ministre, à la coordination du travail des départements ministériels ».

Bien que la nouvelle institution « autonome » qu’est le SGG ne fasse pas encore l’objet de dispositions règlementant son organisation, nous pouvons admettre que sa fonction première est d’assister directement le Président de la République dans sa mission d’application de la politique de la Nation qu’il détermine lui-même et d’assurer sous son autorité la coordination interministérielle. Dans ces conditions, l’existence d’un SGG en dehors des services de la Présidence de la République serait une curiosité du droit administratif sénégalais.

De notre point de vue, le Secrétariat général du Gouvernement devrait figurer dans l’organigramme de la Présidence de la République. À nos yeux, trois options sont possibles comme nouvelle conception du SGG.

Option n° 1 : Transformer le SGG en un Secrétariat du Conseil des ministres rattaché au Secrétariat général de la Présidence de la République
On semble oublier que c’est cette option qui avait été retenue en 1983 à la suite de la promulgation de la loi n° 83-555 du 1er mai 1983 portant révision de la Constitution, qui sert aujourd’hui de référence historique. En effet, en 1983, Abdou Diouf avait choisi la suppression du SGG pour ne retenir qu’un Secrétariat du Conseil des ministres rattaché au Secrétariat de la Présidence de la République (cf. article 18 du décret n° 83-463 du 1er mai 1983 relatif à l'organisation de la Présidence de la République).
Une variante de cette option serait d’avoir un Secrétariat du Conseil des ministres rattaché
directement au chef de l’Etat.

Option n° 2 : Attribuer toutes les missions et tâches précédemment exercées par le SGG au Secrétaire général de la Présidence de la République (SGPR)
En d’autres mots, il s’agit de supprimer la fonction de Secrétaire général du Gouvernement.

Option n° 3 : Considérer le Secrétariat général du Gouvernement comme un organe administratif placé sous l’autorité directe du Président de la République
Il s’agit ici d’un rattachement direct du SGG à la Présidence de la République en le dotant d’une administration propre. Dans cette formule, rien ne s’oppose à ce que le SGG dispose d'un budget propre dont il est ordonnateur ainsi que de moyens humains et matériels qu’il gère directement, sous réserve de revoir l’organisation et le fonctionnement du SGPR.

Quelle que soit l’option retenue, nous devons garder à l’esprit que la mission première du SGG est la coordination du travail gouvernemental et non la gestion de services administratifs. Dès lors, demander au SGG de travailler en mode « fast-track » ne va pas de pair avec les nombreuses tâches de gestion administrative résultant du rattachement de trente (30) services et administrations (contre près de 70 services et cellules à la Présidence de la République) sans parler de la gestion budgétaire (près de 37 milliards de francs CFA pour l’ensemble des organes du SGG).
Nous estimons que tous les services qui étaient destinés à permettre au Premier ministre d’assurer ses compétences générales ne devraient pas être rattachés au SGG ou à la Présidence de la République. Certains devraient pouvoir être rattachés à des départements ministériels.

Les considérations exposées plus haut conduisent à marquer notre étonnement concernant le maintien dans la loi de finances rectificatives de 2019 de la même section budgétaire qui, dans la classification administrative des dépenses de l’État, identifiait le budget de la Primature (conformément à ladite classification, la section identifie les institutions constitutionnelles et les départements ministériels). C’est ainsi que la section 30 était dédiée au budget des services du Premier ministre. C’est par ignorance que nos députés ont voté en loi de finances rectificatives des autorisations de dépenses au profit du SGG, comme s’il était une institution constitutionnelle ce qui est une violation de la loi organique relative aux lois de finances de 2011 notamment de l’article 12 qui dispose : « Les lois de finances répartissent les crédits budgétaires qu’elles ouvrent entre les différents ministères et institutions constitutionnelles ». Or, le Secrétariat général du Gouvernement n’est pas et ne peut être assimilé à un pouvoir public constitutionnel.

En conclusion, il est souhaitable de procéder à un réexamen d’ensemble de l’organisation actuelle du SGG en vue de le repositionner comme organe permanent de la Présidence de la République chargé principalement de la coordination de l’activité des membres du Gouvernement.

Par Mamadou Abdoulaye SOW
Inspecteur principal du Trésor à la retraite