NETTALI.COM - Par une de ces pirouettes dont seuls les as de la haute politique ont le secret, Ousmane Tanor Dieng appelle aux retrouvailles de la famille socialiste. Son rétropédalage pose un certain nombre de questions, car il est historiquement au cœur du processus de décomposition du Ps de 1993 à nos jours.

 

 

 

En marge de la cérémonie d’investiture du président Macky Sall, ce mardi 2 avril à Diamniadio, M. Ousmane Tanor Dieng a fait les yeux doux à Khalifa Sall et lancé un appel aux retrouvailles de la famille socialiste.

« Je ne souhaite la prison à personne surtout quelqu’un avec lequel on a cheminé aussi longtemps, Khalifa Ababacar Sall, c’est le Président Abdou Diouf même qui me l’a confié. Donc, c’est avec déchirement que je le vois dans cette situation. (…) Le dialogue est entamé au Parti socialiste (Ps). Nous y invitons Khalifa Sall. Il n’y a pas d’exclusion. C’est un appel inclusif que je lance à l’ensemble des socialistes de cœur ou de raison. J’ai dit à mes camarades qu’il faut faire preuve de tolérance, notre parti est faite de scissions, de retrouvailles, de divisions », a dit le président du Haut conseil des collectivités territoriales.

 

Chronique du processus de décomposition du Ps

 

Cette phrase charrie un faisceau de non-dits et de sous-entendus qui empruntent au diplomate de formation ses silences.

Ironie de l’Histoire, M. Dieng  est décrit comme le démolisseur du doyen des partis politiques d’Afrique francophone. « Il y a des socialistes de convictions et des socialistes de fonctions », caricaturait feu Djibo Leïty Kâ. L’ancien tout-puissant ministre d’Etat, ministre des Services et Affaires présidentielles était dans la peau d’un technocrate anonyme, quand Abdou Diouf, qui avait fini de faire le vide autour de lui après un long processus de désenghorisation, le désigna comme son directeur de campagne en 1993, par dédoublement fonctionnel du poste de directeur du cabinet présidentiel, en dehors de toute rationalité historique.

C’est au lendemain de cette élection que le « parachuté » connut une ascension météorite. Principal personnage du « Congrès sans débat » de 1996, il réussit à écarter Djibo. On assiste à une première vague de départs en 1998 avec la naissance du  courant du Renouveau démocratique. Le score du Ps chute aux législatives de cette année-là et dépasse, à peine, la barre des 50%. Les mêmes raisons pousseront Moustapha Niasse à créer l’Afp en 1999. Cette crise fragilise l’ogre socialiste qui connut une Bérézina en 2000, en n’obtenant que 42% des suffrages au premier tout de cette présidentielle-là. Le Ps, qui était devenu un instrument à l’entière dévotion de Ousmane, descend à 13% en 2007 et ne réussit pas à ravir la vedette à Moustapha Niasse, dans la perspective de la désignation du « candidat unique » de Benno Siggil Sénégal cinq ans plus tard.

Le « Collin noir », qui, dans les colonnes de Jeune Afrique en 2011, avait promis de ne plus se présenter à une présidentielle s’il perdait celle de 2012, a presque fondu dans le "Macky", conscient de son incapacité à accéder au plus haut destin politique. Il a regardé le parti marron-beige endiguer, à la florentine, toute concurrence venant du Ps et l’emprisonnement de Khalifa Sall est, à tort ou à raison, rangé dans ce registre.

 

Le «déchirement » en tout cas si soudain de Tanor Dieng fait rire, s’agissant de l’emprisonnement de Khalifa Sall qui dure depuis un peu plus de deux ans. Tanor a toujours soutenu n’avoir rien à voir dans cette affaire !

En définitive, celui qui est accusé d’avoir manœuvré en sous-sol pour obtenir la mise à l’écart de l’ex-maire de Dakar, est-il habité par le remord, à l’octobre de sa carrière politique ? Est-ce une manière de proclamer sa « victoire » sur les rebelles qui se rendraient coupables d’abdication en opérant leur come-back, pieds et poings liés ? Les retrouvailles avec Khalifa Sall et Cie constituent-elles un épouvantail que le très rusé socialiste en chef agite dans un contexte post-électoral de redistribution des cartes au sein de Benno Bokk Yakaar pour exercer une sorte de chantage sur Macky Sall, aux fins d’amener celui-ci à ne pas revoir le traitement de faveur dont il jouit ? Car, on se rappelle que l’Alliance des forces de progrès a évoqué sa candidature à la prochaine présidentielle dès que des membres du parti-locomotive de la coalition majoritaire ont émis l’idée d’une dissolution de l’Assemblée nationale.